Les éditions LA BOUINOTTE publient un témoignage étonnant, un court opuscule intitulé : « Ma vie de femme de garde-chasse »
Issu d’une rencontre entre l’anthropologue Geneviève Bédoucha et l’autrice, Bernadette Aucuy, son récit ressemble à une idée saisie au vol, et Geneviève Bédoucha avoue sa surprise le jour où Bernadette Aucuy lui donna à lire son cahier… Nous sommes ici devant un témoignage, dont la vigueur sans détour nous touche : la vie dans une maison au milieu des bois, loin du village, où la maladie d’un enfant est un problème complexe, quitter la maison, marcher plusieurs kilomètres pour trouver un téléphone et revenir, l’angoisse au ventre, la pudeur aussi…
Si l’autrice professe une tendresse pour les chevreuils qui sont comme des voisins quand ils viennent brouter l’herbe dans la prairie attenante, les élevages de faisans dont s’occupe son mari, elle raconte son peu de goût pour les chasses, et surtout son quotidien, l’eau à puiser au puits, l’effort à fournir pour remonter un litre d’eau, et ce qu’il fallait pour une lessive… Comment leur premier propriétaire, monsieur le Comte, leur amena l’eau courante.
Et aussi les différents propriétaires qu’elle a subis…
Le style de l’autrice n’a visiblement pas été retouché, et c’est une qualité, car une langue « gourmée » aurait affadi le propos, nous lisons ce que B. Aucuy a écrit, avec sa ponctuation, sa syntaxe… un style directement inspiré d’une parole retranscrite : la franchise sans détour du propos donne de la profondeur à son expression, nous lisons aussi ce qu’elle ne dit pas et on s’émerveille de la fraîcheur du ton, racontant sans détour sa solitude, l’ennui, et sa timidité.
Un témoignage précieux sur les grands domaines solognots et sur une époque où une épouse sans métier ne recevait guère de considération. Très touchant, et à recommander avec chaleur pour une soirée d’hiver !
Bernard Henninger