21 Juin

Tours : livres et documents anciens à l’Hôtel des ventes Giraudeau

Lundi 24 juin se déroulera le matin et l’après-midi à l’hôtel des ventes Giraudeau à Tours la mise en vente d’un important lot de livres, paradis pour promeneurs, collectionneurs et fureteurs de papiers anciens. Quelques lots sortent de l’ordinaire…

Ainsi, cette Édition Originale du CURÉ DE VILLAGE d’Honoré de Balzac avec autographe de l’auteur : « À Henri de France, hommage d’un sujet fidèle, de Balzac, Paris 7 mars 1841 » où il y  affirme avec clarté son légitimisme (estimation : de 1000 à 1500 €), mais aussi des enchères plus modestes comme ce lot comprenant 14 livres reliés, dont la correspondance de Voltaire avec l’impératrice de Russie, estimée de 80 à 100 €.

Au registre des pièces exceptionnelles, cet ensemble de PERON François & FREYCINET Louis, relatant un « Voyage de Découvertes aux Terres australes, exécuté par ordre de Sa Majesté l’Empereur et Roi pendant les Années 1800, 1801, 1802, 1803 et 1804 ; publié par le décret impérial et rédigé par M. F. Péron », l’estimation le situe aux alentours de 15-16 000 € ou cet autre récit de Bory de Saint-Vincent  d’un « Voyage dans Les Quatre Principales Iles des Mers d’Afrique, Fait par Ordre du Gouvernement » daté des années 1801-1802, dont se détache une belle carte de la Réunion.

Dans un ordre plus artistique, je ne résiste pas au plaisir de citer le lot n°10 constitué de 183 dessins originaux de Léon Masson, à l’encre de Chine, rehaussés de lavis, exécutés en vue de l’illustration lithographiée d’une édition de Jane Eyre estimé à 500-600 €.

Pour des estimations allant de 50 à 200 €, vous pourrez tenter de vous procurer l’œuvre de Boileaux-Despréaux, Nerval, ou les Contes d’Hoffmann. Cette vente comporte de très nombreux lots, parcourant le XIXème et le début du XXème siècle, la vente est vaste, j’y repère également des enluminures du XVIème siècle (lot non illustré), un album de gouaches de la région napolitaine, quelques albums de Jules Verne, des aquarelles de Corot, ou des livres moins courants : de Malebranche (« De la recherche de la vérité »), SCHABOL («  La Pratique du jardinage »), ou le Traité des maladies du cœur de De Sénac…

La première partie commence le matin à 9h30 et la seconde débutera à 14h00.

Pour qui aime renifler les vieux papiers, rêver devant les gravures, les aquarelles et les belles reliures, il est tout à fait intéressant de passer quelques heures à se remplir les yeux d’Histoire et d’histoires… La vente peut être suivie sur Internet, et il est possible d’y participer. Bien sûr, méfiez-vous des addictions : les enchères peuvent s’envoler entre un enchérisseur par téléphone et deux ou trois autres sur Internet. Les bibliothèques Américaines et les collectionneurs étrangers n’hésitent pas à venir faire leur marché en région tourangelle… L’estimation initiale, en fonction des désirs, peut n’être plus qu’un plaisant souvenir. Lors d’une vente où je cherchais à acquérir un pauvre Jules Verne, j’ai dû patienter que filent une douzaine d’éditions dites «  au globe doré » à des prix valant mon salaire, pour pouvoir me rabattre sur des reliures moins recherchées (et parfois plus anciennes…).

Il arrive que l’enchère ne soit pas couverte, et il est possible de se lancer à moindre coût, c’est une longue patience, et un temps bref pour savoir si ce lot dont personne ne veut ne recèle pas quelque découverte, telle une pochette surprise… et si vous voulez mon avis, c’est plus amusant que les jeux à gratter.

Bernard Henninger

14 Juin

« SOS Terre & Mer » : une anthologie participative au profit d’ l’ONG SOS Méditerranée

Pour cette anthologie réalisée à l’aide d’un financement participatif, les bénéfices de SOS Terre & Mer iront à l’ONG « SOS Méditerranée ». Les textes réunis pour l’occasion permettent de porter un regard neuf sur un sujet brûlant.

En tant que lecteur, je me dois d’avouer une légère méfiance devant les anthologies à thème que réalisent de courageux éditeurs et auxquelles il m’arrive parfois de participer. Si leur principale qualité – offrir au lecteur une grande variété de textes sur un même thème – est leur premier attrait, il est courant de découvrir des textes se contentant de paraphraser le thème…

Dans le montage de cette anthologie, les auteurs, illustrateurs, typographes et éditeurs se sont associés pour créer un objet sortant de l’ordinaire. Montée en pleine crise, l’opération est destinée à soutenir  l’ONG « SOS Méditerranée » à laquelle reviendront tous les bénéfices et elle est exemplaire en ce sens que le résultat final sort des sentiers battus, typographie, illustrations, tout a été mis en œuvre pour surprendre le lecteur et le résultat global est à mon goût réussi.

La couverture – signée Melchior Ascaride – fait s’envoler l’imagination. À titre personnel, je souligne l’originalité de la mise en page, signée Mérédith Debaque : chaque nouvelle débute par une illustration noir-et-blanc. On y retrouve des signatures prestigieuses : Cassandre de Delphes, Christine Luce, CAZA, Arnaud S. Maniak, Joseph Vernot… La direction littéraire est de Christine Luce.

Parmi les textes, je voudrais tout particulièrement en citer trois :

La Porte des Éléphants, de Bruno Pochesci

 Plongée au cœur de l’immigration : la porte des Éléphants sont deux montagnes entre lesquelles les éléphants passaient au cours de leur migration saisonnière. La sécheresse y a mis fin et elle a aussi projeté les héros loin de leur Terre Natale. D’origine Malienne, Hawa, la mère, parle le Bambara, le Français, langue des anciens colons, et elle l’enseigne en Italie, dont, telle une athlète d’un pentathlon particulier, elle apprend les langues et la culture.
Cette triple métamorphose n’est pas sans influencer la composition de la sauce Bolognaise qu’elle prépare… Peut-être est-ce une bonne définition de la culture ? Ces cultures multiples s’agrègent et leur dépositaire devient un étranger, non pas par son origine, mais par sa maîtrise là où les  renfrognés – les nés-quelque-part –, ne parlent qu’une langue et ne connaissent que leur culture, qu’ils vénèrent d’un culte morbide qu’ils nomment nation.
Bien que victime, Hawa et son fils Sira font montre d’une adaptabilité, qui ridiculise les replis identitaires. Là où les natifs s’aveuglent devant un mur, la frontière, pour Hawa n’est qu’un passage vers d’autres manières de rire et d’aimer… Et la migration, des hommes comme des éléphants, est le mode naturel des espèces chassées par les vicissitudes du climat et de la politique.

Les Xhyles de Julien Heylbroeck, nous montrent une migration forcée vers une planète hostile, habitée par des monstres. Les migrants n’ont d’autre choix de que de se précipiter dans la gueule du monstre… avant de se poser la question de qui a défini ces Xhyles dont ils ne savent en réalité que fort peu de choses. Le coup de théâtre n’en est que plus savoureux.

 Et enfin, mention spéciale, à la Fête à Neuneu de Dominique Douay, plongée au cœur d’une administration rancie, resserrée autour d’un groupe aux plaisanteries douteuses. Manuel, bouc émissaire permanent, affecté à la reconnaissance au faciès et à la pensée des candidats à l’immigration. Nul ordre n’a spécifié qu’il devait se montrer aussi stupide que ses chefs ou les grasses plaisanteries de ses collègues. Pendant la guerre, là où des kapos prétendaient avoir exécuté un ordre, certain gendarme, en alertant la veille les victimes d’une rafle, a sauvé des personnes…
La responsabilité n’est pas une obéissance, elle est une voie, un choix de vie, un chemin, un cadeau du destin. Et nul ne peut nous empêcher de faire usage d’humour face aux caricatures des administrations… La « Fête à Neuneu » avec son esprit décapant, démontre que l’imagination détourne la grisaille de l’oppression, toutes les oppressions !

Bernard Henninger