Béziers : ville à la fois historique pour l’occitan et aujourd’hui l’une des plus vivaces en termes de structures et d’associations. Au soir du 30 mars quand les Biterrois ont désigné Robert Ménard comme maire, surgissent beaucoup d’inquiétudes et de questions sur le devenir de l’occitan.
Robert Ménard connaît bien Béziers, ville d’adoption après son départ de l’Algérie. Il y a créé « Radio Pomarède » et « Le Petit Biterrois ». C’était sa période extrême gauche. Aujourd’hui il a rejoint l’autre extrême. S’affichant à « Manif pour Tous » et partisan déclaré de la peine de mort.
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S’il n’est pas encarté au Front National, il a été soutenu par le parti de Marine le Pen (FN), par le Rassemblement Pour la France (RPF) de Christian Vanneste, le Mouvement Pour la France (MPF) de Philippe de Villiers et Debout La République (DLR) de Nicolas Dupont-Aignan. Des personnes et des partis farouchement opposés aux langues régionales, et qui s’en servent parfois pour les enfermer dans des replis identitaires et passéistes.
Robert Ménard est fier d’avoir redonné à sa ville son blason traditionnel.
Robert Ménard, on ne vous a pas entendu durant la campagne ni depuis votre élection vous prononcer sur l’occitan. Qu’est-ce que ce mot vous évoque ?
Robert Ménard (RM) : c’est d’abord ma jeunesse et les luttes avec Claude Marti, Yves Rouquette. Durant ma campagne j’ai insisté sur ces racines…
Vous faites souvent référence aux racines, aux traditions. Mais l’occitan est bien vivant aujourd’hui ?
RM : Mais je défends les calandretas. Penser ma ville sans la qualification d’occitane serait une contre-vérité historique et une bêtise contemporaine.
Le CIRDOC est l’institution la plus représentative. 65% de son financement vient de la région Languedoc-Roussillon, 25 % de la ville de Béziers, soit 200 000 euros. Allez-vous continuer à aider le CIRDOC ?
RM : Ils font du bon travail et je poursuivrai ce qui a été entrepris par la municipalité sortante. Mais je ne sais pas si la subvention sera à l’identique. Vous savez, Béziers est rentrée dans le réseau d’alerte. Nous sommes la 4ème ville la plus pauvre de France. 62 % des habitants ne paient pas d’impôts et j’ai promis de les baisser.
Mais je peux vous dire que nous avons voté cette semaine le fait que les 2 groupes d’oppositions (PS et UMP) auront désormais un représentant au CIRDOC. Avant, seul siégeait un représentant de la majorité.
Béziers a cette particularité d’avoir 3 calandretas. Elles ont un bail emphytéotique avec la mairie pour les locaux. Etes-vous favorable à cet enseignement et allez-vous les aider ?
RM : Durant ma campagne, j’ai rencontré les dirigeants de calandreta. Pour moi, un enseignement est un enseignement. Privées ou publiques, des écoles sont des écoles. J’aiderai les calandretas
Et le centre Aprene qui forme les futurs enseignants des écoles immersives et qui sont subventionnés par la mairie ?
RM : Je ne connais pas encore ce centre. Je ne peux pas vous dire ce que je ferai avec eux.
Béziers a aussi sa féria avec un village occitan, la Fèsta d’òc qui est un événement porté par la ville. Allez-vous poursuivre ces manifestations ?
RM : Je crois que Béziers a trop de choses qui n’ont pas assez d’impact. Il faut faire moins de choses mais plus visibles, avec plus de répercussions. Pour la Féria, j’aime et je défends la corrida. Mais il faut lui redonner une dimension plus locale, sortir de la boîte de nuit à ciel ouvert…
Par exemple ?
RM : il y a de moins en moins de peñas. Mais on peut relancer aussi le pèlerinage de la vierge. Et je ne dis pas ça en tant que chrétien.
Béziers a aussi un carnaval qui vient de fêter ses 30 ans ?
RM : Ici comme pour le reste, il faut se démarquer, cultiver les différences. Tout le travail sur les animaux totémiques est intéressant. Ce devrait être systématique.
Et la Fèsta d’òc ?
RM : Il faut faire des choses. Il y aura de l’occitan dans certaines manifestations. Mais pas de communautarisme, je déteste ça.
Vous avez des envies particulières en termes de programmation ?
RM : Je ne fais pas de la politique pour moi. Mes goûts n’ont pas à intervenir…
Il n’y aura pas un élu chargé de l’occitan ?
RM : Non, mais chaque secteur (enseignement, culture) pourra intégrer de l’occitan.
Vous avez été soutenu par des partis très jacobins (FN, RPF, MPF, DLR…) qui sont des adversaires avérés des langues régionales. Vous allez donc vous démarquer de leur idéologie sur ce terrain là ?
RM : Ce n’est pas moi qui doit les suivre ou pas. Ils ont signé mon programme et m’ont soutenu en connaissance de cause. C’est eux qui m’ont rejoint.
Si vous aviez été député, vous auriez voté la proposition de loi visant à ratifier la charte européenne des langues minoritaires ?
RM : Je ne répondrai pas à cette question. Je ne fais pas de politique nationale. Je fais de la politique pour Béziers.
Entretien : Benoît Roux