07 Oct

Musique : Lombre sublime le noir loin des clichés du rap

Un papier dans Libé, des vues qui se multiplient sur YouTube, cet artiste venu de Rodez commence à attraper la lumière. Sur les traces de Pierre Soulages, Lombre aime faire jaillir la lueur du noir. Des textes denses, des musiques exigeantes, il a trouvé son équilibre bien loin des clichés du rap.

Lombre © Kevin Spadafora

Lombre a pris le temps de bien faire les choses. Histoire de ne pas se brûler avant le soleil. Il vient de sortir son second EP, presque 3 ans après le premier. Certains ont perçu son talent, d’autres ont voulu lui faire prendre des chemins non conformes. Il a résisté, jusqu’à trouver l’équilibre avec un producteur et un réalisateur.

La révélation avec Clément Libes et Léo Bouloumié

Andréas Touzé alias Lombre est un tout jeune artiste. C’était tout d’abord un danseur. Son père qui avait une compagnie de théâtre sur Rodez l’a nourri de spectacle vivant, donné du son à ses oreilles. La musique, ça fait longtemps qu’elle est en lui, la passion de l’écriture aussi. Ça s’entend aujourd’hui et il fallait que ça sorte. Dans son flow, on ressent cette urgence, cette libération artistique.

Et celui qui a révélé cet artiste amateur du sombre, c’est Clément Libes (ex Kid Wise), le réalisateur de l’album « La vraie vie » de Bigflo et Oli. « C’est compliqué de trouver la recette, le bon équilibre entre la force des textes et la richesse de la musique. Clément Libes a révélé l’alchimie. Il y a une grande richesse dans ce qu’il propose, avec une palette de couleurs impressionnante. C’est un génie.  » 

Celui qui a travaillé aussi avec l’artiste Christophe (fin connaisseur des sons) s’est adjoint une autre oreille pointue : Léo Bouloumié. Comme Clément Libes commençait à avoir beaucoup de sollicitations, c’est Léo Bouloumié qui a beaucoup travaillé sur l’EP « La lumière du noir » avec 6 morceau, dont le titre éponyme dédié au maître du noir Pierre Soulages. « Avant, mes projets partaient dans tous les sens. Ils ont mis tout ça en cohérence. De travailler avec tous ces gens de qualité m’a permis d’être plus précis dans mon travail. « 

Reportage France 3 Occitanie (Rodez)

Sincérité et spontanéité comme exigences

Pendant longtemps, Lombre commençait par écrire ses textes. Désormais, il va en studio avec Léo et se laisse porter par la musique. Une nouvelle forme d’écriture qui correspond parfaitement à ses exigences de différences. « Nous avons déjà une quinzaine de maquettes dont 2 morceaux que l’on joue sur scène. on verra si l’on fait un EP ou carrément un album complet.Mais j’essaie de sortir des codes, des clichés que l’on entend trop souvent dans le rap. Je veux sortir un truc sincère et spontané. »

C’est ainsi que Lombre s’est retrouvé avec 7 autres artistes toulousains dans le Lot, au studio d’Arthur Ferrari, le fils de Nino Ferrer. Histoire de confronter les styles et faire émerger de nouvelles richesses. Parmi les intervenants, il y avait Jean Fauque, l’un des paroliers de Bashung. Il a été très touché par le travail de Lombre, un signe de plus qui ne trompe pas. Début octobre, le jeune artiste a fait l’objet d’un papier très flatteur dans Libé.  Ses 2 potes de Bigflo et Oli dont il a fait plusieurs premières parties l’encouragent. « C’est vraie qu’il y a une communauté qui commence à être pas mal, très concernée par ce que je fais. C’est très flatteur. L’autre jour, le groupe Kyo qui a bercé mon enfance  a aimé un de mes posts sur Instagram. Le rêve ! »

©-Kevin-Spadafora

Lumières sur Lombre

Nouvel extrait de son 2ème EP « La lumière du Noir », Lombre vient de publier un nouveau clip « Espoir Noir ». Une chanson sur la persévérance, le combat qu’il faut mener dans le voir pour apercevoir un jour la lumière. L’histoire de Joshua, danseur Londonien, jambe cassée qui lutte pour retrouver ses sensations.

Lombre – Espoir noir


Réalisé par Jérémie Brivet, il traduit parfaitement le processus de reconstruction d’un être humain, le noir qu’il faut broyer, l’espoir qu’il faut garder jusqu’à la lueur. « Ce clip me parle car, ayant moi aussi fait de la danse depuis plusieurs années, j’avais à cœur de mettre en avant cet art tellement riche et magnifique. Je voulais quelque chose d’universel, accessible ». Se servir des choses qui font mal, chercher l’espoir pour atteindre la lumière, c’est toute l’essence et la finalité du projet de Lombre.

Tout ceci a beaucoup de cohérence et de pertinence pour un jeune artiste. Il n’est pas seulement un interprète précis, spontané et émouvant. Le packaging de son EP « La lumière du noir » est très travaillé, soigné, faisant de l’album un véritable objet d’art. Parmi ses nombreux projets, un concert qui serait plus un spectacle total, avec d’autres disciplines. Et pourquoi pas la danse. En attendant, il part en tournée, avec une date sur Albi le 6 novembre. 

Lombre est un artiste à suivre. Son noir est toujours lumineux comme celui de Pierre Soulages. Son spoken word et sa richesse musicale ne sont qu’au début de la révélation. Un jour, Lombre sera en pleine lumière.

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Label Ulysse Maison d’Artistes

Benoît Roux

 

Eddie Van Halen en 10 titres

Le célèbre guitariste Eddie Van Halen est mort mardi soir 6 octobre 2020 à l’âge de 65 ans. On retiendra ses riffs de guitare, le « tapping » qu’il a inventé, ses tenues excentriques, sa longue chevelure. Retour sur ce guitar hero du métal en 10 morceaux.

Eddie Van Halen Photo : John Angelillo/UPI via MaxPPP

Eddie Van Halen c’est tout d’abord l’inventeur du « Tapping », une technique qui consiste à ne pas utiliser de médiator avec la main droite, mais de taper sur le manche avec les doigts. Un procédé qui donne une impression de vitesse fabuleuse que Van Halen érigera en institution. Exemple sur cette reprise du célèbre morceau des Kinks. 

Van Halen – You really got me

Mais évidemment, le titre entendu des milliards de fois n’est pas un morceau de Van Halen. Il a juste réalisé le solo. Et quel solo !

Michael Jackson – Beat it

Le TUBE de Van Halen, c’est « Jump » sorti fin 83. Remarqué pour un son de synthé assez novateur, les guitares de Van Halen ne sont pas en reste. Eddie aurait même déclaré que c’était son solo préféré. En France, le morceau cartonne et depuis plus de 30 ans, il accompagne l’entrée des joueurs de l’OM sur la pelouse du Vélodrome. 


Eddie Van Halen – Jump

Connu comme guitariste, Eddie Van Halen joue aussi de la batterie. Il forme avec son frère Alex le groupe Van Halen en compagnie du très remuant chanteur David Lee Roth. Une agitation contagieuse, comme on peut le voir sur le clip avec des extraits de concerts.

Eddie Van Halen – Panama

Le groupe se fonde en 1978 et dès le premier album, figure ce qui va devenir le manifeste du « Tapping » : le titre « Eruption ». Avec 2 maîtres de la guitare revendiqué : Dieu lui-même -Eric Clapton- et Jimmy Page.

Van Halen – Eruption live in Charlotte 2015

Il réalise la même technique sur une guitare folk avec le titre « Spanish Fly » d’une technicité impressionnante.

Eddie Van Halen – Spanish Fly

Le groupe Van Halen est avant tout un groupe de métal dès les premiers albums. Comme le prouve ce morceau paru en 1978.

Eddie Van Halen – Ain’t talkin’ bout love Live

Eddie Van Halen – Hot for teacher

Autre morceau étonnant, « Hot for Teacher » qui commence par un solo de batterie endiablé sur tout le morceau. Le clip est aussi assez délirant, co-réalisé par le chanteur David Lee Roth.

Comme tout bon groupe de hard qui se respecte, Van Halen a aussi fait (rarement) dans le morceau plus calme, le slow bien balancé. Un peu anecdotique mais ce live révèle aussi la qualité des musiciens.

Eddie Van Halen – Love walks in

Dernier titre qui envoie bien paru dès 1978 : « Runnin’ with the devil ». David Lee Roth en pleine forme et les légendaires solo de Van Halen.

Eddie Van Halen – Runnin’ with the devil

Disparu a 65 ans, Eddie Van Halen aura changé le son et la manière de jouer de la guitare.

Benoît Roux

05 Oct

Des musiciens de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse reprennent les clefs de Saint-Pierre

Depuis 20 ans, des musiciens de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse proposent des concerts en formation réduite. Dans un cadre magnifique (Saint-Pierre des Cuisines à Toulouse), ils proposent 5 concerts pour écouter la musique de chambre avec plus de proximité. La nouvelle saison débute ce soir lundi 5 octobre avec un programme dédié aux quatuors : Mozart, Haydn, Beethoven.

Les 4 musiciens du concert du 5 octobre 2020 : Photo : Les Clés de Saint-Pierre

Faire entendre la musique dite classique d’une autre manière

Depuis l’an 2000, les associations « Internotes » et « Les clefs de Saint-Pierre » proposent des concerts de musique de chambre d’un autre genre. L’idée : prendre des musiciens de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse (ONCT) et leur demander d’établir un programme musical pour le jouer ensuite à l’auditorium de Saint-Pierre des Cuisines de Toulouse. « Ce sont des choses qu’on ne voit pas dans les autres saisons musicales. Nous sélectionnons 5 de ces programmes et les musiciens du Capitole viennent ensuite les jouer à Saint-Pierre. Ca crée une autre relation entre les musiciens et le public. » Henri Simonneau le président de ces associations est très satisfait du résultat. Toute la différence se fait par le choix des musiciens du Capitole qui permet des associations audacieuses et des découvertes fructueuses.

Outre les 5 concerts à Saint-Pierre, l’association « Internotes » se greffe aussi sur les « Concerts de marchés » qui se déroulent tous les dimanches à Tournefeuille non loin du marché. Ils proposent 4 concerts cette saison dans ce cadre là : « Ce sont des concerts plus courts (1H environ), qui s’adressent particulièrement aux enfants, et qui sont très accessibles : le prix est fixé à 2€ ».

La saison 2020/2021

La saison précédente s’est achevée le 11 septembre dernier en raison du concert annulé le 27 avril. Mais ce lundi 5 octobre, Les Clés de Saint-Pierre réinvestissent l’auditorium pour la nouvelle saison. Au programme, « Le quatuor en héritage » avec 3 compositeurs clés de ce genre musical : Haydn, Mozart et Beethoven. Ce lundi soir à 21H, vous pourrez le Quatuor N° 5 opus 33 de Haydn, le Quatuor N° 15 en ré mineur K. 421 de Mozart et le Quatuor N° 5 opus 18 en la majeur de Beethoven.

Sur scène,  Marianne Puzin et Jean-Baptiste Jourdin, violons, Claire Pélissier, alto et Marie Girbal, violoncelle. Tous les 4 sont des musiciens de l’ONCT. Ils ont réalisé un Teaser qui prouve bien l’esprit « décontracté » de ces concerts. 

Le prochain concert aura lieu le 30 novembre et fêtera le 250ème anniversaire de la naissance de Beethoven. Avec le Quatuor n°7 en fa majeur, les Plaisanteries musicales autour de Beethoven pour 2 cors et quatuor à cordes et un Sextuor en mi bémol majeur.

Chaque concert est au prix de 22€, 16€ pour les séniors, 11€ pour les étudiants. Pour ces derniers, si vous vous présentez le soir du concert, vous ne paierez que 5 € sur simple justificatif. L’idée étant de rajeunir le public, il est possible de s’abonner aux 5 concerts de Saint-Pierre pour 70€. Evidemment, l’accueil du public se fera dans le stricte respect des normes sanitaires. La jauge de la salle permet de recevoir 196 personnes.

Des partenariats à venir

L’association « Internotes » développe des partenariats depuis sa création. L’association « Aïda » qui est aussi mécène de l’ONCT l’est aussi pour ces concerts. Cette année, 3 des 5 concerts feront l’objet d’une organisation particulière. Des actions ciblées par rapport à un certain public qui fréquente peu ces manifestations (par exemple les jeunes, les Compagnons du Devoir…) pour venir présenter les musiciens dans leurs structures et qu’ensuite ces personnes viennent aux concerts. « Nous allons signer une convention ciblée avec certains publics le 17 octobre à la Halle Aux Grains, assure le président Henri Simonneau. Cette opération sera menée pour les 3 concerts qui auront lieu début 2021. Nous voulons montrer notre travail au quotidien pas seulement quand nous sommes en costume queue de pie! ».

Les « Clefs de Saint-Pierre » ou comment faire prendre la Clef des champs aux musiciens pour faire écouter et découvrir la musique sur des registres différents.


Les clefs de Saint-Pierre

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01 Oct

L’ouvrier Sam Karpienia (Dupain) repart à L’Usina

Il y a 20 ans, le groupe Dupain sortait son premier album : L’Usina. Des chants ouvriers puissants lancés contre la vague capitaliste, portés par la voix enfiévrée de Sam Karpienia. Le chanteur reprend aujourd’hui ces textes pour une relecture plus intime et poétique, portée par les cordes des mandoles et d’un violon bulgare. Une véritable création qui prouve encore la richesse d’un artiste toujours aussi inventif, engagé et généreux.

Pauline Willerval et Sam Karpienia Crédit Photo : Yves Rousguisto – ADAGP

Premier morceau, premiers frissons « Terra de Crau », texte et musique Sam Karpienia. Difficile d’y reconnaître complètement le morceau initial « Lo Garagai » tellement tout est réinventé. Mais toujours habité magnifiquement par Sam. A l’image de tout l’album.

L’Usina en résidence

Pourquoi revenir sur ce choc musical qu’a été l’album « L’Usina » en 2000? Coup d’essai, coup transformé par Dupain, avec pour maître d’œuvre Sam Karpienia. Une major (Virgin) s’était même intéressée au phénomène en signant le groupe. La presse était alors dithyrambique et unanime.

20 ans plus tard, cette relecture très personnelle paraît sur un nouveau label « Fatto in Casa » monté par Serge Pesce et Lucien Massucco (Nux Vomica). L’Usina nouvelle version est donc revenue chez les ouvriers. Les moyens ne sont pas les mêmes mais la créativité est intacte. Moins brutal, moins direct qu’avec Dupain, cette création est plus intimiste, plus personnelle et va exploiter d’autres sphères.

Sam Karpienia & Pauline Willerval – Terra de Crau

Au départ, Lucien Massucco propose  à Sam de faire un disque sur son nouveau label « Fatto in casa »; un disque de Sam Karpienia et pas de Dupain. Sam propose de reprendre les textes de l’Usina 20 ans après pour une régénérescence nécessaire. Le défi n’est pas évident mais l’envie et le talent font le reste.

Dupain – Lo Garagai (version initiale de Terra de Crau)

En 2018, Sam rentre solo en résidence à Coaraze dans les Alpes Maritimes. Une semaine plus tard, la dralha est tracée, le projet s’affine. L’artiste décide d’y joindre Pauline Willerval. « On s’est rencontré quand elle était à Marseille. Elle a joué aussi avec De la Crau (autre groupe de Sam). Elle a une approche virtuose, intelligente, mais elle sait aussi jouer simple. Elle a vécu en Turquie, en Bulgarie et là, elle est repartie en Bretagne »

Toujours le brassage improbable des cultures cher à Sam! Pauline joue de la Gadulka, un violon bulgare à la sonorité typique. Elle fait partie de plusieurs groupes et partage souvent la scène avec Rodolphe Burger ou Erik Marchand. Son travail sur ce disque est assez époustouflant.

Pauline Willerval & Makis Baklatzis – Halai

Ensemble, ils re-rentrent en résidence pour parfaire la création. Octobre 2018, un concert de sortie de résidence clôture la création. Il permet aussi de lancer le nouveau label. Le disque qui vient de sortir est le fruit de ce travail. La plupart des morceaux ont été enregistrés en multipistes pendant le live à Coaraze. D’autres sont issus du travail de résidence. Un disque en duo très riche où l’imperfection est assumée et l’émotion assurée.

Pauline Willerval Crédit Photo : Yves Rousguisto – ADAGP

« Basta de trabalhar », l’autre album de la révélation

Sam Karpienia a toujours aimé les boucles pour poser sa voix d’équilibriste dessus. Dans Dupain, c’était avec la vielle à roue, là c’est avec la gadulka de Pauline Willerval et les boîtes à rythme. Comme un support, un champs contre-chant au chant. Le feu de la voix est toujours là, la fièvre contestataire de ces textes brulots toujours présente. Les mots ont toujours des résonnances actuelles, peut-être encore plus qu’il y a 20 ans. Mais la direction musicale choisi est moins ardente, plus poétique même si la voix rauque de Sam clame ses colères comme une transe bienveillante.

Le côté musique répétitive des gestes mécaniques du monde ouvrier ne sont que davantage mis en valeur. La gadulka de Pauline Willerval, les mandoles de Sam et autres boîtes à rythmes créent un tourbillon prenant comme dans cette magnifique chanson « Ta libertat ». Version très habité et magnifié du morceau « Que vòs » de Dupain. Quel souffle, quel lyrisme, quel équilibre! Magnifique.

Sam Karpienia & Pauline Willerval – Ta libertat

Tout est juste, profond et personnel. Les équilibres entre mandole (électrique ou acoustique) gadulka, boîte à rythmes, quelques chœurs rajoutés et la voix de Sam Karpienia sont tout simplement somptueux. Comme un ruissellement de cordes qui se glisse entre les pierres de la voix rocailleuse de Sam.

Rien à voir avec la version initiale de Dupain pourtant intéressante.

Dupain – Que vòs?


Moins violents, les morceaux n’en retirent que plus de force. On mesure la beauté et la pertinence de ces textes, l’humanité et la profondeur du chant de Sam. Pour l’heure, l’artiste est sur plusieurs projets, en solo ou avec son groupe De la Crau. Sam Karpienia aimerait bien amener « Basta de trabalhar » sur scène avec Pauline Willerval. Mais pour l’heure, il est surtout en tournée avec De la Crau.

Sam Karpienia Crédit Photo : Yves Rousguisto – ADAGP

« Basta de trabalhar » est un disque atypique, avec la force et la spontanéité assumées d’un live, mais aussi une production intelligente dans le même esprit. Là où les artistes passent beaucoup de temps à se répéter, Sam Karpienia enfile toujours le bleu de chauffe pour se régénérer. C’est l’esprit de l’usine mais sans jamais se reproduire. Explorer, toujours explorer, comme une mise en danger vitale pour se garder vivant.

ACHETER LE DISQUE

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Portrait SAM KARPIENIA  

UN MARSEILLAIS SIGNE LE TUBE DE L’ETE

Benoît Roux

 

 

28 Sep

Alerte Rouge pour Speedos et les techniciens du spectacle toulousain

Il y a les artistes et ceux qui sont derrière. Jean-Luc Petit alias « Speedos » a fait le son pour Cats on Trees, Stan Getz, Fabulous Troubadors, Mano Negra, Massilia… On le retrouve souvent aux concerts du Bikini à Toulouse. Mais depuis le printemps, les consoles restent muettes. L’Alerte Rouge a été déclarée. Si on parle souvent des artistes, tous ceux qui leur permettent de se produire sont en galère. Exemple avec « Speedos » qui a choisi ce métier pour s’enrichir les oreilles.

Photo Audio-Lum

Jean-Luc Petit est un passionné du son et du spectacle en général. Si on l’appelle « Speedos », c’est parce qu’il voudrait toujours donner plus pour sa passion. Mais depuis 6 mois, c’est le calme plat. Il aurait dû être sur un festival, peut-être participer à un concert au Bikini (Toulouse). Mais il est chez lui, avec son entreprise Audio-Lum fondée en 1989.

Audio-Lum passe au rouge comme d’autres sociétés

Non loin de Toulouse, à Drémil-Lafage, Jean-Luc trouve le temps long. Cet éternel bon vivant optimiste commence à se faire du mouron pour ses 3 salariés permanents et la quinzaine d’intermittents qui travaillent régulièrement. « Aujourd’hui, nous en sommes à 190 jours de concerts annulés depuis le 16 mars. Depuis cette date, il ne s’est rien passé non plus à la salle du Bikini ». Jean-Luc est à la tête d’une petite structure indépendante (l’une des dernières) qui intervient sur de nombreux festivals, qui suit les artistes en tournée et qui fournit beaucoup de prestations pour des salles de spectacle; notamment le Bikini à Toulouse.

Cette année les « Arts scenics » de Lisle-sur-Tarn n’ont pas eu lieu, les « Siestes électroniques » à Toulouse se sont endormies pour un an. Idem le festival « Rock en Stock » dans le Gers, le « Tangopostale » à Toulouse. Quand le téléphone sonne chez Speedos, ce n’est plus pour une commande mais pour supprimer encore une date. Ses salariés sont en chômage partiel. Lui, il n’y a pas droit mais touche des aides de l’Etat. Certains mois 1500 €, d’autres un peu moins. La Région Occitanie a été solidaire : 2000 €. Heureusement, la comptabilité de sa boîte était saine. Il puise donc dans les réserves. « Nous avons fait quelques concerts en plein air devant la Halle de la Machine (Toulouse), quelques petites locations. Nous avons perdu 80 % de notre activité depuis mars. Pendant le confinement, nous n’avons rien fait. Habituellement, notre chiffre d’affaire annuel est de 650 000 €. Cette année, nous arriverions péniblement à 150 000 € si on arrive à travailler. » 

Alerte Rouge devant le Bikini (Toulouse). Photo : Benoît Roux FTV

Les métiers de l’ombre au bord du gouffre

En Midi-Pyrénées, l’ensemble de la filière concert-événement fait travailler 9000 personnes. Les 200 prestataires techniques de l’ancienne région ont déjà perdu 2,5 M d’€. Si l’on comptabilise toutes les retombées financière générées par un événement, ce serait 8 M d’€ de pertes de chiffre d’affaire par semaine !

Mercredi 16 septembre, les professionnels des métiers du spectacle et de l’événementiel ont lancé une Alerte Rouge. Une idée venue d’Allemagne pour alerter sur leur situation plus critique encore que celle des artistes. En France, le SYNPASE (Syndicat National des Prestataires de l’Audiovisuel Scénique et Évènementiel) a porté ce mouvement. Plusieurs collectivités locales (Département de la Haute-Garonne, Région Occitanie) mais aussi des salles de Spectacle (Bikini, Halle de la Machine…) ont mis du rouge sur leur façade.

Depuis, l’événement a trouvé un écho médiatique et les échanges avec Bercy ont été intenses. « On était dans le vide, nous n’étions absolument pas pris en compte. On voulait être au premier rang, ne pas solliciter les artistes, faire voir ce dont nous étions capables. La culture, ils connaissaient…le tourisme aussi. Mais nos dirigeants ignoraient que l’on était des indépendants et que nous n’étions pas payés par les artistes. » Finalement, les discussions avancent, des propositions pourraient être reprises. Et la nouvelle ministre ? « Bachelot a bien réagi. Dans ses interventions, elle a su expliquer que derrière un artiste, il y a un savoir-faire. On a un début de prise en compte. »

Jean-Luc Petit Photo : Audio-Lum

L’avenir

Pour l’heure c’est le calme plat jusqu’à l’été 2021. Le printemps risque d’être aussi confiné que celui de cette année. « On réfléchit a savoir comment trouver une activité annexe mais c’est compliqué car notre savoir-faire est particulier. Notre outil de travail est important et cher mais il ne sert qu’à ça. On a des camions, on pourrait s’en servir mais il faudrait une licence de transporteur. Alors on essaie de se mettre à la vente de matériel car des salles continuent à s’équiper. Il faut tenir. On va serrer tous les frais, bénéficier au max des aides, repousser des paiements et attendre que ça redémarre. » 

Le confinement a été propice à des expérimentations. Les artistes ont fait des « lives », confinés chez eux, sans avoir besoin de matériel. Il y a eu aussi les concerts « drive » sur des parkings, dans sa voiture comme à Albi ou Tarbes. Mais c’était pour maintenir du lien, car ces concerts ne peuvent pas être rentables. Ils nécessitent du matériel supplémentaire pour avoir du son dans les voitures et une jauge plus que réduite. Audio-Lum a d’ailleurs envoyé un technicien pour le dive d’Albi avec le groupe Boulevard des Airs.

Speedos dernier des Mohicans

Speedos devait d’ailleurs accompagner le groupe sur des festivals. Il venait aussi de signer un artiste français qui devait tourner après le confinement. C’était lui aussi qui fournissait du matériel pour la tournée de Christophe…« Ce qui fait mal aussi, c’est que nous perdons notre savoir-faire à force de rester chez soi ». Et Speedos n’en manque pas.

L’un de ses premiers concerts, c’était Ella Fitzgerald. Il a fait aussi Stan Getz, Paco de Lucia, Stéphane Grappelli,  la scène alternative (Mano Negra, Garçons Bouchers, Béruriers Noirs). Il a suivi les Fabulous Troubadors en tournée aux States. « Mon meilleur souvenir. J’ai passé de très bons moments avec eux et on a fait le tour du monde. Ils aimaient avoir le temps. Pour 2 concerts, on restait une semaine sur place. On enrichissait notre culture en faisant de belles rencontres. »  Il suit aussi les Cats on Trees. En fait, il a le luxe de suivre les gens qu’il aime. « Je fais partie des derniers des Mohicans. Maintenant ils sont plus dans la finance que dans la technique. Ils n’ont pas l’amour que l’on a nous. On a vu l’évolution d’un métier : de quelque chose qui n’existait pas à un truc industriel. »

On est passé de la grotte à Versailles

Préoccupé par la situation mais heureux de faire ce métier, Speedos avance toujours sans faire de concessions. Il aurait pu aller à Paris, accompagner des artistes plus prestigieux mais c’est à la campagne (Drémil-Lafage) qu’il a monté sa boîte. « Je devrais être plus riche d’argent mais j’ai compensé avec d’autres richesses. Je changerais pour rien au monde. Les gens m’ont apporté beaucoup plus que l’argent. »

Les camions sont à quai, les flight-cases rangées, mais Speedos est prêt. Toujours speed pour son métier, toujours partant pour des échanges artistiques et humains. Toute cette richesse se cache derrière son sourire et sa voix si particulière. Le dernier des Mohicans est très attachant.

Audio-Lum

Benoît Roux

25 Sep

Bruce Springsteen sort un 2ème single plus rock

Après « Letter to you », Bruce Springsteen sort un second single : « Ghosts ». Un morceau résolument rock. De quoi chauffer les fans avant la sortie de l’album le 23 octobre.

Le Boss avec le E-Street-Band à Berlin 2012. Photo: Britta Pedersen via MaxPPP

I’m Alive !

Dès l’intro à la batterie, on sent qu’il va se passer quelque chose : « I hear the sound of your guitar » chante le Boss. Arrive alors le son mythique et si caractéristique du E-Street-Band. « C’est le seul album où tout le groupe joue en même tempsavec toutes les voix et tout cela complètement en live », précise Springsteen au magazine Rolling Stone. On retrouve donc le souffle inspiré du groupe, avec un son plus direct et une flamme retrouvée dans la voix de Bruce Springsteen. Tout l’album a été enregistré chez lui dans le New Jersey, en 5 jours seulement !

Pour être franc, ce titre accroche plus que le précédent single « Letter To You » plus ballade et moins convaincant.  « Ghosts » est un hommage puissant au Rock et ceux qui ont croisé le E-Street-Band. « Ghosts’ is about the beauty and joy of being in a band, and the pain of losing one another to illness and time. ‘Ghosts’ tries to speak to the spirit of the music itself, something none of us owns but can only discover and share together. In the E Street Band, it resides in our collective soul, powered by the heart. » Le clip mélange des prises de l’enregistrement et des images d’archives du groupe en concert. 

 Bruce Springsteen and the E-Street-Band – Ghosts clip réalisé par Thom Zimny


Un morceau sorti au moment de son anniversaire qui promet beaucoup pour le live. On s’y sent déjà, prêts à se laisser transporter. Si la tournée prévue après la sortie du nouvel album le 23 octobre est maintenue.

A ECOUTER AUSSI : « LETTER TO YOU » premier single

SITE OFFICIEL

24 Sep

Juliette Gréco, l’élégante et captivante interprète de la chanson française

A l’instar d’un Brel ou d’une Barbara ses 2 maîtres, Juliette Gréco était une interprète hors norme. Une élégance, une sensualité, une intelligence qui habitent aussi sa personnalité. Celle qui a chanté Brel, Brassens, Ferré, Aznavour, Gainsbourg ou Biolay s’en est allée. La chanson française perd l’une de ses grandes dames.

Juliette Gréco Festival Jazz de Montreux Photo : JEAN-CHRISTOPHE BOT via MaxPPP

A 93 ans, Juliette Gréco a tiré sa révérence. « Il faut partir d’un coup, pas quand on ne peut plus. C’est une question d’orgueil et de dignité. Je veux m’en aller debout, s’en faire pitié. » Ce sont ses mots, dans plusieurs interviews. Elle aura vécu grandement, en s’amusant, sans prétention, avec un regard toujours lucide sur les gens et les choses.

Juliette Gréco – Je suis comme je suis

« Je suis comme je suis », paroles de jacques Prévert, le titre d’un album sorti en 1968. L’élégance de Greco, c’est aussi dans les textes.

Des hommes à sa plume

L’enfance de Gréco, c’est le sud-ouest, une naissance à Montpellier, une jeunesse en Gironde, dans le Périgord. Et puis le choc : sa mère, sa sœur, déportées pendant la guerre. Elle se retrouve en prison, à Fresnes. Mais Juliette c’est la liberté…à Saint-Germain-des-Prés. Elle y rencontre beaucoup d’intellectuels qui vont aider son envol : Sartre, Beauvoir, Camus, Merleau Ponty, Queneau qui lui écrit « Si tu t’imagines ».

Juliette Gréco – Si tu t’imagines (Live au japon 1961)


La dame en noir prend vie. « Le noir c’est la couleur de la protection au Japon. J’ai toujours eu de la chance, j’ai été choisie. Je ne sais pas pourquoi. »

Viennent ensuite Boris Vian et un autre jazzmen et non des moindres : Miles Davis. C’était l’époque (les années 50) où un homme noir ne pouvait pas s’afficher avec une femme blanche sans se faire traiter de putain. Miles Davis ne l’épousera pas pour ces raisons là. Mais il lui dira peu avant sa mort : « même s’il y avait plusieurs milliers de personnes, même de dos, je vous reconnaîtrais parmi toutes les femmes. »

Quand la chanson prend l’emprise sur le cinéma, Béart, Aznavour puis Gainsbourg écrivent pour elle. Tout n’a pas été facile pour la « Javanaise ». Personne n’en voulais. Les paroles « j’avoue j’en ai bavé pas vous » prennent tout leur sens.

Juliette Gréco et ibrahim Maalouf – La Javanaise Live à l’Olympia

Le tube presque immédiat de sa carrière c’est le fameux « Déshabillez-moi », alors que la femme n’est pas encore totalement libérée. L’audace, toujours l’audace. De toute façon, Gréco fait ce qu’elle veut. Elle reprend même une chanson de Ferré « Jolie môme ». Elle qui disait : « je ne fais pas de reprises. Chaque artiste est un univers, un monde. A quoi bon le copier. » 

Juliette Gréco – Jolie môme


Mais avec intelligence, on peut s’emparer de la chanson de Brel. « Je ne suis pas dans l’interprétation masculine d’un homme serpillière prêt à tout pour reconquérir. Je suis une femme qui menace. »

L’éternelle jeunesse

Jusqu’à la fin, même pour ses adieux au public en 2016, Juliette Gréco est restée en prise avec son temps. Les jeunes artistes l’ont toujours admirée. Beaucoup ont écrit pour elle. Benjamin Biolay bien sûr, mais aussi Christophe Miossec, Olivia Ruiz, Abd Al Malik… Dans un entretien au journal La Croix, elle clame un intérêt réciproque. « Je les aime infiniment ces jeunes gens. Je peux comprendre qu’ils soient impressionnés de rejoindre des auteurs que je chante comme Brel, Ferré, Prévert ou Gainsbourg et que l’on puisse les comparer à ces anciens. Mais j’aime dire que j’ai toujours chanté des auteurs jeunes, à leur époque. J’ai vu débarquer Brel, quasi famélique alors que sa carrière n’avait pas l’audience qu’elle a eue par la suite. Je constate que les mots de la nouvelle promotion me vont bien. Olivia Ruiz (qui a écrit deux chansons) a estimé que je pouvais être cette femme qui ouvre la boîte aux souvenirs. Dans la vie, je ne suis pas encore celle-là. Je veux toujours tout recommencer ! »

Elle récidive dans Le Figaro. «C’est moi qui ai fait appel à eux. Je n’ai jamais fait autre chose et j’ai retrouvé le même bonheur qu’avec Gainsbourg, Ferré ou Béart. J’ai bien reçu 1 000 Déshabillez-moi et 500 Feuilles mortes… Mais en moins bon. Eux m’ont écrit autre chose. Tout est original et beau…» 

Juliette Gréco – Comme si de rien n’était (Biolay/Jouannest)


Un texte de Biolay sur une musique de son mari Gérard Jouannest. Tout est dit :

En rêvant d’impossible
Au fond du cœur, possible
Qu’on ait des remords
Mais on rentre à bon port
Comme si de rien n’était

« Nous étions une génération de fous. On n’avait pas d ‘argent mais on était riches… Aujourd’hui on est dans la méfiance. Tout le monde se méfie. Je suis assez contente d’être vieille pour ça. Je suis une incurable optimiste », confie t-elle à Bruno Duvic sur France Inter. 

Gréco n’avait peur de rien, pas même de la mort. « Une interprète c’est une servante, aimante, attentionnée, qui donne tout. » La chanson française avait là une sacré ambassadrice. Sa voix envoutante, ses mains parlantes, sa longue silhouette en quête de liberté  n’ont pas fini de nous hanter.

Juliette GRECO : « Ma vie est une grande histoire d’amour » TV5 Monde

Benoît Roux

 

21 Sep

Et si c’était lui le gardien de la musique des Pink Floyd ?

Nick Mason est moins connu que Roger Waters ou David Gilmour. Mais le batteur des Pink Floyd a joué sur tous les disques et il parle encore avec les autres membres. Il vient de sortir un disque live consacré exclusivement aux morceaux antérieurs à « Dark Side of the Moon » . Il retourne ainsi aux sources des Floyd et permet d’écouter des morceaux riches mais moins connus que « The Wall », « Money » ou « Confortably Numbs ».

Nick Mason’s Saucerful Of Secrets – Live avec les musiciens Guy Pratt, Gary Kemp, Lee Harris et Dom Beken ©Joël PHILIPPON via MaxPPP

Pendant que David Gilmour et Rogers Waters menaient des carrières solos, Nick Mason s’était retiré de la vie musicale. L’adrénaline lui manque un peu, alors il passe sa licence de pilotage d’hélicoptère et prend place dans les baquets pour faire des courses automobiles. Certes, de temps en temps il rejoue avec Waters ou Gilmour (notamment sur l’album « The Endless River »).

Pink Floyd – Astronomy Domine 1970 (Syd Barrett)

Mais des copains musiciens lui proposent de faire une tournée solo. « J’ai aussi travaillé sur les rééditions et les compilations de Pink Floyd parce que j’avais tendance à être le seul à vouloir aller en parler à la radio ou ailleurs », confie-t-il au magazine Rolling Stones. On lui propose même un projet pour reprendre les vieux morceaux des Floyd très peu joués en concerts. Des titres avant l’album mythique « Dark Side of The Moon »  (Money, Us and Them…). Il y a deux ans, Mason forme son groupe « Saucerful of Secrets » du nom du 2ème album du groupe enregistré en 67-68 dans les studios Abbey Road. 

Nouveau groupe « Saucerful of secrets »

Fin des années 60, les Floyd sont dans leur période psychédélique très influencée par le génial mais barré Syd Barrett. Le groupe passera avec « Dark Side of The Moon » à des compos rock-space plus efficaces et surtout moins originales. Dans le groupe, Mason s’entoure de valeurs sûres comme Guy Pratt à la basse (qui avait remplacé Waters), la claviériste Dom Beken, le guitariste Lee Harris (The Blockheads) et plus surprenant : l’ex guitariste de Spandau-Ballet Garry Kemp qui assure aussi le chant. On ne peut pas dire que Spandau-Ballet soit musicalement proche des Floyd mais à l’écoute de l’album, il s’en sort plutôt bien.

La créativité des Floyd des années 60-70

Pour ceux qui seraient un peu lassés d’entendre toujours les mêmes morceaux du groupe anglais, l’initiative de Nick Mason est une aubaine. Tout d’abord parce que la créativité et l’inventivité du groupe est à son comble. Après un premier album sous l’influence claire de Barrett et où il n’y avait pas encore Gilmour, « Saucerful of secrets » est une transition. C’est la dernière collaboration avec Sid Barrett de plus en plus sous l’emprise du LSD, les autres membres fondateurs (Richard Wright et Roger Waters) commencent à poser leur patte sur le groupe.

Pink Floyd – Atom Heart Mother 1970 (Nick Mason)

Malgré un succès honorable qui place le groupe sur le devant de la scène, ces morceaux ne seront que trop rarement joués en public. Pourtant, leur richesse est indéniable et la tournée plus le disque live qui vient de sortir en sont la preuve.

Nick Mason’s Saucerful Of Secrets – One Of These Days (Nick Mason)

L’album live « Nick Mason’s Saucerful of Secrets »

Le groupe « Nick Mason’s Saucerful of Secrets » revisite donc le répertoire des premiers albums du Floyd, de « Piper at the Gates of Dawn » (1967) à « Meddle » (1971). Dans une interview à Télérama, le leader malgré lui de ce nouveau groupe explique : « Lee Harris [le guitariste, ndlr] se demandait pourquoi je ne faisais rien. Je ne le connaissais pas à l’époque, mais il a eu la bonne idée d’en parler à Guy Pratt [bassiste], que je fréquente depuis trente ans. J’ai beaucoup de respect pour lui, ce n’est pas le genre de type à se mobiliser pour des projets foireux. Aussi l’ai-je écouté quand il m’a proposé ce projet. »

Nick Mason’s Saucerful of Secrets – Lucifer Sam (Syd Barrett)

Mason a beaucoup réécouté les morceaux initiaux pour voir dans quel état d’esprit ils avaient été faits. Ne pas trahir mais ne pas faire une copie trop conforme non plus. Comme le Monsieur est plus qu’honorable dans sa démarche, il a choisit des morceaux composés par Barrett (« Interstellar Overdrive », « Astronomy Domine », « Lucifer Sam » « Arnold Layne », mais aussi Richard Wright (« Remember a Day ») comme Waters (« If », « Green is the Colour ») comme les siennes. D’ailleurs, ses compositions sont de qualité comme l’excellent « When you’re In » et le connu « Atom Heart Mother » (qui a donné son titre à l’album des Floyd avec une vache) d’une incroyable diversité.

Nick Mason’s Saucerful Of Secrets – Atom Heart Mother (Nick Mason)

Plus qu’un hommage très honorable, ce disque prouve qu’à 76 ans, le batteur n’a rien perdu de son jeu subtil et varié. Les autres musiciens et notamment Garry Kemp sont très crédibles (voix et guitare), c’est d’ailleurs lui qui avait écrit la majeure partie des morceaux de Spandau Ballet. La basse de Guy Pratt très ronde et efficace. Années 70 oblige, les claviers de Dom Beken sonnent comme des orgues. Le son est bon et le mix efficace.

Dans Télérama toujours, Mason précise son projet : « Je ne voulais en aucun cas entrer en compétition avec ce que font Roger Waters et David Gilmour, leurs tournées solo où ils reprennent beaucoup de morceaux du Floyd, ni même être comparé avec les innombrables tribute bands en activité. Je n’ai aucune envie de savoir qui fait la meilleure version de Comfortably Numb ! »

Nick Mason’s Saucerful Of Secrets – Fearless (David Gilmour)


Pari réussi. Nick Mason et sa bande devraient reprendre la tournée suspendue par le Covid. En attendant il se pose comme le gardien fidèle et exigeant des Pink Floyd. Son album live est un vrai plaisir pour les amoureux du rock psychédélique, tous ceux qui ont envie d’un peu de diversité et d’originalité, dans la musique en général et celle des Floyd en particulier.

SITE INTERNET

Benoît Roux

20 Sep

Suzanne Vega, la référence et l’histoire du MP3

Suzanne Vega vient de sortir un nouvel album disponible au format MP3 sur les plateformes. L’interprète de Luka a d’ailleurs servi de référence quand le numérique est apparu pour supplanter l’analogique. Arrivée en même temps que la radio numérique terrestre, le MP3 permet de compresser, d’emporter et partager plus facilement de la musique

Live de Suzanne Vega Photo : Gérard Drouot Productions

My Name is Suzanne. I’m the reference of MP3. Si l’artiste californienne est surtout connue pour son tube « Luka », c’est un autre morceau « Tom’s diner » qui a intéressé les créateurs du son numérique compressé : le MP3. Ce format est apparu en 1993. Il va changer fondamentalement la manière dont la musique sera distribuée et partagée. Oubliés les K7 (oui oui, certains se rappellent de ce support qu’il ne fallait pas oublier de retourner !), les vinyles (provisoirement) et même les CD. Malgré des débuts difficiles, le MP3 s’impose pour le côté pratique de son utilisation.

Un ingénieur allemand écoute 1000 fois Suzanne Vega

Le MP3 est né d’une collaboration entre Thomson et l’Institut allemand Franhaufer, Précisément, Karlheinz Brandenburg est le père du nouveau format numérique. Pour lui, « Tom’s dinner » était la chanson de référence pour obtenir le meilleur son. « Le son était très mauvais lors des premiers essais. L’encodage de la voix était plutôt réussi. Mais si on appliquait cet algorithme pour la musique, c’était horrible ». Le mathématicien choisit donc un morceau a cappella pour travailler. On considère que cette chanson est difficile à encoder sans perte de qualité. Les ingénieurs mettront 10 ans pour y parvenir.

Le challenge : compresser cette voix pure sans la détériorer Il va écouter plus de 1000 fois « Tom’s diner » pour trouver un résultat satisfaisant. Les puristes diront à juste titre que le MP3 ne vaut pas le CD et encore moins le vinyle. Mais Karlheinz Brandenburg devient le père du MP3 et Suzanne Vega sa mère. Ils sont à l’origine d’un tournant dans l’industrie musicale.

Développement et régression du MP3

On l’oublie souvent mais le MP3 doit son existence au projet EUREKA initié par le couple franco-allemand Mitterrand-Kohl et financé par l’Union Européenne. Des logiciels de partage de fichiers comme Winamp puis Napster vont permettre au MP3 de rencontrer le grand public. Ils s’attireront surtout les foudres des maisons de disques et de certains artistes comme Metallica. Car le MP3 est gratuit et tue tué le sentiment d’appartenance que l’on avait en achetant une K7, un vinyle, un CD.L’arrivée de l’I-pod (+ de 270 M d’exemplaires vendus) fera le reste. Plus tard, Apple lancera l’iTunes Store avec un nouveau format de compression. L’apparition des smartphones compatibles avec de multiples formats sonnent le déclin.

Les plateformes Qobuz ou encore Tidal n’utiliseront pas non plus ce format mais un autre mode plus qualitatif. Le MP3 a souvent été l’apanage des téléchargements illégaux ou de ceux qui se satisfont d’un accès à la musique gratuite mais de piètre qualité en termes de son. You Tube en est le meilleur exemple. La plateforme est devenu le diffuseur facile pour les maisons de disque et les artistes, tel un MTV numérique. Mais la messe est dite. En 2017, la société allemande Fraunhofer-Gesellschaft à l’origine du format annonce que les brevets de licence du MP3 tombent dans le domaine public. 

Suzanne Vega, une artiste emblématique

Quant à Suzanne Vega, elle est devenue une artiste emblématique avec sa chanson manifeste « Luka » sur les maltraitances familiales. « Tom’s Diner »  avec son gimmick vocal accrocheur et son tempo inoubliable ne peut se limiter à l’anecdote du MP3.

Suzanne Vega – Anniversary

Avec son complice guitariste Gerry Leonard, elle revisite de manière intimiste son riche répertoire. Son album live enregistré au Carlyle Café à New York permet de mesurer tout le talent de la chanteuse. 

Suzanne Vega – Walk on the Wild Side (Lou Reed)

Histoire (non compressée) du MP3

Suzanne Vega 

 

19 Sep

Blues Pills : la bombe musique qui pile tout

Les suédois de Blues Pills viennent de sortir leur 3ème album. Transcendé par la voix puissante de leur chanteuse, le groupe signe « Holy Moly ! », un album complet qui oscille entre le rock (presque hard) et le rythme and blues. Une sacré découverte qui relève de la bombe musicale. A laisser exploser sans modération.

Pochette nouvel album Blues Pills

Il y a quelques heures, je ne connaissais pas cette formation. Au hasard d’une écoute dans un magasin, je ne pouvais pas faire autrement que de vous parler de « Blues Pills ». La chanteuse  Elin Larsson a du coffre et derrière, ça verrouille grave.

Guitares éraillées, batterie lourde, basse lourde, on pourrait ranger leur musique dans le bon vieux rock limite hard des années 70-80. Seulement voilà, les capacités vocales de la chanteuse amènent la formation vers du Rhythm and Blues teinté de soul. Le tout avec une énergie incroyable, tant au niveau des musiciens que la chanteuse.

« Proud Women », le premier morceau donne le ton. Ca sonne live et hurlant, rugissant de guitares. Mais à vrai dire, les 3 premiers morceaux ne sont pas les plus intéressants. Ca joue, c’est technique, ça rugit de partout, la chanteuse s’égosille plutôt bien, mais les compos et arrangements n’ont pas de quoi encore vous renverser totalement. Un bon petit tour de chauffe.

Blues Pills – Proud Women


Au contraire de « California » privé de son hôtel mais farouchement habité. Les choses sérieuses commencent. Plus posé dans le rythme, les performances vocales de la miss sont plus notables. A faire pâlir Aretha Franklin son idole. Sur des rivages soul, frôlant la puissance d’une Janis Joplin, on aurait pu la croire noire. Mais Elin Larsson a de quoi surprendre.

Blues Pills – California


Façon poste de radio qui change de fréquences, « Rhythm in the blues » prend la relève. Toujours aussi ébouriffant. Roulements de caisses claires, son limite saturée, voix égratignée, le groupe poursuit sa chevauchée fantastique, guitares et batterie en avant.

Rien n’est à l’économie. Surtout pas le jeu très sportif du batteur et des guitares déchaînées. Quelle puissance sur « Low Road ».

Blues Pills – Low Road


« Dust » est aussi un titre réussi. Effets de son, voix plus « propre », la poussière se pose. Mais ça gronde toujours autant derrière. Avec des choeurs discret marqués soul.

« Wish I’d know » renoue avec un peu de calme. Grappes de guitare, c’est encore une autre facette de la voix de la chanteuse. Très à l’aise sur la ballade au début, ça monte vite dans les aigus avec un contrepoint de cordes graves. Un morceau somme toute gospel avec une chorale qui assure pour terminer en douceur.

Song from a Mourning dove

Début au piano ponctué par les riffs de guitare. Voix sans effets, déchaînements de guitares. Et toujours le chant assuré sans faillir. Aérien, émouvant et imparable.

Et pour clore ce très bon album, « Longest lasting friend », quelques notes égrainées, la voix qui se pose. Une sorte de xylophone pour agrémenter, les prouesses vocales toujours là. Comme un geyzer qu’on ne saurait apaiser.

Pour ce troisième album auto-produit, les Blues Pills lâchent les chevaux et on en ressort tout ébouriffés. Un disque revigorant, bouillonnant, celui de la libération.

Blues Pills

Benoît Roux