31 Jan

Gérard Bailly: "Les agneaux ont autant le droit de vivre que les loups"

Le sénateur jurassien Gérard Bailly a œuvré pour créer ces zones de protection contre le loup (DR)

Le Sénat se déchaîne contre les loups. La chambre haute a adopté hier, contre l’avis du gouvernement, un texte de loi créant des « zones de protection renforcée contre le loup » après un débat passionné où des élus de tous bords s’en sont pris aux loups. Parmi les intervenants, le sénateur UMP du Jura Gérard Bailly n’a pas été le dernier à s’en prendre aux prédateurs: « Dans le Jura, j’ai vu une agricultrice pleurer devant les cadavres de quinze brebis. Pour ne plus vivre un tel cauchemar, elle a vendu ce qui restait de son troupeau. Je pense à cette femme comme vous, vous pensez aux loups », a-t-il lancé à la ministre Delphine Batho.

La proposition de loi du sénateur RDSE (à majorité radicaux de gauche) Alain Bertrand
(Lozère) prévoit que ces zones regrouperont « les communes dans lesquelles les activités pastorales sont gravement perturbées par les attaques de loups qui causent des dommages importants ».

Tout en assurant que ces zones « ne devront pas menacer la présence du loup » en France, « la destruction » de ces prédateurs y sera autorisée « indépendamment des tirs de prélèvement autorisés », précise la PPL.

Le texte a été voté par 208 voix contre 131. Le RDSE, l’UMP et les centristes (UDI-UC) ont voté pour. Le CRC (communiste) et EELV ont voté contre ainsi que la majorité du PS.

Les socialistes et le gouvernement ont jugé le « timing » de ce texte pas opportun au moment où le nouveau « plan loup 2013-2017 » va être finalisé le 5 février et doit entrer en vigueur avant « l’estive ». Ce plan négocié entre les parties vise à garantir la protection du loup, espèce protégée, tout en limitant les impacts sur l’élevage.

« Je les ai vus pleurer ces éleveurs qui aiment leurs bêtes »

D’après l’AFP, le Jurassien Gérard Bailly (UMP) a brandi une photo de brebis égorgée s’exclamant: « Je les ai vus pleurer ces éleveurs qui aiment leurs bêtes, il faut des mesures plus coercitives. Moi un agneau je l’aime autant qu’un loup ».

Pierre Bernard-Reymond (non inscrit, Hautes-Alpes) a suggéré « de lâcher quelques
meutes au bois de Vincennes ou au jardin du Luxembourg »
à Paris, pour changer la
perception du loup.

« Il faudra bien que l’agropastoralisme sorte par le haut », a lancé Jean-Jacques Mirassou (PS) parlant au nom des « 24 élus PS qui votent sans états d’âme ce texte ». « Entre le loup et le pastoralisme, j’ai choisi », a tranché Claude Domeizel (PS, Alpes de Haute Provence).

Face à ce déchaînement l’ex-ministre de l’Ecologie Chantal Jouanno (centriste) a jugé « difficile de rivaliser sur ce terrain », mais a tenté sans succès de faire voter un amendement de suppression d’un texte qu’elle a taxé « d’illégal au regard de la directive Habitat ».

Un « bouc émissaire » pour Jean-Vincent Placé

« J’entends déjà hurler les loups », a ironisé le patron des sénateurs EELV, Jean-Vincent
Placé, prenant la parole pour fustiger une PPL qui fait « du loup un bouc émissaire des difficultés de la filière pastorale ». « Il est plus facile de s’en prendre aux canidés qu’aux mécanismes du commerce international qui ont fait chuter les cours de l’élevage ovins-viande de moitié », s’est-il indigné.

« Le gouvernement partage la détresse des éleveurs mais elle mérite qu’on y apporte
des réponses solides, pas des faux semblants »
, a regretté la ministre de l’Ecologie
Delphine Batho. (Avec AFP)

L’intervention de Gérard Bailly

« Président du groupe Élevage, je ne peux être d’accord avec Mme la ministre. Je trouve que la proposition de loi est bien  timide, en dépit de son titre initial.

Je ne suis pas hostile au maintien du loup, pourvu qu’on en limite le nombre car sa présence est insupportable dans les alpages. Bien sûr, la filière pastorale est confrontée à des problèmes économiques, mais le loup en rajoute. Les éleveurs se sentent trahis pour cause de biodiversité et pour faire plaisir aux écologistes.

Êtes-vous crédible, madame la ministre, de prôner le bien-être animal alors que vous laissez 5 000 ovins se faire égorger chaque année ? Faut-il attendre des attaques sur les enfants pour se mobiliser ? (…)

Les éleveurs qui tuent un loup sont traînés devant les tribunaux, condamnés à des amendes. Votons ce texte. Onze loups abattus chaque année ? Quand on sait que les effectifs augmentent dans le même temps de 60 ou 70 (…)

J’en reviens à mes moutons. (Sourires) Dans le Jura, j’ai vu une agricultrice pleurer devant les cadavres de quinze brebis. Pour ne plus vivre un tel cauchemar, elle a vendu ce qui restait de son troupeau. Je pense à cette femme comme vous, vous pensez aux loups.

Cette proposition de loi ne vise pas à donner bonne conscience : le nombre de loups doit diminuer, comme le nombre de lynx dans le Jura. Je vous interrogerai prochainement sur le coût de ces prédateurs. L’abandon de l’élevage coûtera très cher. En 1980, il y avait 12 849 000 ovins en France ; 8 490 000 en 2006 ; 7 959 000 en 2012. Nous perdons 300 000 ovins chaque année et la France importe 55 % de sa viande ovine !

Mon combat se poursuivra tant que l’on ne s’en prendra pas à ce prédateur (…)

Dans les Alpes-Maritimes, la production ovine s’effondre avec les conséquences que l’on sait. Les éleveurs font dix à douze kilomètres dans la montagne pour sécuriser leurs animaux. Y en a-t-il beaucoup qui consentiraient de tels sacrifices ? La ministre de l’agro-alimentaire dit craindre la végétalisation de la France : l’élevage est menacé, attention ! Je comprends les éleveurs qui jettent l’éponge après des attaques répétées. Des mots, des mots, des mots : les agriculteurs en ont assez !

Le lynx aussi sévit dans le Jura ; mais le préfet a fait discrètement relâcher en forêt un de ces animaux qui avait été blessé, puis soigné… Comment voulez-vous que les éleveurs vivent ça ? Ils ne comprennent plus ! (…)

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