13 Juil

Deux perles dans la revue Galaxies

J’ai parlé récemment de nouvelles en présentant différentes revues. Je voudrais aujourd’hui attirer l’attention sur le numéro 71 de la revue Galaxies, qui a pour thème Intelligence Artificielle et Science-Fiction.

Numéro de bonne qualité, mais qui à mon goût est passé à un niveau supérieur grâce une autrice chinoise : XIA Jia et un auteur et dessinateur japonais : FUJII Taiyô par lesquels le numéro prend une coloration singulière. En abordant la page 75 : j’ai ressenti ce sentiment qui surgit parfois, la certitude de lire quelque chose d’important, qui sort de l’ordinaire et qu’il serait utile et agréable de garder en mémoire. Cela commence avec des entretiens : « Visions croisées de l’Intelligence Articifielle dans la Science-Fiction», auxquels participe outre les deux auteurs cités, XIA Jia et FUJII Taiyô, Olivier PAQUET sous la houlette de Denis TAILLANDIER.

Les entretiens laissent la place au récit avec Complicité une nouvelle de FUJII Taiyô (藤井太洋), qui évoque les voies cachées d’un internet, outil de répression dévoué aux pouvoirs totalitaires. Le narrateur continue à chérir ses idéaux de jeunesse, bien certain que l’espoir que les réseaux ont incarné, dans sa jeunesse, est désormais obsolète. Un jour, il découvre qu’une application qu’il avait créée a continué à être développée, mais par qui? Dès lors renaît l’espoir de trouver un chemin de résistance et de liberté…

Je conclus avec la nouvelle qui est mon coup de cœur : «L’été de Tongtong», de XIA Jia (夏笳) : la narratrice, une petite fille apprend par sa mère que leur grand-père va «venir vivre à la maison». Les capacités du grand-père sont déclinantes, mais celui-ci est à l’opposé du bon grand-père faible et attendrissant auquel les clichés nous ont habitués. Ancien médecin, hautain, autoritaire, il déjoue tous les pronostics. Ainsi, la famille lui envoie un robot pour l’aider. La narratrice devine qu’il s’agit d’un drone piloté par un étudiant avec lequel elle lie sympathie : le drone/étudiant lui propose une partie d’échecs, mais le grand-père lucide, devant le piètre niveau de son opposant, démolit son camp en peu de coups, révélant des capacités intellectuelles immenses, que seules brident des facultés physiques déclinantes. Aussi, décide-t-on d’inverser le processus en  confiant au grand-père le contrôle du drone… qui se retrouve dans son hôpital où il reçoit et soigne à nouveau des patients… Ce n’est que le premier rebondissement de ce récit qui en compte plusieurs autres…
Déniant toute vision lénifiante et mensongère, l’autrice met en scène une personnalité puissante, bridée par son corps et envisage la vieillesse non comme un naufrage, pour reprendre le mot du général de Gaulle, mais un défi. L’enjeu de la vieillesse consiste à soutenir un esprit en pleine possession de son mental et veiller à ce qu’il puisse exercer son intelligence jusqu’à son dernier souffle…

Bernard Henninger

© Copyright photo de Xia Jia : d’usage libre CC BY 4.0 (Xia Jia à la convention mondiale de SF d’Helsinski, par Henry Söderlund)