25 Sep

Légendes rustiques (volume 3) Bruno Forget d’après George Sand

Il est de ces livres qui se feuillettent comme on déguste un chocolat épicé : la lecture brève, et somme toute rêveuse, est idéale pour ouvrir les portes du songe. Adaptation en bande dessinée d’une œuvre de George SAND, les Légendes rustiques ont été publiées en 1858 et illustrées de gravures de Maurice Sand, le fils de George Sand.

Les Légendes rustiques de 1858 illustrées par Maurice Sand

Commencée en 2016, l’adaptation suit son bonhomme de chemin avec la publication cette année du troisième volume. Bruno Forget, l’auteur de la bande dessinée, avoue désirer ré-évoquer l’original de George Sand qui fit grand bruit lors de sa publication.

Le centre des légendes rustiques touche à la notion même de mystère, et l’auteur, mise en scène dans le récit que de remarquer que, lorsque les bonnes âmes tentent de rationnaliser, il perd, alors que le mystère gagne en force et en puissance tant qu’il reste dans l’incertain, comme le dit elle-même la grande Georges Sand, citée dans la Bande dessinée :

C’est un monde fantastique que l’imagination rustique a fait naître des profondeurs de nos terres, depuis des temps immémoriaux et qui ressurgit ça et là, au fond d’une mardelle ou au détour d’un chemin creux.

et surtout plus loin :

CES PEURS FONT PARTIE DE NOUS :
Elles nous ont façonnés autant que nous avons façonné le paysage qui nous entoure. […] Dans le cas de notre bergère, peu importe la nature réelle de l’animal qui l’a mordue. Pour elle, cela ne fait aucun doute : c’est à la Grand Bête qu’elle a eu affaire.

Et encore :

Laissez-vous donc emporter, comme moi, par le merveilleux sans chercher à l’expliquer à tout prix…

Et là, on sent toute la finesse de l’écrivain qui a travaillé sur un sujet issu des profondeurs de l’être,  la création peut surgir souvent de ces obscurités qui traversent le corps. Il faut savoir les accepter avec leur laideur, leur noirceur et leur apparence : nues, maigres, faméliques, grandies d’incertitude, nourries d’impalpable…

Parfois, des années plus tard, relisant un écrit, il peut nous arriver de nous exclamer : « Ah, mais, c’est de ça…? » Mais l’expérience prouve que la simple énonciation d’un « possible » suffit à rompre le charme et le mystère qui avaient permis d’écrire et de faire en sorte que l’âme se délivre de quelques bribes qui nous tourmentent… La clarté n’est pour l’âme qu’illusion et son bon sens rassis recule quand l’esprit gagne les contrées où fleurissent rêves et cauchemars…

Lisez donc ces mystères rustiques, laissez vous emporter par ces Batteuses qui lavent leurs fautes des nuits durant, ces Demoiselles qui hantent les étangs, et qui nous détroussent, ces géants de pierre qui effondrent nos maisons ou cette Bête dont le passage — invisible ! — est révélé par des aboiements furieux, des couinements, des cris et des larmes…

Bernard Henninger