Il agace autant qu’on l’admire, il sait être original autant que maniéré, Benjamin Biolay revient avec son neuvième album intitulé « Grand Prix ». Résolument plus rock, voix plus affirmée et moins susurrée, l’artiste renoue avec ses capacités d’arrangeur et de créateur. Après 2 albums tournés vers l’Amérique Latine, il revient avec cette création autour de l’univers de la F1. Tout n’est pas réussi mais on peut lui décerner le Grand prix de la production.
Sur les chapeaux de roues
Biolay a du talent, c’est indéniable. C’est même un arrangeur hors-pair comme la France n’en a pas beaucoup. Mais il peut aussi être très énervant en copie pas toujours réussie de Gainsbourg, et très pénible dans un maniérisme à la Vincent Delerm. Là, il a décidé de tout mettre au grand air, de lâcher les chevaux, faire vrombir les moteurs et tracer la route.
J’avais envie de faire l’album que j’aurais aimé faire à 17-20 ans
Tout commence par le très réussi « Comment est ta peine? » qui, contrairement à ce que laisse penser le titre, n’est pas triste mais avec une fièvre dansante. Son complice Pierre Jaconelli est revenu à la guitare et ça s’entend. Le morceau est énergique, plaisant et les cordes du final sont -comme très souvent chez lui- très belles. Des arrangements qui font penser à ce qui reste pour moi un chef d’œuvre : le morceau « La Superbe ». Une référence à How Deep is Your Love de The Rapture. Le côté noir et dépressif de Biolay qui côtoie les profondeurs et les abysses mais fini par remonter. Un peu comme dans une course, on passe par tous les états, des moments enfiévrés au ballades plus reposantes.
Benjamin Biolay – Comment est ta peine? en LIVE
Le morceau « Grand Prix » résume a lui seul l’album. Une tension au départ, un brin d’orgue nostalgique, un texte triste mais paradoxalement rythmé. Il fait référence à 2014 et l’accident mortel de Jules Bianchi à Suzuka. De l’intimité, la vie de ces héros qui finalement ne sont pas grand chose au volant d’un bolide. Le tout, bien produit en mélange équilibré entre côté dansant et cordes sophistiquées.
« Vendredi 12 » marque une rupture. Plus calme, plus romantique. On retrouve Biolay un brin crooner, l’ironie sous les cordes aux sonorités dures et tragiques. Le texte est aussi prenant, écrit de manière cinématographique.
Benjamin Biolay – Vendredi 12
On passera quelques épisodes un peu « tubesques » et pas toujours du meilleur goût comme « Papillon noir » ou « Comme une voiture volée » qui respirent un peu trop le morceau facile. Même si les musiciens et les arrangements sauvent les morceaux. C’est d’ailleurs le reproche que l’on peut faire à ce disque : des rythmiques un peu trop boîte à rythme manquant de nuances et subtilités. Mais d’autres titres emportent la mise comme le très beau et délicieusement produit « Ma route ». Où l’on entend que Biolay a écouté beaucoup de musique anglo-saxonne. On pense notamment à The Strokes, à Arctic Monkeys. Morceau impeccable dans l’écriture. Le chanteur y assure les claviers, piano et trombone.
Benjamin Biolay – Ma route
Les belles filles aux stands
La course ne serait pas la course sans les belles femmes en bord de circuit et dans les paddocks. Et Biolay ne serait pas Biolay sans cette touche féminine.
On retrouve donc la très en vue Anaïs Demoustier sur le titre « Comment est ta peine? » mais aussi sur « Papillon noir ». Autre moment un peu noir mais très beau « La Roue tourne ». Et c’est Chiara Mastroianni qui fait des chœurs légers lorsque les cordes portent le flux de Biolay. Toujours complice, la bretonne Keren Ann très à son aise sur le refrain aux guitares rythmiques « Souviens-toi l’été dernier ». UN morceau très groovie et dansant, basse en avant de l’excellent guitariste-bassiste belge Nicolas Fiszman (Bashung, Zazie, Sting…).
Et c’est un garçon qui ferme la marche : Melvil Poupaud. Le comédien réalisateur pose sa voix sur « Interlagos(Saudade) » où domine tout de même les voix féminines sur le refrain.
« Grand prix » est le 9ème album de Biolay en 20 ans de carrière. C’est dire si l’artiste est prolifique. Tout n’est pas bon mais on retrouve un Biolay plus vigoureux, moins ennuyeux. Un bon disque de Variétés qui porterait bien son nom tant les titres sont variés et plutôt richement produits et écrits.
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Benoît Roux