23 Juin

Disparition de Joan-Pau Verdier : l’hommage de Jean Bonnefon, Francis Cabrel et Eric Fraj

Grande voix rauque, artiste libre et engagé, Joan-Pau Verdier vient de nous quitter à l’âge de 73 ans. Dans les années 70, il a été l’un des premiers à moderniser la chanson occitane, à signer également dans une grande maison de disques. Poète d’une grande richesse aussi bien en français qu’en occitan, homme généreux et toujours à l’écoute, il aura marqué tous ceux qui l’ont rencontré lors de ses concerts et avec ses émissions de radio. Ses amis Francis Cabrel, Jean Bonnefon et Eric Fraj lui rendent hommage.

Joan-Pau Verdier dessiné par Yves Poyet Site Joan-Pau Verdier

Retour sur le parcours de cet artiste poète, musicien, chanteur et humaniste en 10 moments forts au travers des témoignages de ses amis Francis Cabrel, Jean Bonnefon et Eric Fraj. Ce dernier rappelle que Joan-Pau Verdier est parti pour la fête de la musique, petit clin d’œil.

1/ Les débuts en 1973

Joan-Pau Verdier a 26  ans. Il chante dans les cabarets musicaux à Bordeaux et à Paris. « Il a introduit du rock, du folk des notes qu’on n’avait jamais entendues », déclare Jean Bonnefon. Il signe alors son premier 33T L’Exil, où se trouve la très belle chanson dédié à l’artiste qui l’a toujours inspiré : Léo Ferré.

Joan-Pau Verdier – Maledetto, Léo !

En 1972, un autre artiste occitan émergeant le rencontre : Eric Fraj. C’était pour la Félibrée de Villamblard (24). Beaucoup de groupes folkloriques et des jeunes artistes plus modernes sont là, dont Joan-pau Verdier et Eric Fraj. « Je me souviens, tout le monde n’était pas d’accord pour que ces jeunes aient leur place. Le public était scindé en 2 et certains criaient : « les peluts (chevelus) dehors ! Je n’ai pas pu chanter très longtemps. Les gendarmes ont dû nous accompagner pour sortir. Joan-Pau a été très amical et chaleureux. Depuis, il a toujours été un ami fidèle qui m’a toujours accompagné ».  

2/ Les années Philips

J’étais Franchimant chez les Occitans et Occitan chez les Franchimants !

Joan-Pau Verdier a toujours marché sur ses 2 jambes : une française et l’autre occitane. Etudiant en Lettres, il a commencé par écrire en français. Puis il découvre les poèmes de son ami de lycée Michèu Chapduèlh. Il lui écrira ensuite des textes spécifiques. Dès le début de sa carrière, pour son premier disque, il est signé par une grande major : Philips. Un reniement pour certains occitanistes qui n’ont pas accepté qu’il parte de la maison de disques occitane Ventadorn. « Il a toujours gardé son esprit libertaire. Ce n’était pas un reniement mais l’occasion d’avoir les moyens de produire la musique qu’il voulait faire. Il a eu raison. C’était le bon moment car dans les années 80, avec la crise, ce n’était plus possible. » Eric Fraj sait de quoi il parle car à plusieurs reprises, il a failli signer chez Pathé Marconi ou d’autres maisons prestigieuses. Il avait raison : début des années 80, Jean-Paul Verdier n’est plus chez Philips.

3/ Pas un dieu, ni complètement un maître, mais son artiste : Léo Ferré

En 1975 sort le 33T « Faits divers » avec la célèbre chanson de Ferré traduite en oc : « Ni diu, ni mèstre ». Libertaire, anarchiste, le Limousin vouait une admiration sans fins à Ferré. Les 2 artistes se sont rencontrés à plusieurs reprises. En 92, Ferré lui donne carte blanche pour un album de reprises. Il décède un an plus tard. L’album est enregistré en 96 mais ne trouve pas de diffuseur. Léo domani sortira finalement en 2001 avec 17 chansons dont 2 inédits.

Joan-Pau Verdier – La mélancolie (2001)

4/ 1976-77 : les premières télés

« Signer chez Philips lui a ouvert les portes des médias nationaux et donné de l’envergure à l’occitan. » Eric Fraj se souvient de cette télé sur TF1 avec Danièle Gilbert à un moment de grande écoute. Nous étions le premier avril 1977.

Joan-Pau est invité par Léo Ferré qui dit de lui : « C’est un artiste vertébré qui écrit des choses vertébrées. » Il y chante « La ballade pour un paumé » qui figure sur l’album « Tabou-le-chat ». Plus tard, on le verra dans d’autres émissions en « prime-time ». Par exemple chez Maritie et Gilbert Carpentier.

Ou encore un dimanche de septembre 1973 dans l’émission Sport Eté présentér par Pierre Cangioni. Le championnat du monde cycliste se déroule en Espagne et Joan Pau parle de l’Occitanie. Il interprète « Chanti per tu ».

 

5/ 1977 : sortie de l’album-concept « Tabou-le-chat »

Toujours chez Philips, en français, un peu en oc, Verdier sort en 1977 un album concept comme il s’en faisait beaucoup à l’époque. La production est résolument moderne où fleurent bon les guitares électriques. Verdier poly instrumentiste. Il joue des guitares (électrique et acoustique), parfois de la basse, des percussions…

Joan-Pau Verdier – Tabou-le-chat (1977)

6/ 1980 : la BO du film de Jean-Pierre Denis

C’est là qu’intervient un autre ami du lycée Bertran-de-Born de Périgueux : le réalisateur Jean-Pierre Denis. Il obtient la caméra d’or à Cannes en 1980 pour son film « Histoire d’Adrien ». Il demande à son copain de faire la bande originale. Avec cette belle « Balade d’Adrien ». Au journal Sud-Ouest, le cinéaste confie : « Il chantait Brel, Brassens, Ferré en français. Sa voix était là. L’occitan est venu après. »

Joan-Pau Verdier -La balade d’Adrien

7/ 1991-1995 : Bigaroc, Francis Cabrel…

1990, Francis Cabrel vient de terminer l’album Sarbacane. A Astaffort, l’artiste propose à ses amis qui viennent de monter un nouveau groupe d’enregistrer dans ses studios avec Ludovic Lanen, réalisateur du disque de Cabrel. « Bigaroc est né. Un groupe volontairement éphémère (1 album et 5 ans d’existence) où l’on retrouve le groupe Peiraguda (Jean Bonnefon, Patrick Salinié entr’autres, séparés en 1988 et reformés en 2003), Joan-Pau Verdier et Blue Jean Rebels.

Joan-Pau Verdier et Jean Bonnefon Site Facebook Jean Bonnefon DR

Francis Cabrel donnera toujours un coup de main à ses amis. Il rend hommage à Joan-Pau : « Quelle tristesse, le grand Joan-Pau qui disparaît. Sa marque est immense en faveur du renouveau occitan ». 

Peiraguda, Francis Cabrel et Jan de Nadau – 2017

8/ 1998 Meitat-chen, meitat-pòrc sur les antennes de Radio-France

Jean Bonnefon prend les rênes de Radio-France Périgord. L’idée d’une émission occitane d’une heure et hebdomadaire est pour lui une évidence. « Je l’ai immédiatement proposée à Joan-Pau. Elle devait s’appeler « 100% occitan ». Mais Joan-Pau m’a dit que ça ne sonnait pas bien. Il a donc choisi « Meitat-chen, meitat-porc » (moitié chien, moitié porc). Nous avons 2 dialectes dans le Périgord : le languedocien au sud, le limousin au nord. Ces variantes étaient présentes à l’antenne. Un vrai succès! »

Il y avait Joan-Pau, les chroniques de Daniel Chavaroche et Martial Peyrouny qui a cédé sa place il y a une paire d’année à Nicolas Peuch.

Joan-Pau était encore à l’antenne de France Bleu Périgord juste avant le confinement.

 

9/ 2001 : Verdier, Salinié, Bonnefon chantent Brassens

Pour les 20 ans de la mort du Sétois, les 3 copains Salinié-Verdier-Bonnefon s’offrent Brassens. 5 ans plus tard, ils récidivent, toujours avec autant de précision et de gourmandise. 2 disques mais aussi de nombreux concerts qui se poursuivent.

Verdier, Salinié, Bonnefon… Site Facebook Jean Bonnefon DR

 

10/ 2010, l’ultime album « Les rêves gigognes »

Entre chansons françaises et rock d’Occitanie, Verdier poursuit son chemin poétique. 16 chansons originales où Joan-Pau revient à l’écriture et la composition, entouré de bons musiciens. Le bilan d’une vie, des moments gigognes, qu’il retrace en chanson dans une belle richesse musicale. Par ailleurs, « Tabou-le-chat » et « Chantepleure » sortent enfin en CD.

PUNT de VISTA présenté par Denis Salles à l’occasion de ces parutions

Les obsèques de Joan-Pau Verdier auront lieu mercredi 24 juin, au cimetière de Chancelade (Dordogne), près de Périgueux, à 16 heures. Adiu Joan-Pau !

Rosina de Peira, Joan-Pau Verdier, Claude Marti, Jean Bonnefon et Martial Peyrouny derrière Photo site Facebook DR

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