Les 5 quadragénaires de New-York étaient attendus. Une éprouvante traversée du désert, balisée d’égarement et voilà la bande de Julian Casablancas revenue sur un truc qui roule. Oui The New Abnormal n’a rien de très neuf. Oui les ingrédients ne sont pas tellement nouveaux. Mais après des débuts fulgurants et un peu prématurés (on les a affublés du titre « sauveurs planétaires du rock »), The Stroke produit l’album de la maturité. Et ça fait du bien aux oreilles.
Des références…
Dès la première écoute, mille références vous viennent en tête. Perso, c’était le Velvet Underground de Lou Reed. Mais oui, il a aussi du The Turtles, Télévision, Pearl Jam mais aussi Billy Idol ou Nirvana pour le côté punk revival. Tantôt un peu la voix de Chris Martin, tantôt celle de Bono. L’album sonne comme un retour au bon rock des années 2000, un classique guitare-basse batterie emportés par le bon couplet refrain qui va bien. Mais on se surprend à vouloir écouter et ré-écouter le disque car les morceaux sont inspirés et plutôt bien produit. Le tout, avec le nez, et à la barbe de Rick Rubin, un producteur qui a déjà fait ses preuves dans le métal et même le rap. Un druide qui n’en est pas à son premier acte de résurrection.
Dernier clin d’œil, la pochette. On reconnaît de suite l’autre New-Yorkais Basquiat. Mais derrière il y a l’hommage de l’artiste à Charlie Parker en appelant ce tableau Bird On Money.
… mais c’est bien du The Strokes
Pourquoi l’album est réussi? Parce que Julian Casablancas, Albert Hammond Jr., Nick Valensi, Nikolai Fraiture et Fabrizio Moretti ne se contentent pas de reproduire. Ils se sont nourris de ces influences et les ont digérées. Exemple avec le fabuleux morceau Bad Decisions. Un ouragan qui emporte tout, la voix de Julian Casablancas qui brave la tempête, éclairé par des guitares lumineuses et la batterie de Moretti qui pousse.
Plusieurs fois, on pense que Casablancas va se planter, mais il surnage largement, tel un dieu marchant sur les flots. Oui les riffs de guitare sonnent comme l’original Dancing with myself de Billy Idol, mais à l’arrivée, The Strokes surnage et la voix de Casablancas s’envole de manière splendide au final, accostant parfois sur les rives de Bono, le chanteur de U2.
Deuxième morceau en exergue, celui qui clôt le disque. Ode to the Mets est une balade mélancolique au lyrisme aveuglant. Mine de rien sacrée composition et sacrée interprétation. Après un début fausse piste hypnotique, tout est juste dans les guitares, les claviers façons flûtes, les clapotis des cordes. Casablancas se lance dans les graves façon Lou Reed. Puis la batterie sobre, lancinante.
Belle variété de sons, la voix sur des registre différents, Casablancas qui lâche tout. L’impression d’un truc qui s’achève, qui ne reviendra pas. Comme un testament musical, au cas où le groupe ne reviendrait pas.
Facile diront certains… Oui mais faut-il encore le faire.
Autre petit chef-d’oeuvre, At the Door. Un clavier et des sons qui ne doivent rien aux Daft Punk. De l’ampleur dans les nappes, les guitares -toujours elles- qui soulignent. Du spleen, du lyrisme là-aussi et l’émotion qui taille son rubis. Sans doute l’OVNI de ce disque. Rien que pour lui, ça vaut la peine d’écouter.
Le dernier The Strokes?
The New Abnormal titre prophétique mais inspiré. On sent que rien n’est sûr, que tout est mouvant. Mais la fragilité est belle comme le falsetto de Casablancas. L’album a un petit côté déglingué, la voiture qui a roulé sur la highway (to Hell?), avec des sorties de route, la carrosserie impeccablement cabossée. Le producteur Rick Rubin a remis les injections à neuf et tout se met à fonctionner. Le tempo est parfois fracassé, les pistons presque usés. Mais ça roule, moteur impeccable.
On ne sait pas de quoi demain sera fait, s’il faudra encore attendre 7 ans pour avoir une nouvelle sortie. Peut-être est-ce le dernier album tout court… En tous cas celui-ci n’était pas vain. Un Strokes « anormal » qui restera.
Bonus track : 20 ans plus tôt
Trying Your Luck (2001). Premier album. Tout est déjà là.