Morgan KNEISKY était encore sous le coup de sa course avec son coéquipier Vivien BRISSE. Un titre de champion du monde dans la spécialité qu’il convoitait depuis longtemps. Une médaille d’or à Minsk (Biélorussie). La quatrième médaille Française de ces mondiaux 2013. Un exploit dont le Bisontin interrogé au téléphone par le Blog cycliste ce dimanche soir 24 février, ne semblait pourtant pas encore tout à fait réaliser l’importance et la portée. Alors qu’à plusieurs milliers de kilomètres de là par exemple, quelques jeunes coureurs répétant leurs gammes sous le même maillot que lui (celui de son club amateur où Morgan Kneisky est encore licencié aujourd’hui) ; une vingtaine de juniors les pieds et les doigts gelés sur les routes comtoises explosait de joie à l’annonce de la nouvelle par leur accompagnateur Romuald Lefèvre klaxonnant à tue tête en remontant le peloton.
Hervé Dagorne, Vivien Brisse et Morgan Kneisky à Minsk (24/02/2013)
« On s’est serré dans nos bras, Vivien et moi, et puis tout le staff Français, ensuite j’ai appelé ma copine qui n’avait pas pu voir la course et mes parents… Lorsque j’ai passé la ligne je n’ai pas tout de suite réagi en levant les bras. Je cherchais mon coéquipier pour voir si lui avait les bras levés et j’ai regardé la tableau pour vérifier. (NDLR : La paire Française avait pourtant « course gagnée » depuis plusieurs dizaines de tours…). Je ne réalise pas encore vraiment à vrai dire, mais c’est une sensation bien plus grande qu’en 2009 lorsque j’ai décroché l’or pour la première fois au scratch. Je n’avais que 21 ans et ma victoire était alors une surprise totale. Cette fois tout a été construit dans cet objectif.
Depuis les championnats de France qu’on avait remporté à Roubaix le 21 février dernier, c’était l’ultime objectif sur la piste. Remporter un jour l’Américaine. J’y pensais depuis des années. J’ai senti cette fois que le titre était à notre portée. Avec Vivien (Brisse), on s’entendait très bien. Tout marchait parfaitement entre nous. À vrai dire, lorsque j’ai appris que Bryan Coquard se retirait (NDLR : Le coureur médaillé d’argent à Londres d’abord choisi pour accompagner le Franc-Comtois à Minsk), je me suis senti rassuré. J’ai tout de suite appelé Vivien pour lui proposer de venir avec moi. On a passé 4 semaines ensemble et disputé tous les « 6 jours » ». Aujourd’hui, je savais qu’on avait toutes nos chances. Je me sentais bien, j’avais de bonnes jambes et je me disais qu’on pouvait certainement gagner à la pédale s’il le fallait.
Depuis l’annonce officielle de la victoire de Morgan sur le vélodrome de Minsk-Arena dans l’après-midi, la maison familiale des Kneisky ne désemplit pas. La presse, les amis, les coups de téléphone. (La maman) tente de répondre à toutes les sollicitations. « Cette médaille d’or » explique Gisèle « c’était son rêve. Le titre mondial à l’Américaine. La course reine de la piste ! On est tous fiers de lui. On va faire la fête dans quelques jours pour son retour. Ce sera encore pire qu’en 2009 ! »
Un titre mondial à l’Américaine. Le rêve « ultime » du pistard Franc-Comtois formé à l’école rigoureuse du « Belge » (Pierre Yves Bordy), celui qui fut son coatch à ses débuts avec son papa Martial à l’Amicale Cycliste Bisontine. Un club où Morgan a toujours sa licence. Le lendemain du Scratch déjà… (vendredi matin) l’entraineur des jeunes coureurs Bisontins ne perdait pas un tour de piste en replay sur l’ordinateur commun de l’association cycliste amateur hébergée aux Prés de Vaux. « Un gamin de 12 ans à l’époque, qui regardait les plus grands tourner sur le vélodrome Léo Lagrange. Il est un des derniers coureurs à avoir fait ses débuts sur la structure Bisontine avant que la municipalité ne décide de le foutre en l’air comme un vulgaire bout de ciment. « On ne cessait de lui dire : Tu n’as pas l’âge ! mais rien n’y faisait. Alors on avait fini par le surclasser chez les minimes pour qu’il puisse disputer sa première compétition. Morgan avait déjà toutes les caractéristiques d’un grand compétiteur. Très vite, il a su lire la piste. C’était inné chez lui. Peu d’athlètes ont cette faculté de sentir aussi bien, de tout voir en course. Morgan était comme ça et bosseur. Je suis super content pour lui. C’est tellement rare de voir un coureur réussir aussi loin, aussi bien. Les gens ne s’imaginent pas tout le travail que ça représente. Morgan ne s’est jamais découragé, c’est aussi un de ses traits de caractère. Chez les cadets comme en junior, Morgan passait toujours à côté du titre de champion de France. Mais ça ne l’a pas démotivé pour autant. C’est un garçon modeste. Encore aujourd’hui, alors qu’il ne dispose chez lui d’aucun outil d’entrainement malgré les promesses politiques de la région et de la municipalité Bisontine, il me demande toujours si j’accepte de l’emmener avec l’équipe lorsqu’on se déplace en Suisse pour nous entrainer. Il demande ça comme si c’était une grosse faveur qu’on lui octroierais. Alors que Morgan est maintenant monté 4 fois sur un podium mondial depuis 2009 et qu’il représente un immense modèle pour les plus jeunes aujourd’hui. C’est en grande partie sa force. Il est de ces champions pour qui rien n’est jamais acquis. »
Derrière Morgan Kneisky, c’est dorénavant toute une génération de gamins dans sa roue en Franche-Comté. Kevin Mosner et Vincent Gérard par exemple, ont permis au comité de Franche-Comté de prendre la deuxième place de la coupe de France de l’Américaine à Vincennes en 2012. Soline Lamboley est devenue championne de France cadette cette même saison. Et d’autres encore… qui n’attendent plus qu’un équipement adapté, même modeste… (Que faudrait-il de plus après toutes ces performances comtoises sur la scène cycliste nationale et l’or mondial rapporté par un gamin du pays. Morgan Kneisky, tout juste 25 ans ?!) Un anneau cycliste qui serait on ne peut plus mérité, n’est-il pas ? De quoi faire briller les couleurs Bisontines et Comtoises sur les pistes de toute la France et du monde entier.
Jean-Luc Gantner