Lance Armstrong. Un nom dont les plus grandes instances du cyclisme souhaitent qu’il soit a jamais effacé de l’histoire officielle. Comme on tenterait d’écraser l’historique de son navigateur web ou désinfecter son disque dur à la suite de quelques coupables recherches. Effacé comme « Austerlitz », « Louis XIV » et le roi « Clovis » ont déjà disparu ou quasiment de nos manuels scolaires (Si, si je vous assure !…) et comme d’une autre manière ce Charles Maurras et autre Robert Brazillach auront été gommés de l’espace national autorisé, par mesure de salubrité publique.
Lance Armstrong/ PHOTO © Joel Saget-AFP Getty Images
Lance Armstrong à jamais radié de l’espace public pardonnable, supportable… Lance Armstong, banni de toutes formes licites de rapprochement avec le monde de la bicyclette… Ou comme l’écrivain Céline n’aurait jamais été censé avoir rien écrit dans sa vie d’affreux jojo. Un salaud bien sûr !… Du point de vue de l’humanisme dont nous nous réclamons tous, par goût ou par formation… Armstrong « un sale tricheur !… » à faire disparaître des archives photographiques selon la bonne vieille technique soviétique dont on nous conseille aujourd’hui de suivre l’exemple affreux et totalement schizophrène (voyez-vous ça !…) Vous me direz que depuis la chute du mur de Berlin, le jeu du déboulonnage de statues est devenu moins dangereux (c’est sûr !) Le monde du cyclisme a mis bas la couronne du perfide héros et tout le monde dans la cour des miracles se réjouit. Je ne sais pourquoi à cet instant je pense à cette peinture du Caravage. « Judith décapitant Holopherne » ; Judith (ou la vertu triomphante) dans le rôle d’une noble cause, mais qui pourrait tout aussi bien être celle de l’argent, d’un paquet de comptes en banque et de bonnes situations qu’il faut défendre avant tout.
Lance Armstrong/ PHOTO © AFP Getty Images
Holopherne pris au piège et décapité par la « trop belle » Judith… car si oui, il faut bien condamner les tricheurs pour dissiper leur arrogante autorité, les empêcher d’exercer leur tutelle suffisante ; s’il faut parler haut et fort de l’abjecte disposition qui prévalait depuis longtemps dans les pelotons de s’arranger avec les édits et les règles en trafiquant l’ordonnance du médecin… (Qui saurait prétendre à d’autres sanctions de rafistolage ?!…) mais alors il faut aussi les condamner tous à la juste mesure d’une équité parfaite. Comme au moins ce Johan Bruyneel s’est également fait servir dans l’affaire de cet « infâme » et prétentieux Texan. Ou le docteur Michele Ferrari, dorénavant interdit à vie lui aussi de courses cyclistes pour avoir concocté les « ignominieuses » potions de tant et tant de grands champions contre quelques gros chèques évidemment. Un système. (Et pas seulement dans la discipline ici concernée !…)
Lance Armstrong – 21 octobre 2012 a Austin/ PHOTO © Tom Pennington-AFP
le Docteur Jean-Pierre de Mondenard, ancien médecin du Tour, plutôt réputé pour sa « croisade » systématique contre le problème du dopage dans le sport cycliste, précise d’ailleurs : « Le dopage est omniprésent dans le sport de haut niveau. On en retrouve partout : football, basket, tennis ou encore dans des disciplines plus confidentielles comme le tir à l’arc ou les fléchettes ! » L’auteur de « la grande imposture » ou de « 33 vainqueurs du Tour de France face au dopage »… tient au passage à préciser sa perception d’une « grande hypocrisie » instituée. Le pourfendeur d’idées toutes faites, qui réclame depuis longtemps « un système de lutte antidopage indépendant des fédérations et du milieu sportif en général ». Où l’on reparle bien sûr du Néerlandais Hein Verbruggen pendant ces années de l’ex star d’Austin USA, l’ancien président de l’UCI aujourd’hui membre du comité international olympique qui n’aura (au minimum) pas beaucoup insisté pour faire le ménage devant sa porte… Sage préconisation non ?!… (Comme le grand Zeus avait su éloigner le scorpion de l’arrogant chasseur Orion selon le rigoureux principe de deux constellations distinctes et réparties aux deux hémisphères opposés pour que ces deux-là, jamais ne puissent se rencontrer). Seulement voilà, personne n’y a jamais eu grand intérêt jusqu’ici. C’est le moins que l’on puisse dire ! À considérer la proportion toujours plus importante des bénéfices financiers générés sur la piste des étoiles sportives ; la manne conséquente qui circule depuis les années quatre-vingt dix sur la planète des nouveaux héros de l’Olympe… on voit mal ce qui pourrait changer en profondeur. Ni dans le cyclisme de haut niveau (car il ne faudrait pas non plus tout mélanger !…), et encore moins dans les arènes de football toutes dédiées à l’économie de marché. Le fric a succédé à l’objectif nationaliste et idéologique qui prévalait en particulier derrière le rideau de fer, dans l’ex RDA et jusqu’aux confins de l’URSS avant 89, où l’on avait poussé le bouchon à son comble d’une effroyable perfection « médicalisée » pour imposer ses belles valeurs morales et ses dogmes. Tout le monde sait ça. Mais tout ce monde là fait comme si ce n’était pas le problème. Trop heureux de continuer de se rassasier sur le dos de la bête. Fusse-t-elle un veau d’or la tête tranchée et jeté pour quelques heures à la vindicte. Quelques heures seulement. Car le temps passera, et le temps passe vite ces temps ci, où une actualité chasse l’autre à l’allure des particules élémentaires qui s’entrechoquent. Le temps des flux concomitants et des réseaux sociaux synchronisés sur l’air ambiant.
Lance Armstrong/ PHOTO © AFP Getty Images
Au Radeau de la méduse « cyclistique » annoncé par quelques-uns succéderont les longues prières pour un monde nouveau et d’autres représentations magiques pour conjurer la maladie. Le tout en millions de couleurs sur nos écrans partagés au lieu d’enchérir sur les causes réelles de cette pagaille médiatique. Juste le temps de brûler l’icône de l’US Postale et de Discovery jusqu’au cœur et d’en répandre ses cendres maudites sur le peloton d’une jeunesse sportive qui n’en demandait pas tant. L’ex septuple vainqueur du tour disparaitra-t-il à jamais de notre véritable histoire à nous (passionnés de cyclisme malgré tout !) Comme Tout le monde a déjà pu vérifier la disparition d’un Richard Virenque ou d’un Laurent Fignon du cœur des gens, celle définitive d’un Marco Pantani de nos tablettes affectives. L’aveu de Jacques Anquetil à la fin de sa carrière, expliquant dans France Dimanche (publié le 11 juillet 1967) « qu’il n’était pas possible d’être un grand champion sans se doper ». Tous oubliés ?!… Il fallait une tête de turc appropriée, l’effigie adéquate ; une victime sacrificielle pour tenter de régénérer le corps tragique d’un sport voué par tradition au « lynchage ». A qui la faute ? Et que dire encore de tous ces coureurs, nombreux, la majorité (n’en déplaise à beaucoup !) « propres » selon la formule consacrée —je vous l’assure— Obligés de subir cette image désastreuse et la constante suspicion. Soyez-en persuadés : « la plus grave crise de l’histoire du cyclisme » selon l’UCI passera. Comme ces dirigeants là passeront à leur tour, qui s’acharnent aujourd’hui sur un cadavre, et à qui finalement aucune institution judiciaire ne leur demandera jamais de s’expliquer sur leurs responsabilités d’avoir si bien su toujours fermer les yeux à la manière de ces trois singes de la sagesse chinoise. Jean-Luc Gantner