Le Français Sylvain Chavanel permet à la formation Belge Omega Pharma – Quick Step™ d’enlever le titre du contre-la-montre par équipes aux Mondiaux de Valkenburg (Pays-Bas). Les 53,2 km en 1 heure 3 minutes et 17 secondes. Chez les dames dont on a peu parlé, c’est la formation allemande Specialized™ emmenée par l’Américaine Amber Neben qui a décroché la plus belle médaille de l’épreuve au chronomètre par équipes.
C’est dimanche soir à la télévision (ou quelques heures plus tard sur le Pluzz™ accessible à partir d’un Smartphone, d’une Tablette ou de votre ordinateur de bureau complètement obsolète…), entre deux grosses pages consacrées au ballon dans les deux géométries principales, « Stade 2™ » envoie quelques brèves de voile, de tennis ou de Badminton… Un enchainement de résultats sportifs, aussi courts que l’adjectif qui désigne leur mise en valeur en précise la forme laconique… Quelques brèves vite expédiées en conclusion desquelles il sera procédé au « lancement » d’une information de cyclisme. Un premier bilan tombé des championnats du monde sur route organisés à Valkenburg aux Pays-Bas où un Français décroche la première médaille de cette grande semaine de vélo qui débute. Le coureur Sylvain Chavanel™ en or pour une grande première dans la province de Linburg au Pays-Bas. Un titre mondial de contre-la-montre « par équipes » ou plutôt… « par marque™ ». Une originalité cette année depuis l’invention du concept même de ce type d’événement généralement dédié à la confrontation entre nations et quelle que soit la discipline concernée. Quick Step™, Rabobank™, Cofidis™ ou Garmin™… au lieu des maillots floqués aux couleurs des pays engagés. Un match des marques™ en plein Mondial. Certains penseront d’emblée : Une extravagance, une bizarrerie… Une de ces excentricités auxquelles le cyclisme nous a habitué depuis longtemps comme par ailleurs ces écarts récurrents dans la substance géographique qui consiste à tracer un Tour de « France™ » en passant par Berlin, Londres, Amsterdam, Liège ou Dublin… Bientôt Barcelone et un jour viendra… au Katar, à Bahrain, ou Pekin… Comme le Giro™ s’est élancé d’Herning au Danemark cette année 2012 à la faveur de 2,5 millions d’euros accordée à la société organisatrice du Tour d’Italie (RCS Sports) ; ou comme « le Dakar™ » (la capitale du Sénégal) dans une toute autre discipline-spectacle circule dorénavant avec ses gros pneus crantés au Pérou, en Argentine ou au Chili….
Une « marque™ », un simple logo commercial au lieu d’un fier étendard communautaire flottant au dessus des podiums ; et certains publics, bien calés sur leur canapé rembourré Ikéa™, s’offusqueraient de ces détournements de sémantique balancés au grand jour par le truchement de quelques émissions sportives ! La belle étiquette d’un produit en lieu et place d’une considération révérencieuse pour l’identité des peuples… « Un scandale ! ». Mais l’idée n’est pas neuve. Un étendard national qui succédait déjà aux armoiries accrochées aux armures de ces champions des temps anciens. Des héros qui s’affrontaient sur les stades médiévaux où les « lignées » se départageaient dans les tournois. En réalité, tout un système d’emblèmes héraldiques en mouvement depuis des lustres. Ces contrats publicitaires bien plus près de nous, qui ont commencé d’accompagner les grandes expéditions lointaines, à l’image de cette grande affaire de la conquête de l’Annapurna™ en 1951, et dont on apprend aujourd’hui de la bouche même de la fille de Maurice Herzog™, qu’ils étaient signés à l’avance. Voyez-vous ça ! (Quand je pense qu’on se choque quelquefois du Cyclisme dont il se raconte que certaines courses auraient pu être « achetées » !…) Considérez encore ce voyage d’Orbiter 3 de Bertrand Picard en 1999. Ce Suisse génial qui fit son tour du monde en ballon sans escale grâce au nom de Breitling™ (les grosses montres d’aviateurs réparées à Besançon™…) imprimé en lettres géantes sur son immense et superbe enveloppe argentée. Qui alors aurait osé relever l’incongruité supposée d’un tel mariage entre les nobles et belles choses du ciel et ces petites pinailleries du monde terrestre qui nous préoccupent en ce moment ?!… Des enseignes du commerce, ou du monde bancaire, qui prennent aujourd’hui leur tour dans un immense glissement de repères au sein de la fonction du pouvoir réel. Oui. Et alors ? Une défiguration idéologique d’un modèle communautaire et souverain passé d’âge comme le fut auparavant celui des grandes familles héréditaires, des ordres tyranniques de toutes natures ou celui des clans immémoriaux. Toute cette matière symbolique fragile et altérable à l’échelle de la raison gardée et qui se propage aujourd’hui par tous les moyens de la physique nucléaire connue. « Une trahison » s’agiteront certains. « Une forme de corruption d’un vaste réseau d’influence prêt à tout au delà de toutes conséquences fortuites pour le genre humain ». J’avoue que ce documentaire diffusé sur arte™ réalisé par Jérôme Fritel et Marc Roche sur le sujet de Goldman Sachs™ et des ses 50 milliards de dollars de chiffre d’affaire annuel engrangé sur le dos de millions de gens mis à poil sans avoir eu le temps de comprendre qui voulait les rhabiller pour l’hiver, m’avait laissé ces derniers jours comme hypnotisé. Cette magnifique idée d’une compétition circonscrite à l’objet d’un progrès humain chère aux lumières d’un Condorcet, troquée dans les couloirs d’une banque d’investissement surpuissante pour la modique somme d’un match financier despotique, vaniteux, arrogant et pour finir, absolument incontrôlable… D’aucuns me diront qu’on est loin du Cyclisme… Mais j’affirme qu’au contraire tout y est ! Le cadre à la bonne taille et les deux roues bien alignées dans la direction d’un puits sans fond dans sa couleur de cirque la plus cinglante ! Et voyez par là cette route bariolée d’enseignes bien posées sur leurs cales, dansant la carmagnole sous les jupons de quelques investisseurs de bonne réputation. Une course pour son sponsor, au lieu de cette sempiternelle hypocrisie d’un sentiment patriotique à délivrer la main sur le cœur sous l’œil des caméras. Cette conscience nationale, cette fibre… dont on se plait à croire qu’elle continuerait toujours d’encourager la performance de l’athlète comme s’il était encore question de ce vingtième siècle mobilisé dans ses vieilles affaires de frontières et de tous les drames sordides qui en ont découlé. Le mythe de l’exploit sportif dédié à la communauté nationale… bazardé d’un seul coup sur les routes de la Hollande méridionale à quelques kilomètres seulement de Maastricht™… Un vrai symbole ! Un aveu ! Une déclaration, enfin… du droit des marques™ et de celui du sportif mondialisé qui avait fait tellement causé déjà sur la planète football. Où lorsque le sport professionnel s’engage à parler vrai sans restriction de morale d’un autre âge ou de beaux principes à préserver coûte que coûte sur l’autel de la bonne pensée bien faite. Une confession solennelle, profitable s’il en est pour se causer de sport de haut niveau en pleine lumière et sans restriction. Car enfin qui paye le salaire et les primes des champions, leurs entraineurs, et de tout le barnum nécessaire à l’encadrement de la performance sportive ? Pour qui courent depuis toujours ces géants de la route Ces « forçats™ » (comme l’écrivait Albert Londres en son temps où déjà le cyclisme sur ce Tour de France en 1924 gravissait l’Aubisque™, l’Isoard™, le Télégraphe™ ou le Galibier™, au seul bénéfice des journaux commerciaux de l’époque…) Pour la petite histoire, le sponsoring sportif est né en 1861 avec le financement d’une équipe de Cricket par la marque Spiers & Pond™ avant de voir Michelin™ s’occuper de vélo, déjà… dans la roue de la star de demi-fond Roger Terront. Rien de nouveau vraiment donc sous le pavé, tapé par cette sorte de Machiavélisme naturel dont je viens de vous entretenir sur la bordure de notre route commune ; cette perspicace et célèbre philosophie Florentine qui prévaut toujours dans la vitrine ! Rien, sinon cette irruption d’un peu de franchise au lieu du cynisme ordinaire à l’heure des grands chassés croisés sociétaux. Rien, à part un peu de témérité sur nos écrans sportifs préférés. Et on s’en recause bientôt. Jean-Luc Gantner