04 Juin

Un auteur franc-comtois s’invite sous la douche de DSK et réécrit l’histoire de la présidentielle

Bruit de la DoucheEt si Nafissatou Diallo n’avait jamais croisé la route de Dominique Strauss-Khan au Sofitel de New York ? Pour son premier roman, le chroniqueur politique David Desgouilles imagine la campagne présidentielle de 2012 si le directeur du FMI avait été candidat. « Le bruit de la douche » est un récit de politique fiction diablement bien mené, qui nous plonge dans les intrigues et les passions d’une campagne à fronts renversés. DSK, « candidat des élites mondialisées », devient le candidat de l’identité nationale, conseillé par une jeune socialiste, Anne-Sophie Myotte. Cette dernière, véritable héroïne du livre, est à la fois franc-comtoise et souverainiste, deux caractéristiques qu’elle partage avec l’auteur. Interview.

Vous effacez de l’histoire ce qui est sans doute le faits divers qui a le plus marqué la vie politique française ces dernières années. Pourquoi ce choix ?

« Un éditeur free-lance voulait me faire écrire, mais je me suis rendu compte que la politique va trop vite. J’aurais toujours été rattrapé par la réalité. Un ami m’a proposé de faire une uchronie, de réécrire l’histoire à partir de l’affaire du Sofitel de New York. Je me suis rendu compte en commençant ce roman que c’était formidable. Un essai politique, je me serai ennuyé. »

Vos personnages sont pour la plupart connus. On croise Eric Zemmour, Henri Guaino ou encore Pierre Moscovici, qui en prend pour son grade d’ailleurs. A vous lire, on a l’impression que vous vous êtes beaucoup amusé. C’est le cas?

« C’est tout à fait ça. C’est ce qu’on m’avait dit: prends du plaisir… J’ai joué avec des personnages réels, en leur faisant faire des choses à contre-emploi. Du coup le lecteur s’amuse. Quant à Pierre Moscovici, il n’a jamais été ma tasse de thé. Et pendant la rédaction du livre, il est devenu commissaire européen, ce qui n’a rien arrangé à l’acidité de ma plume. Je le reconnais. »

L’héroïne, ce n’est pas DSK, mais sa conseillère, Anne-Sophie Myotte. Proche d’Arnaud Montebourg, elle rejoint DSK mais ne renonce pas à ses idéaux souverainistes, qu’elle impose dans la campagne. Vous imaginez vraiment DSK converti au souverainisme ?

« Au début, DSK veut juste se servir d’Anne-Sophie Myotte. Mais je trouvais cela drôle qu’une femme prenne le contrôle du cerveau plutôt que d’une autre partie du corps de DSK… Le récit n’est pas délirant: DSK est beaucoup plus pragmatique, moins idéologue que le sont tous les énarques. C’est un prof d’économie. Dans les dernières pages, je réécris un dialogue avec Pierre Moscovici, son ministre des Finances. Il lui dit: « Si on continue comme ça avec l’euro, on va droit dans le mur ». Ce sont de vraies déclarations de DSK. »

Cette Anne-Sophie Myotte, elle partage beaucoup de vos idées politiques. Est-elle la conseillère que vous auriez aimé être ? 

« Elle, c’est une vraie politique, peut-être tel que j’aurai voulu l’être. Elle a les mêmes idées que moi. J’ai été séguiniste, favorable à une alliance entre Séguin et Chevènement. J’ai une culture sociétale de droite, mais économiquement, je suis plus interventionniste que libéral. Anne-Sophie Myotte est dure, calculatrice, manipulatrice, des qualités que je n’ai pas… Je ressemble plus à son amant de droite, Bruno Talanski, qu’elle manipule. La politique, c’est la guerre. D’après les premiers retours, le personnage d’Anne-Sophie est attachant. Et en plus, elle est née le jour du match de Coupe d’Europe entre Sochaux et Francfort, un clin d’oeil à mes copains supporteurs du FCSM ».

Vous regrettez que DSK ne soit pas Président de la République ?

« Si on doit comparer par rapport à François Hollande, oui. Dominique Strauss-Kahn est plus pragmatique, il aurait fait moins de bêtises. Il me semble politiquement plus fiable et plus costaud, plus armé qu’Hollande. En revanche, le problème, c’est que j’ai fait abstraction le plus possible dans le livre de son rapport aux femmes. On aurait pu avoir des catastrophes. Et puis il aurait fallu qu’Anne-Sophie Myotte existe, pour prendre possession du cerveau de DSK. Ce livre est bien une fiction. »

David Desgouilles est attaché d’administration dans l’Education nationale, dans le département du Doubs. Il écrit régulièrement sur le site Causeur.

Le Bruit de la Douche – David Desgouilles – Michalon – 17 euros