Le président du conseil général de Haute-Saône Yves Krattinger et le maire d’Audincourt Martial Bourquin font partie des 25 sénateurs PS qui ont voté cette nuit en faveur d’amendements leur permettant de continuer à cumuler, contre la volonté du gouvernement. Les sénateurs de droite Gérard Bailly, Gilbert Barbier et Jean-François Humbert sont sur la même ligne, tout comme Jean-Pierre Chevènement. Seul Jean-Pierre Michel a rejeté ces amendements. Le président du conseil général du Doubs Claude Jeannerot n’a quant à lui pas pris part au vote.
Les sénateurs ont refusé de se voir appliquer le projet de non-cumul des mandats en adoptant, dans la nuit de mercredi à jeudi, des amendements leur laissant la possibilité de garder un mandat local, contrairement à l’avis du ministre de l’Intérieur Manuel Valls qui s’était montré intraitable pour défendre cette promesse de campagne de François Hollande (voir le détail du vote).
211 voix contre 83
Ils ont adopté trois amendements similaires déposés par le groupe RDSE, à majorité PRG, l’UMP, et l’UDI-UC par 211 voix pour et 83 contre et qui laisse, expressément,aux sénateurs la possibilité d’exercer, en plus de leur mandat de parlementaire,un mandat exécutif local: maire, président ou vice-président de conseil général ou de conseil régional.
Au sein même du groupe PS, 51 sénateurs ont voté contre ces amendements, suivant l’avis du gouvernement, et 25 pour, conformément à la position de leur président François Rebsamen qui a toujours défendu une différenciation pour les sénateurs.
« Le représentant des collectivités locales »
« Le Sénat est, selon les termes de l’article 24 de la Constitution, le représentant des collectivités territoriales de la République, c’est sa raison d’être », a fait valoir le président du RDSE Jacques Mézart. « On ne peut donc concevoir un Sénat de plein exercice si le lien organique qui l’unit aux responsabilités locales était rompu ».
Il a aussi souligné que ce texte sera envoyé devant l’Assemblée « qui fera face à une disposition qui concerne le Sénat dans une loi organique ». La constitution prévoit que les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées. « Tout cela n’est pas une surprise », a jugé Manuel Valls qui avait déjà affronté dans l’après-midi la fronde des sénateurs. « Vous ne rendez pas service au Sénat parce que ce texte sera adopté in fine », a-t-il prévenu. « Et il n’est pas certain que le Conseil constitutionnel admette une telle différence entre sénateurs et députés alors que l’article 24 de la constitution leur donne les mêmes missions ».
L’UMP parle de « populisme »
Depuis plusieurs semaines, le groupe RDSE était entré en résistance contre cette réforme. Ses 18 voix sont déterminantes au Sénat pour faire passer un texte puisque la gauche ne détient que 177 sièges, soit trois voix de majorité. Avec ce vote, « le gouvernement vient de subir un nouveau revers », a jugé de son côté l’UMP en dénonçant « l’attitude du gouvernement qui répond à l’antiparlementarisme par du populisme ».
Au cours du débat général, Manuel Valls avait exhorté les sénateurs, dont 264 sur 348 ont un mandat d’exécutif local, à « dépasser leurs réticences ». Il s’est opposé à « un traitement différencié du Sénat » par rapport à l’Assemblée nationale, et s’est inscrit en faux contre l’affirmation que « le non-cumul reviendrait à préparer la voie à des élus coupés des réalités (…) des apparatchiks ». Les députés, et la majorité des sénateurs, sont élus sur leur nom, au scrutin majoritaire, a-t-il rappelé.
« Un travail à plein temps »
Le rapporteur du projet, le socialiste Simon Sutour, a plaidé que « l’exercice d’un mandat local exige un travail à temps plein ». Pour le groupe CRC (communiste), Eliane Assassi a soutenu le projet, notamment parce que « le cumul fait barrage aux femmes, aux jeunes et à la diversité d’origine ».
En revanche Jacques Mézard a tiré à boulets rouges contre le texte, une « imposture ». « Ce qui est en jeu, c’est l’équilibre des institutions de la République et le principe même du bicamérisme », a-t-il tonné sous les applaudissements d’une grande partie de ses collègues debout. « Depuis des mois vous clouez au pilori des milliers d’élus vitupérés dans les médias comme cumulards, sous-entendus goinfrés de privilèges et d’indemnités », s’est insurgé le sénateur du Cantal.
« Un nouveau coup de couteau » donné à la Ve République
Même analyse du président du groupe centriste François Zocchetto, pour qui le non-cumul entraînera « un parlement monolithique peu représentatif des Français », et le passage du Sénat « sous la tutelle des partis politiques ». Plus mesuré, Philippe Bas (UMP) a admis que « les cumuls excessifs sont aussi néfastes au Parlement qu’aux collectivités territoriales elles-mêmes ». Mais « l’interdiction absolue » du cumul serait « excessive ». Il a dénoncé une procédure accélérée qui « est une manière de faire délibérer le Sénat sous la menace de l’Assemblée ».
Chez les écologistes, « le non-cumul est inscrit dans nos gênes et dans nos statuts », a souligné Hélène Lipietz. « Nous voterons ce texte en ayant conscience qu’il s’agit d’un nouveau coup de couteau » donné à la Ve République,« une outre qui se vide peu à peu de son contenu », a-t-elle conclu. (AFP)
Après le vote de l’ensemble du projet de loi au Sénat, d’ici vendredi, le texte reviendra devant les députés.
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