Affaire peu commune au tribunal correctionnel de Vesoul hier. Il s’agissait pour la justice d’examiner la plainte de Michel Raison, maire UMP de Luxeuil-les-Bains et ex-député, contre Jean-Michel Villaumé, maire PS d’Héricourt et toujours député. Redécoupage de la carte électorale oblige, les deux sortants s’affrontaient dans la deuxième circonscription de Haute-Saône lors des dernières législatives. Juste avant le premier tour, Michel Raison saisit la justice et accuse son adversaire de diffusion de « fausses nouvelles » ayant pour but de « détourner des suffrages » (article L97 du code électoral).Une procédure rarissime.
Il fut beaucoup question de chiffres au tribunal correctionnel de Vesoul hier. Pendant près d’une heure et demie, des justiciables peu habitués des lieux se sont expliqués à la barre. Le débat judiciaire a d’ailleurs tourné au débat politique.
Michel Raison accuse Jean-Michel Villaumé et Laurent Séguin, son suppléant, d’avoir sciemment menti pendant la campagne électorale. Les socialistes soutiennent que 1000 emplois de service public ont été supprimés pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Ils l’ont régulièrement répété avant le scrutin législatif. Michel Raison conteste le chiffre. Il en fait une « question de morale ». Et demande à la justice de lui donner raison.
« Le débat politique n’autorise pas les mensonges », précise l’entourage du maire UMP de Luxeuil-les-Bains, défendu par Me Jean-Marc Florand, l’avocat qui obtenu l’acquittement de Patrick Dils. Battu de 246 voix le 17 juin, Michel Raison demande 50.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral. « S’il gagne, il reversera tout à des associations caritatives », assurent ses conseils.
« Michel Raison veut pénaliser le débat politique »
Face à Michel Raison, Jean-Michel Villaumé et Laurent Séguin sont défendus par Me Bruno Kern. Autrement dit: face au maire UMP de Luxeuil-les-Bains, les maires PS d’Héricourt et de Faucogney-et-la-Mer sont défendus par le premier adjoint au maire socialiste de Belfort. Quand on vous dit que le débat est politique…
Bruno Kern dénonce d’ailleurs la procédure choisie par Michel Raison, pourtant permise par le Code électoral. « On essaie de faire dire au juge pénal ce que le juge constitutionnel aurait dû dire », regrette l’avocat, qui rappelle que la jurisprudence du conseil constitutionnel reconnaît un écart de 250 voix comme suffisant pour remettre en cause le résultat d’un scrutin. « Le débat sur le nombre d’emplois supprimés ne constitue pas une fausse nouvelle, et quand bien même il le serait, jamais Michel Raison n’a démontré qu’il y avait eu détournement d’électeurs, estime Bruno Kern. Sur le fond, je suis très confiant, et ce n’est pas de la vantardise. Michel Raison veut pénaliser le débat politique ». Il demande au tribune de condamner Michel Raison à une amende de 10.000 euros pour procédure « abusive ou dilatoire ».
« C’est une question pas banale et à laquelle il est difficile de répondre. Il faut que la justice prenne son temps », concède-t-on du côté de Michel Raison. Délibéré le 4 juillet.
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