La hache de guerre est enterrée. Damien Meslot et Christophe Grudler se parlent à nouveau. Longtemps en froid, les chefs de file de l’UMP et du MoDem dans le Territoire se sont vus en début de semaine dernière, au domicile du premier. Une rencontre opportunément dévoilée dans la presse par le député. Au centre de la discussion, la constitution d’une liste commune aux municipales 2014 à Belfort. Et l’UMP joue les grands seigneurs: elle offre à Christophe Grudler la tête de liste. En échange, le principal parti d’opposition exige les deux tiers des conseillers municipaux, la présidence de l’agglomération et la candidature aux sénatoriales. Un deal pas encore accepté par Christophe Grudler: « Je ne veux pas être une marionnette », prévient l’actuel conseiller municipal MoDem.
Ces deux-là ne sont pas les meilleurs amis du monde. Et pourtant… Damien Meslot a fait le premier pas: « Je ne fais pas de sentiments en politique. Il n’y a pas d’amis ou d’ennemis, il y a des convergences ou des divergences d’intérêts ». Le député UMP a surtout fait ses comptes. Ou plutôt, il a fait faire un sondage. Selon lui, Christophe Grudler pèserait près de 10% dans les enquêtes d’opinions. Incontournable. Il vaut donc mieux l’avoir avec soi que contre soi. « On ne veut pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets », explique Damien Meslot, se remémorant les dernières municipales. En 2008, la liste Grudler obtient 16,9% des voix au premier tour, derrière celles d’Étienne Butzbach (33%) et de Damien Meslot (32,3%). Et il se maintient au second tour. Résultat: la liste de gauche l’emporte avec 48,3% des suffrages. Rageant pour la droite.
« Une proposition extrêmement généreuse »
Damien Meslot et Christophe Grudler sont donc condamnés à s’entendre s’ils veulent ravir la mairie de Belfort à la gauche en 2014. « C’est mon côté bonhomme qui veut trouver l’union, sourit Damien Meslot. Je lui ai donc fait une proposition extrêmement généreuse. Il a la possibilité de réaliser le rêve de sa vie: devenir maire de Belfort ».
La proposition est en effet flatteuse pour le MoDem, puisque l’UMP offre tout simplement la tête de liste à Christophe Grudler. Pas une mince affaire pour celui qui mena la liste RPR-DL-UDF en 2001 (44,7% au 2e tour face à la liste menée par Jean-Pierre Chevènement) avant d’être évincé de l’UMP deux ans plus tard. « C’est une bonne avancée, reconnaît Christophe Grudler. Damien Meslot considère que je suis le meilleur candidat pour la mairie de Belfort. Jusqu’à présent il ne l’avait pas dit ».
« Je veux la garantie d’avoir la majorité »
Tout irait bien dans le meilleur des mondes à droite s’il n’y avait pas… les contreparties demandées par l’UMP. Damien Meslot exige en effet pour son parti la présidence de l’agglomération, la candidature aux sénatoriales et… deux tiers des conseillers municipaux. Et c’est là que le bât blesse.
« Imaginez trente secondes être à la tête d’une municipalité et ne pas pouvoir décider d’un projet sans passer sous les fourches caudines d’un partenaire. C’est invivable et cela n’existe dans aucune ville de France », assure Christophe Grudler. Il veut donc sa propre majorité s’il est élu: « Il faut que cette liste soit équilibrée. J’ai connu par le passé des situations délicates avec Damien Meslot. Chat échaudé craint l’eau froide. Je veux la garantie d’avoir la majorité. »
« A prendre ou à laisser »
Le problème, c’est que Damien Meslot certifie qu’il a abattu toutes ses cartes: « Quand on est minoritaire, on ne peut pas avoir les ambitions du parti majoritaire. Je pense avoir fait le maximum. Cette proposition sera la dernière. » Il dément aussi tout calcul politicien pour récupérer la mairie en cours de mandat: « Je ne vais pas faire un putsch une fois les élections passées, promet-il. C’est à prendre ou à laisser. Je ne suis pas marchand de tapis ».
Christophe Grudler veut pourtant croire qu’il y a encore une marge de manœuvre. « Nous sommes sur la bonne voie; il y a juste un petit blocage organisationnel, certifie-t-il. Ce n’est pas une heure de réunion autour d’un jus de fruits qui permet de tout résoudre. Quand on est en négociations, on ne dit pas c’est comme ça et pas autrement ». Et pour ne pas dépendre uniquement de l’UMP, Christophe Grudler entend associer aux discussions les partisans de Jean-Louis Borloo, dont le député-maire de Valdoie: « Nous ne sommes pas que deux. Il y a aussi un troisième partenaire, l’UDI et Michel Zumkeller. Pour l’instant, Damien Meslot n’en veut pas. »
« Aucun intérêt à s’unir trop vite »
Désormais, le député UMP dit attendre une réponse, et rappelle que son parti désignera ses têtes de liste mi-mars. Christophe Grudler assure, lui, que rien ne presse. « On n’a aucun intérêt à s’unir trop vite, calcule-t-il. Je souhaite qu’on travaille dans la discrétion. Sinon, Étienne Butzbach va l’utiliser pour faire le rassemblement à gauche aussi ».
Les deux hommes, au moins, sont d’accord sur une chose. Leur électorat souhaite l’union, et s’ils y parviennent, ils ont une vraie chance de l’emporter. Reste à savoir s’ils le veulent vraiment. Que les deux parties n’arrivent pas à s’entendre, Christophe Grudler « refuse de l’imaginer ». Damien Meslot argue, lui, qu’après une telle proposition, si Christophe Grudler refuse, « il faudra qu’il explique ça aux habitants de Belfort ». Et si après tout, c’était cela, le but de la manœuvre…
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