Dans l’univers du groupe COCANHA il y a de l’originalité, mais aussi de l’authenticité. Preuve en est avec leur second disque « Puput ». Ca ressemble à de la tradition, c’est certainement de la polyphonie, on peut y danser mais… I a quicom mai! Quelque chose en plus qui fait la différence dans ce monde musical qui confine au formatage. « Puput » est surtout un album d’une grande richesse ambe solament 3 voses e 3 tamborins. Il faut dire qu’aux manettes se trouve le producteur sourcier catalan Raül Refree.
3 voses, 3 tamborins, e pas mai!
Officiellement Cocanha est un groupe qui fait des chants polyphoniques à danser. Et sur ce disque, ne cherchez pas des guitares, flutes, basses, batterie, synthés, accordéons…. Tout ce que vous entendrez c’est du fabriqué maison avec seulement 3 voix et 3 tambourins, autrement surnommés « tom-tom » en occitan béarnais. Et pourtant à l’écoute, rien ne manque.
Autre originalité, la tessiture des voix. Comme toutes chanteuses, Lila Fraysse, Caroline Dufau et Maud Herrera ont un registre principal de voix plus ou moins haute, chacune sa tonalité. Ecoutez l’album et essayez de différencier les 3… ! « Avem trabalhat. Lila avia una votz aguda, ieu (Caro) puslèu grèua e Maud acostumada a cantar de liric. »
Normalement toujours, dans la polyphonie chacun son registre. A charge de s’y tenir. Là vous entendrez les 3 chanteuses faire le yo-yo entre les tessitures.
« Cotelon » premier extrait de l’album « Puput »
Seul moyen de les identifier : les 3 chants solos de l’album. « Dos branlaboièrs » pour Maud, « Beth Aure » pour Caro et le très étonnant « La femna d’un Tambor » de Lila, moitié occitan moitié français. Et ça sonne toujours occitan dans le français! Histoire de reproduire l’authenticité du collectage.
Les tambourins maintenant. D’habitude, les « tom-tom » accompagnent les flutes. Ici il n’y en a pas. On peut entendre 3 tambourins accordés différemment, avec des cordes tantôt métal, tantôt nylon ou boyau et autant de sonorités qui vont avec. En Béarn, il y a des spécialistes du « tom-tom », dont Pierre-Henri Fontespis-Loste. Dans son atelier, il fabrique ce que demandent les artistes, sur mesure, avec des accordages différents. A l’arrivée, du « tom-tom » comme jamais entendu, notamment sur le titre « Quauques còps » très original dans sa mise en espace et l’utilisation de l’instrument. Tambourins, voix et podorythmies cuisinés a la salsa Raül Refree.
Raül Refree, l’interrogaire del patrimòni
Les morceaux du second album sont prêts pour l’enregistrement. Lila écoute alors le premier album de Rosalía « Los Angeles », produit par un certain Raül Refree. Les 3 chanteuses de Cocanha lui envoient les morceaux pour écouter. Il répond favorablement mais veut les voir en live sur Toulouse. Il les averti : « Se cal pas esperar a quicòm de trad mas experimental » ! Il ne faut pas s’attendre à quelque chose de trad mais plutôt expérimental. Ca tombait bien. Pour Caro, « La finesa, las experienças sus las voses, los enstruments a cordas e son aurelha sus la tradicion flamenco, lo perpaus èra fòrt interessant ».
Enregistrement du nouvel album avec Raül Refree à la Casamurada
Direction la Casamurada, un corps de ferme où se trouve un studio d’enregistrement près de Tarragone (Catalogne). C’est là que le producteur a aussi enregistrée Sílvia Pérez Cruz, une autre jeune prodige catalane. Un esprit rock, un regard expérimental sur les musiques traditionnelles, Refree arrive à personnaliser chaque morceau, à lui donner un univers. Il fait travailler les 3 artistes, les amène à poser différemment les voix, insuffle des influences. S’en suit le mixage à Barcelone. Caro raconte :« Refree, mèscla en dirèct e enregistra. Aprèp escotam e escambiam. Sus la musicalitat e l’emocion Refree es fòrt ». Oui, sur la musicalité et l’émotion, le producteur est fort. Le chant prend de la profondeur, les sons deviennent riches, sans dénaturer le propos artistique.
La cèrca de diferencias
C’est tout ce qui différencie « Puput » du premier disque. Des traitements différents des voix où résonne toute la corporalité. Chanter avec le corps, danser aves les voix. Pas étonnant que Maud notamment ait travaillé avec Xavier Vidal et Pascal Caumont. On sent une exploration vocale, la volonté de faire sortir la singularité des voix dans un son collectif. « I a pas de cèrca del beroi, del just. Sonque lo son collectiu e far entendre los còrs ».
Dernière singularité : les paroles. Dans cet album, seulement 2 créations (« Cotelon » inspirée par l’ethnologue Isaure Gratacos et « Los Aucèls »guidé par le poète Pèire Godolin). Pour le reste, des morceaux traditionnels… Avec des paroles forcément surannées. Cocanha a donc pris le parti de réécrire les textes pour être plus en phase avec le temps et avec leurs personnalités. « Es aquò l’oralitat. Podèm pas cantar quauquarem que sèm pas d’accòrdi. « Janeta » per exemple es una cançon amb un tipe que se far sedusir. Es partida dins una autra direccion. Tornèm apoderar las causas per comptar d’autras istòrias », çò dis Caro.
Le tout nouveau clip de Cocanha Suu Camin De Sent-Jacques realizat per Caroline Dufau/Amic Bedel
C’est tout ça que l’on retrouve sur le disque Puput, avec un esprit « live », enjoué, vif. On y entend de belles réussites comme « Colorina de Ròsa » où l’on pense à la version de Rosina de Pèira, « Au son deu vriolon », « Castel Rotge ». Autant de petits joyaux que l’on avait dans l’oreille et qui nous transportent ailleurs. Avec un vrai morceau plus « classique » à l’intérieur. Le magnifique « Quauques còps » version polyphonie. Comme quoi, elles savent tout faire.
Bonus track confinement
Clip « La Sovenença » : corps-en-vie-exquis ! Còs-viu-resquit ! Enregistré à l’ostal.
Sites du groupe : https://cocanha.net/ Facebook Instagram
Label PAGANS https://pagans.bandcamp.com/album/puput
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