06 Avr

Avec « Rubberband », Miles Davis traverse le temps

Miles Davis, certainement dépassé, surement indémodable. C’est un artiste toujours dans le temps. « Rubberband » est un album posthume de l’artiste. Une production anecdotique? Commerciale? Certainement pas. C’est un album crédible, riche, varié, produit par ses proches, à partir de bandes enregistrées bien avant sa mort. Première chronique jazz de ce blog.

Réglons tout de suite son compte au mort. Oui le jazzman américain est bien décédé en 1991, mais les bandes inédites officiellement ressuscitées n’encombrent pas les bacs. Nous sommes en 1985. Miles Davis quitte sa maison de disque historique (Columbia) pour rejoindre la Warner. A 59 ans, il se lance dans l’enregistrement d’un nouvel album intitulé Rubberband entre octobre 1985 et janvier 1986.

« Rubberband » enregistré juste avant l’énorme succès de « Tutu »

Le disque n’était pas sorti à l’époque, sa nouvelle maison de disque n’ayant pas été convaincue. Sans groupe vraiment attitré, le trompettiste part enregistrer dans la foulée « Tutu » à Los Angeles avec le tout jeune bassiste Marcus Miller. Avec le succès commercial que l’on sait et un Grammy Award à la clé.

Les allergiques au style Miles Davis ne reviendrons pas sur leur décision. Les fans quant à eux risquent d’être un peu déconcertés. L’exhumation de ces bandes s’est faite avec les producteurs de l’époque (Randy Hall et Zane Giles) et son neveu et par ailleurs batteur Vince Wilburn Jr qui avait joué sur les sessions studio.

Un album avec des grandes voix

« Rubberband of Life » qui ouvre l’album avec la chanteuse Ledisi

Le son Miles Davis est bien là mais les orientations musicales sont radicalement différentes. Ca sonne moins jazz, avec des styles plus variés qu’a l’accoutumé : un groove accommodé de funk, soul, latino… et les voix -plutôt rares chez l’artiste- bien présentes. Quatre voix : celles des chanteuses Lalah Hathaway sur So Emotional, Ledisi sur le morceau éponyme Rubberband of Life, celle du producteur Randy Hall sur I Love What We Make Together, et celle de Medina Johnson sur Paradise.

Miles Davis, l’artiste qui n’aime pas se répéter

Le son a été retravaillé, plus actuel, dans la lignée du vivant de l’artiste, toujours à l’affut d’expérience et de nouveautés.  « Nous avons œuvré afin de donner un nouveau souffle à la musique, explique Randy Hall. Si je sais une chose de Miles, c’est qu’il détestait tout ce qui était éculé, rance. » 

« I love what we makes together “ sonne très Al Jarreau. D’ailleurs Miles Davis l’avais compose en pensant à lui et comptait l’inviter. Finalement c’est Randy hall qui assure le chant.

Il y a à la fois tous les ingrédients habituels que l’on retrouve dans la musique de l’artiste. Cette incroyable faculté à se jouer des rythmes, poser sa trompette dans des breaks improbables, les nappes de claviers qui alternent avec de gros riffs de guitare comme dans le morceau « This is it »...

Toujours aller à l’essentiel : peu de notes et toujours bien placées. Et, comme d’habitude aussi, cet album était l’occasion d’explorer d’autres styles, de travailler avec de nouveaux musiciens.

« Rubberband » est plus qu’honorable. Il vient compléter une palette très large de couleurs musicales dans ses productions et prestations. « La musique est une peinture que l’on peut entendre, et la peinture est une musique que l’on peut voir », se plaisait-il à dire.C’est d’ailleurs lui qui a peint le tableau de la pochette du disque.

Bonus Track

Première émission TV du trompettiste dans l’émission « Au clair de la lune » de Jean-Christophe Averty. Un document diffusé le 25 décembre 1957, réputé perdu et retrouvé il y a peu. Miles Davis était de passage à Paris avec Barney Wilen au saxophone ténor, René Urtreger au piano, Pierre Michelot à la contrebasse et Kenny Clarke à la batterie.


Le documentaire Miles Davis: Birth of the Cool (2019), du réalisateur afro-américain Stanley Nelson est actuellement sur Netflix.