30 Oct

Gilles Da Costa/ Des « nourritures terrestres » au cadre politique des « choses vues » pour s’arrêter un moment sur l’objet d’une course cycliste décisive au sein du peloton fédéral

J’aurais d’abord voulu filmer le gars, s’esquinter les biscoteaux sur un vélo de course en compagnie d’un peloton de copains de son âge et du mien. L’ancien coureur cycliste, en plan serré sur un de ces bolides qui aurait quand même eu pas mal de gueule devant la façade du conseil régional un jour de visite ministérielle. J’aurais bien voulu… mais on ne fait pas toujours ce qu’on veut, n’est-ce pas ?! L’idée d’en savoir un peu plus sur le patron du cyclisme comtois et de ses responsabilités au sein du Conseil régional de Franche-Comté. Un exercice dont j’avoue n’avoir pas tout de suite saisi la difficulté, tant celui-ci réclame en général de la distance, et tant il est vrai aussi qu’il n’est jamais simple de réduire la vie d’un homme à sa fonction ou à quelques traits de caractères même flagrants. Caméra au poing, et la fleur au guidon… nous avons donc tenter de suivre un court instant le haut fonctionnaire lors d’une de ces journées de travail, partagé entre ses obligations à l’hôtel de région et sa passion pour le vélo. L’occasion de fouler un peu de la route empruntée chaque jour par ce sportif, qui il y a un peu plus de cinquante ans, s’était fixé une ambitieuse ligne d’arrivée dans la discipline du service public.

 

REPORTAGE © France TV 2013
JL Gantner, JM Baverel, Pierre Mayayo, Stephanie Chevalier

Gilles Da Costa qui me citait « Les nourritures terrestres » d’André Gide alors que nous terminions presque notre conversation dans son appartement bisontin. Tout au fond, dans un bureau d’un dépouillement spartiate, presque exclusivement agrémenté de plusieurs dizaines de jeux de sociétés empilés sur de grandes étagères de bibliothécaire. « Pour partager des moments avec des copains » avait répondu le cadre de la structure territoriale qu’il dirige sous les ordres de l’élue socialiste Marie-Guite Dufay. Gide… Peut-être pour évoquer ce principe, cette morale… de ne jamais faire l’économie de notre vraie nature. « Ah ! de combien de choses, Nathanaël on aurait encore pu se passer ! » écrivait celui qui voulait à tout prix se dégager de ses conformismes justement. « Mais sans aller jusque là » avait aussi conclu le nouveau président du conseil fédéral de cyclisme. Tiens, oui, justement ! Ce conformisme dont on peut se souvenir qu’il caractérise une tradition on ne peut plus ancrée au sein de l’instance nationale de cyclisme, et contre laquelle Gilles Da Costa entend bien tenter de gommer quelques excès avec beaucoup de vigueur ces prochains mois, mais aussi grâce à son sens des épreuves en peloton (cette science des alliances de circonstances et des points d’appuis passagers…) Une tâche d’équilibriste. Même si l’on considère tout le travail déployé en Franche-Comté ces dernières années et qui pourrait servir le cas échéant de modèle pertinent à la tête de la fédération… Oulah…  « Surtout ne pas jeter le manche avant la cognée !… » rétorque aussitôt le patron du cyclisme régional dans une jolie métaphore de bûcheron ; nous laissant entendre par là qu’il ne faudrait peut-être pas non plus « vendre la peau de l’ours… » La présidence de la fédé… l’ancien puncheur amateur y pense bien-sûr ! (comme me l’ont affirmé quelques-uns de ces amis proches et face caméra, considérant aussi la perte que constituerait ce départ, pour le cyclisme franc-comtois…) Car qu’on ne se la raconte pas ! ! L’initiateur de cette sorte de tout nouveau parlement du cyclisme français (largement inspiré de ce vieux modèle républicain de la séparation des pouvoirs, et dont les travaux ont débuté au printemps), y songe même certainement beaucoup lorsqu’il avoue « d’abord devoir consulter son épouse avant d’envisager cette échéance ».  Élu à la tête de sa propre création (cette assemblée, censée garantir une meilleure représentation des différents courants de pensées répartis dans l’ensemble des comités locaux), il faut bien dire que Gilles Da Costa pédale de plus en plus rond dans la direction de la région parisienne. C’est un fait. Relevant aussi que le gars a appris à tourner les jambes dans la bonne géométrie depuis longtemps ; habitué à la mare politique dans laquelle il baigne par la force de ronds dans l’eau dont il connaît l’origine et le principe de leur déploiement par cœur. De Besançon à Paname. Pour enchaîner avec le cadre géographique le plus flagrant de ces « choses vues » cédées à la postérité par Victor Hugo, et où l’on trouve ce verdict très à propos dans un fragment daté de 1870 ou 71… : « Je ne suis pas avec un parti ; je suis avec un principe. Le parti, c’est le feuillage ; cela tombe. Le principe c’est la racine ; cela reste. Les feuilles font du bruit et ne font rien. La racine se tait et fait tout. » Oui, bon, juste pour l’histoire de causer de ce que l’on a pas eu le temps de se dire ce jour là d’un tournage un peu véloce au lieu de poursuivre sur le terrain du philosophe Jean-Luc Marion… Un sujet de réflexion de Gilles Da Costa à propos de cet « Homme machine » qui saurait sûrement mettre toute la fac de Besançon « dans le dur » songeant à Bahamontes, Merckx ou Bobet  jouant de « bordures » dans la langue de Céline où dans celle de Frédéric Dard. Le prétexte d’un chouette reportage en perspective si le service public est toujours disposé à faire un peu de place à quelque érudition vélocipédique dans son planning d’animations météorologiques toujours aussi surchargé. On s’est alors quitté là, sur la sensation d’un homme fidèle à des valeurs de jeunesse qu’il affiche volontiers sur les estrades officielles, et dont l’ambition semble conditionnée par son besoin de demeurer libre en toute occasion. Une réminiscence de son histoire familiale. Certainement son moteur le plus précieux. La fin d’une interview au cours de laquelle j’avoue m’être plusieurs fois posé la question de l’impudeur dans l’opération de devoir mettre à nu les gens pour les seules faveurs d’une caméra de télévision. Je dis ça, cherchant encore la faille opportune qui m’aurait permis de justifier l’agression. JL Gantner