Jimmy ENGOULVENT, Anthony DELAPLACE, Brice FEILLU, Jonathan HIVERT, Rémi PAURIOL, Julien El FARES… ou encore Alexis VUILLERMOZ, le jeune Jurassien…) 23 coureurs, mais aussi tout leur staff, directeurs sportifs, soigneurs ou mécanos… Soit plus d’une quarantaine de personnes en tout. Débarqués de la compétition professionnelle. Où l’on ne se rend pas toujours compte à quel point, l’histoire d’une équipe professionnelle de cyclisme est d’abord également l’histoire d’une entreprise comme les autres, et la vie de son manager, celle d’un chef d’entreprise confronté à la difficile loi du marché, l’offre et la demande, la versatilité des mœurs et l’ère du temps. (Je dis ça dans le sens où l’on aurait souvent tendance à oublier les coulisses du spectacle, les basses besognes, le travail des marins dans les soutes. Toute cette machinerie délicate à manœuvrer sous les ordres d’un capitaine de route exposé aux furies météorologiques de toutes sortes…)
Fin de parcours donc ! pour la Sojasun. L’équipe « Bretonne » managée par Stéphane HEULOT n’a finalement pas réussi à séduire un nouveau co-sponsor avant la date limite des dépôts de dossiers auprès de l’UCI. Ce 1er octobre, le peloton professionnel français perd donc l’une de ses équipes les plus représentatives de ces dernières années de compétition, et peut-être aussi quelques illusions sur sa cote de popularité plutôt florissante si l’on en croyait les diverses études publiées sur le sujet depuis quelques temps… Un rapport de Sportlab par exemple, largement diffusé et commenté dans la presse 2012, assurait de la position du cyclisme comme quasi leader sur le marché du sponsoring sportif. Tout juste si celui ci n’arrivait pas devant le football… Une augmentation du nombre des marques sur le circuit World Tour (« 61 contre 40 il y a 3 ans » disait Sportlab) et de l’enveloppe totale consacrée aux équipes (« +36,5% pendant la même période ») étayaient la folle idée que tout allait mieux au pays de la bicyclette depuis les « vieilles affaires Cofidis et Festina. Et même… Un des directeurs de la fameuse agence de gestion de droits d’image et de conseil marketing (Bertrand Avril) insistait encore auprès des journalistes sur le peu d’incidence qu’auraient eu les affaires de dopage sur la notoriété des marques concernées. « Si on parle aux gens de Festina, ils vont vous dire cyclisme, dopage, ça n’empêche que leur notoriété est dix fois supérieure à d’autres marques de montres qui étaient au même niveau commercial il y a 15 ans. » On peut bien sûr les croitre sur parole ! J’avais moi-même, et personnellement entendu les hôtesses très agréables de Festina™ sur le tour de France 2012, répéter en boucle la merveilleuse litanie à tous les journalistes qui s’arrêtaient se faire offrir le petit déjeuner de confitures maison ou le goûter au foie gras. Les jolies filles bien habillées dans leur stand rutilant voulaient absolument me donner l’heure soit disant depuis longtemps consommée, de la réconciliation qui avait sonné entre le public et leurs montres qui allaient si bien au bras des gogos. Un cyclisme toujours à la bonne heure d’une estime sans faille entre le public et sa grande histoire sportive. Une belle prière « d’experts » en analyses « sympathique » comme on dit dans le monde des enchanteurs de foires commerciales. Où quand le publiciste est aussi celui qui encaisse à la fin… Des chiffres, à qui l’on fait bien dire ce que l’on veut selon le principe de l’assaisonnement de la soupe et surtout de qui la boit à grand soif…
La belle Sojasun, pauvre d’elle… malgré tous ses effort et son chouette palmarès, ses 65 victoires dans ce labs de temps d’une économie « mirifique » dont nous parlions à l’instant sous l’autorité compétente d’un groupe de spécialistes réputés… ses 3 participations au Tour de France très remarquées et par conséquent très « bancable » comme on dit maintenant dans le show bizz et si l’on en tire la plus « bancale » des conclusions sur l’autel de la rentabilité médiatique. Cette Sojasun d’un super Jérôme COPEL après avoir compté dans ses rangs Pierre ROLAND ou Julien SIMON… des coureurs à qui Stéphane Heulot avait d’abord donné leur chance et permis de faire leurs armes avant d’impressionner la terre entière sur le grand voyage « touristique » du mois de juillet. Cette Sojasun qui avait fait rêver toute la région de Franche-Comté lorsqu’elle comptait dans ses rangs Laurent MANGEL. Ce Paris-Roubaix 2012 où le Haut-Saônois aujourd’hui salarié de la FDJ.fr avait montré le maillot en plein dans la trouée d’Arenberg. Comme je vous le dis ! « Vas-y Lolo ! » On était tous à fond en train d’arracher les accoudoirs des fauteuils devant l’écran de télé. Laurent MANGEL en 2012 et puis Alexis VUILLERMOZ cette année 2013. Un essai sur la route du jeune vététiste sanclaudien, largement transformé sur la grande boucle du centenaire. Un Tour du champion de France et vice champion du monde espoirs de VTT, épatant. Alexis, joint justement par téléphone ce lundi post – Mondial de cyclisme sur route à Florence, informé de la décision de son manager « par la presse numérique » au moment même où je découvrais aussi la nouvelle par le même canal. « L’équipe s’y était préparé depuis le mois d’août ». Explique le jeune coureur jurassien. « On savait que ça pouvait arriver. Ce n’est pas vraiment une surprise ! » Alexis, seulement agacé par cette image de dopage qui colle à la peau de son sport comme, j’ai pu entendre toute une relève de son âge le regretter amèrement dans le peloton depuis 2 ans. Thibaut PINOT, Arthur VICHOT, Morgan KNEISKY… tous conscients et tristes de ce constat dans lequel aucun d’entre eux n’a pourtant à se reprocher la moindre responsabilité. « Dans la presse, à la télévision, on parle plus de dopage que de sport lorsqu’il s’agit de cyclisme ! Ça ne s’arrête jamais ! ». Un constat porté également par Jean-Jacques MENUET, le doc de l’équipe Sojasun dans une lettre ouverte publiée sur son site écrite le 30 septembre. Le dernier arrivé chez Heulot explique pour sa part, « ne pas être plus inquiet que ça… » au moment ou il faut forcément se relever les manches pour trouver du boulot ailleurs. « C’est mon agent qui s’occupe des contacts avec d’autres équipes, pour ma part, je ne connais pas encore assez le monde de la route. En ce qui concerne la Sojasun, ce que je veux dire c’est que j’ai passé une super année dans cette formation et que je remercie vraiment toute l’équipe pour tout ce que j’ai appris… Le Tour de France était une incroyable expérience. Pour le reste, quand on est coureur, on est habitué à la précarité. J’ai déjà vécu des moments difficiles auparavant. Ça fait partie de notre sport ». Alexis VUILLERMOZ qui prendra la route du Tour de Vendée pour conclure sa saison le week-end prochain, rappelant qu’il poursuivra sa collaboration avec son entraineur et ami, Jean-Baptiste QUICLET, lui aussi Jurassien et victime de l’arrêt de la Sojasun…
L’équipe professionnelle Rennaise rejoint aujourd’hui la liste noire des équipes barrées du tableau cette année ; ou condamnées à une importante restructuration pour des raisons somme toutes similaires. Un manque de moyens financiers, conséquent à une économie certes moins heureuse qu’au milieu es années quatre-vingt, mais dû aussi à une certaine perte de confiance des marques pour la discipline malgré les changements profonds et tout le travail effectué pour assurer le cyclisme de sa probité. (N’en déplaise aux statistiques d’un optimiste faiseur de belles enquêtes d’opinions…) Des beaux maillots condamnés à mettre la flèche malgré leur prestige sportif auprès des spectateurs… À l’image de la mythique et pourtant si solide Rabobank ; la Sako-Tinkoff de Bjarne Riis ; ou la formation basque Euskatel en proie à toutes les agitations ce mois de septembre après les échanges de « mauvais » procédés entre les propriétaires de l’équipe et le pilote automobile Fernando Alonso… Voilà qui pourrait donner matière à réflexion au sein de la nouvelle présidence de l’UCI.
Concernant la formation professionnelle ancrée en Bretagne, seule l’association Sojasun Espoir ACNC poursuivra son activité en attendant peut-être des jours meilleurs qui permettront à Stéphane Heulot et à son partenaire principal de retrouver un nouveau souffle sur le ring de la concurrence internationale.
JL Gantner