19 Sep

La « Degri » montée en épingle !

UN FAUX-PLAT MONTANT. L’ASCENSION DE « L’ÉPINGLE » JUSTE APRÈS LE PONT. ET LA CÔTE QUI CONTINUE JUSTE APRÈS SANS QU’ON AIT JAMAIS EU LE TEMPS DE REPRENDRE SA RESPIRATION ! UNE MONTÉE CHRONOMÉTRÉE DE LA RUE DEGRIBALDY. ET FRANCHEMENT C’ÉTAIT VRAIMENT DUR !!!

Chrono dans la Degribaldy/ Photo © Anne Gounand

La « Degribaldy » (du nom de la rue où se déroule la course depuis 19 éditions, et de celui d’une des figures incontournables du cyclisme français originaire de la capitale Comtoise). La « Degri » devenue cette attraction pour bête de somme s’arrachant les boyaux en plein centre ville de Besançon. (Son tramway presque terminé au moment où son maire aurait bien voulu donner le départ de la course lui même ce samedi 14 septembre, et puis finalement non ! Son adjoint aux sports qui a fait tout le boulot à sa place en bravant la pluie froide et la bise de miss « Chaudanne ». Du monde bien mis pour applaudir les cadors du cyclisme régional dans « la montée de l’année », et une ambiance de fête foraine pour réussir à supporter le spectacle d’une débauche d’énergie « inutile » du point de vue d’un hammâm ou d’une centrale  électrique solaire. Un effort de deux kilomètres cinq cent. Pas un mètre de plus ! Mais sur une pente, à peu près tout le contraire d’un replat néerlandais… Ou alors un replat quand même ! Mais qu’on aurait dessiné à l’équerre pour se faire remarquer dans les cours de géométrie. C’est-à-dire qu’après un effort pareil, vous me pardonnerez aussi de ne plus trop savoir où j’en suis : Les plats, le cuisinier qui nous l’a servi, et les remontées d’estomac juste après ! Une montée… la sensation d’avoir le cœur qui fait le boulot à la place des intestins restés noués autour d’une paire de poumons complètement grillés… Une brûlure générale depuis les mollets jusqu’aux yeux en passant par le sternum et l’ensemble du système sanguin. Juste deux kilomètres et demie… Tout de même pas l’Izoard ?! Mais la mer à boire quand même, à l’allure d’une compétition aussi réputée ! Un dénivelé dont la tradition veut qu’il soit avalé en oubliant ses fondamentaux philosophiques épicuriens. Le temps de rien je vous dit ! Le chronomètre à la place du maître d’hôtel et du petit salon de réception en velours pour accueillir la belle clientèle.  Le genre d’établissement où l’on pratique le menu unique. Juste ces satanées aiguilles qui tournent toujours dans le même sens, et pas le moindre « laquais » pour faire le sale boulot sur les pédales à votre place, bon dieu de chien ! De quoi régler l’addition sans même se rendre compte du prix au sommet.

Chrono dans la Degribaldy/ Photo © JM Picard

LE CÔTÉ « J’AI TESTÉ POUR VOUS » UNE MONTÉE QU’ON NE VERRA MÊME PAS À LA TÉLÉ… ET JE VOUS JURE QUE C’EST PAS FAUTE D’AVOIR VRAIMENT TOUT ESSAYÉ !

« T’étais vraiment bien dans l’épingle… » me dit le gars qui me rappelle vaguement quelqu’un qui s’occupe un peu de sport cycliste à la télé. « Vraiment bien ! » qu’il se répète en passant la ligne d’arrivée au sommet de Chaudanne sans s’apercevoir qu’il continue de se parler à lui même au rythme d’une respiration inquiétante du point de vue du corps médical. Non ?! Si, je vous assure…  Aussi vrai que je n’y connait rien en médecine, mais qu’on a pas non plus besoin de stéthoscope pour voir que le type est carrément dans le rouge et qu’à ce train là il passera pas Noël. Non ?!… Parce qu’en plus le type picole dans le wagon du fond ?! Putain c’est moche ! Bein c’est-à-dire que le type se dit que s’il ne se lâche pas sous les boules du sapin, c’est pas au premier janvier qu’il se rattrapera avec les guirlandes enroulées autour des huîtres… « Vraiment moche ! Effectivement ». Je crois que le barman a mis « Climbing up the wall » de Radiohead à ce moment là. Une montée, face à soi même, et face à sa détresse respiratoire. Une escalade volontaire dans le déficit de matière respirable, sans parler des déchirures musculaires… Pour ma part, plus de sept minutes en apnée pour venir à bout de cet « Annapurna » bisontin. De quoi me reconvertir dans la psalmodie de mantras sur les hauteurs de l’Himalaya. Le remake de « 7 minutes au Tibet » à l’altitude de la rue Gabriel Plançon, et sans masque à oxygène.

Cette sacrée épingle au milieu du parcours au bout de laquelle le vide l’emporte enfin sur l’effet de profondeur. Le ponctum de la « Degri » aurait dit Roland Barthe. Tony fonce, Tony sort du virage à bloc les yeux vitreux, fissuré à l’endroit de la cage Thoracique, et son cerveau vidangé de sa matière principale. Quelques dizaines de mètres à peu près plats pour se remettre les idées en place (le postmodernisme dans la purée Mousseline et les problèmes de masse dans les calculs de relativité restreinte appliquée aux boites de petits pois fabriquées au Pérou). Dix petites secondes de répit intellectuel avant de reprendre le combat d’idées sur le comptoir où toute une bande de structuralistes de l’Amicale Bisontine ont pris l’habitude de nous le servir. Une pente terminale de cinq cent mètres à 8, 9 et jusqu’à 10%… le paradigme de la « Degri. » Pour rester sur le terrain philosophique de notre étrange conversation. Le dernier effort pour essayer de tirer son épingle du jeu. Comme qui dirait le largage du 3e et denier étage de la fusée avant d’en finir avec Baudelaire, Tchekhov ou Stefan Zweig restés collés sous mes roues…  Mais tu ne m’avais pas dit que tu préférais Jonathan Coe ?! Si. Jonathan Coe, Joye Carol Oates ou Philippe Sollers. Comme Nabokov ou Kundera aussi… De la littérature tirée à quatre épingles sur les rayons d’une librairie Cosmic™. Des rayons… taillés dans le carbone de la jante jusqu’à la flasque du moyeu pour dupliquer la fibre essentielle malgré tout le boucan des grandes enseignes commerciales. Des rayons, la selle et les sacoches avec. Un kit complet avec le dossard et les épingles pour accrocher le numéro au maillot. Ouais, bein t’es arrivé là mon gars !… Quoi ? La ligne… Tu l’a passé la ligne. Et en tête en plus. Alors les épingles, tu peux les rendre maintenant. John the Rider