Moins de quinze jours avant sa présentation en Conseil des ministres, la réforme de la décentralisation suscite une série de critiques jusque dans les rangs socialistes. Son report a été envisagé par certains mais refusé par le gouvernement. Voici un article de l’AFP qui met cette réforme en perspective.
Après les grandes lois décentralisatrices de 1982 et 2003, le texte qui passera le 10 avril au Conseil des ministres n’a pas, pourtant, l’ambition d’être « un acte III de la décentralisation ». « Ce n’est pas une révolution, juste une évolution », déclare la ministre Marylise Lebranchu, chargée du dossier.
Le rôle des régions et des grandes métropoles comme moteurs du développement économique des territoires y est davantage affirmé, l’importance croissante des intercommunalités, consacrée. En même temps, les communes conservent une compétence générale, synonyme du droit de s’occuper de tout ou presque, les départements la retrouvent. « C’est un projet très large, extrêmement complexe, qui couvre des tas de sujets et qui, du coup, concentre toute une série de mécontentements, pas forcément cohérents les uns par rapport aux autres », analyse Eric Giuily, l’un des pères des lois Defferre.
Le président (PS) de la région Rhône-Alpes Jean-Jack Queyranne lui « décerne un zéro pointé », y voyant le résultat « de marchandages entre les associations d’élus » aux dépens d' »une vision claire de l’action publique et de l’organisation des territoires ».
A l’inverse, André Laignel (PS), numéro deux de l’Association des maires de France (AMF), flaire « un risque de tutelle par les régions ». A la tête de la fédération ad hoc, Christian Pierret – encore un socialiste – proclame que « sans nous, les villes moyennes, il n’y a pas d’équilibre des territoires » et accuse des présidents de région de « se prendre pour des ducs ».
Le sentiment est mitigé parmi les présidents PS de départements. « Il aurait fallu pousser plus loin la logique de l’action locale. Mais c’est plutôt une marche en avant », selon Claudy Lebreton (Côtes d’Armor), président de l’Assemblée des départements de France. Pour son homologue de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, « le meccano institutionnel »est secondaire. Il se félicite que la réforme prévoie « des avancées vers plus de justice et d’égalité » à travers une redistribution plus affirmée des moyens entre collectivités. Demandant que le projet de réforme soit « profondément revu », Jean-Pierre Sueur, président (PS) de la commission des Lois au Sénat veut « des compétences clairement définies », quand l’AMF « réclame plus de souplesse dans l’organisation des compétences ».
L’esprit du texte, c’est « un pari sur la confiance de l’Etat dans les élus », explique la ministre déléguée à la décentralisation Anne-Marie Escoffier. La réforme mise sur « une négociation », assortie de pénalités financières en cas d’échec, dans des cénacles entre élus appelés Conférences territoriales de l’action publique (CPAT), pour décider de qui fait quoi (sauf pour les compétences exclusives, comme l’aide sociale pour les départements).
La réforme promet « une action publique simplifiée, plus efficace et moins chère », affirme le ministère.
Traduit par les écologistes d’EELV, cela donne « un projet a minima », insuffisant face à « un système sclérosé, à bout de souffle », dixit le coprésident des députés écolos François de Rugy.
Dans ce contexte, un responsable du PS au siège de Solférino marquait la semaine dernière sa préférence pour « mettre de côté » la réforme et mieux se concentrer sur les sujets socio-économiques.
Difficile en tout cas de « vendre » un lifting plutôt qu’une chirurgie lourde, selon M. Giuily. « L’Acte I et l’Acte II de la décentralisation portaient un message simple et fort » avec des transferts massifs de compétences de l’Etat, poursuit-il, et « l’idée directrice » est cette fois moins ambitieuse, « mieux gérer, par le dialogue avec et entre les élus ».
La fronde a conduit le président du Sénat Jean-Pierre Bel à demander à François Hollande de repousser « après l’été » le début de la discussion parlementaire, selon une lettre dont l’AFP a eu copie. Faute d’avoir eu gain de cause, il a annoncé « une concertation » avec « tous les groupes » avant le débat sénatorial, en principe prévu fin mai.
( AFP )