21 Déc

La voix et la musique envoûtante de Lindçay Love à Toulouse

Une voix grave très belle, des guitares qui montrent les voies, Lindçay Love sort un premier EP en solo après une aventure en groupe. Elle n’est pas encore très connue mais son univers dark envoûtant et des ballades folk-blues très bien écrites devraient lui permettre de trouver son public.

Du noir aux bleus très profonds, la pochette de son premier EP « Chasing Light » fait penser aux sombres couleurs de David Lynch ou Jim Jarmusch pour les lumières. Côté son : du rock blues, folk un peu Chris Isaak et Alain Bashung (« Bleu Pétrole »).

Imaginary Romance : sensualité, pulsions et émotion

Dès les premières images du clip, sensualité et mystère sont au rendez-vous. Cette vidéo à l’atmosphère sensuelle et onirique a été tournée à Tepoztlán, dans les montagnes magiques du Mexique. Elle captive direct.

Des trémolos égrainés à la guitare électrique, une rythmique à la guitare acoustique, on ne sait pas trop à quoi s’attendre. « Imaginary Romance », la voix arrive, ajoutant du mystère, de la noirceur et de la beauté dans les graves. Une voix basse explorée sous toutes les coutures, une profondeur des tessitures assez rare en France. Et dans ce côté sombre caverneux, les lumières s’infiltrent. On sent que Lindçay aime jouer avec, suggérer, faire naître l’émotion, l’obsession parfois. Tout ceci fait penser à plusieurs morceaux du dernier album de Bashung.

Le clip réalisé au Mexique par Léa Soler joue sur ces atmosphères mystérieuses et envoûtantes. Dans une interview à Phenixwebzine, elle explique son attachement à ce pays. « J’y suis allée pour la première fois en 2009, j’en suis tombée profondément amoureuse, j’y suis donc retournée presque chaque année. C’est un pays très fort, mystique, puissant. Plein de contrastes, et d’une grande beauté́. J’y ai plusieurs de mes meilleurs amis, dont Léa qui a réalisé́ plusieurs de mes clips. Le Mexique est dans mon cœur, je rêve souvent que je suis là- bas ». 

Lindçay Love – Imaginary Romance

L’Occitanie, les voyages, Aretha Franklin, Lana del Rey et November Ultra

Lindçay est née à Nîmes d’une mère française et d’un père pakistanais. Elle voyage beaucoup et ses oreilles aussi : Maria Carey, Céline Dion, Juliette Armanet mais encore Agnès Obel, Aretha Franklin, Leonard Cohen ou sa dernière trouvaille : November Ultra. Un morceau ouaté à écouter en boucle pour adoucir les journées rugueuses.

November Ultra – Soft & Tender

D’où la richesse de ses univers musicaux dark folk rock blues nourries au road-trip. Elle apprend l’anglais toute seule dès 8 ans en traduisant des chansons. Aujourd’hui sa couleur musicale va de pair avec la langue anglaise qu’elle maîtrise vocalement.

A Toulouse, elle suit pendant trois ans des études d’anthropologie. Elle découvre aussi la photographie, la poésie, une curiosité au naturel nourrie par les voyages. Assez timide, elle finit par se faire confiance et se lance pour vivre sa passion. Elle reste 7 ans au sein d’un groupe blues-rock des années 50 : Jerry Khan Bangers. Chanteuse autodidacte, elle prend des cours de chant Jazz et Tzigane à Music’Halles (Toulouse). Après avoir sillonné différentes scènes -dont une apparition au Montreux Jazz Festival en 2016- elle quitte son groupe en 2019 pour son projet solo. Mais elle garde certains musiciens pour son premier EP. 

Lindçay Love © Théo Berchet

Chasing Light

Son premier EP « Chasing Lignt » (une référence à la photographie) regroupe 4 morceaux. Telle une photo argentique, elle développe son univers dans le noir, crée des fissures où se glissent la lumière. Une réalisation impeccable signée une fois de plus par le toulousain Serge Faubert. 4 titres à la fois de la même veine, mais avec un sang intérieur différent. Il y a déjà beaucoup d’assurance dans la voix, des certitudes aussi sur une vraie personnalité artistique.

Les références musicales restent les mêmes (ballades folk, rock, soul), sa voix qui creuse dans les graves prend parfois un peu de hauteur, comme dans le titre « Fear », un hymne à l’espoir. Tout coule parfaitement, travaillé aux guitares aux sonorités « classiques » qui rappellent les grands espaces de certains artistes américains comme Chris Isaak ou Ry Cooder. 

Ensuite, sa voix fait la différence. Tout est chanté intelligemment, sans maniérisme, avec souplesse, pour une osmose quasi parfaite entre le chant et la musique. Simple, efficace, touchant, une vraie personnalité musicale, tout ceci donne envie d’en connaître plus sur Lindçay. Hâte de découvrir davantage cette artiste prometteuse. 

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EP CHASING LIGHT

Benoît Roux

20 Déc

La vidéo du jour : le Live Session de RoSaWay

Extrait de leur second EP, la vidéo de « Dreamer » en live par le groupe RosaWay. Filmée dans de très bonnes conditions à L’Oreille Cassée, en partenariat avec « Du SON dans mon SALON ». L’occasion de découvrir tous les talents musicaux de Rachel Ombredane et Stéphane Avellaneda. 

RoSaWay @AUDREY+WANDY

C’est une découverte récente. Un jeune groupe émergent, même si ces 2 artistes sont dans la musique depuis belle lurette. De l’électro pop élégante, riche, encore plus prenante en live.

Le duo est donc allé enregistrer ce morceau à la MJC L’Oreille Cassée en banlieue parisienne, grâce aux moyens de la structure « Du SON dans mon SALON », un programme court de découvertes musicales que l’on retrouve ensuite sur les TV, Radios, Web. 

RoSaWay – Dreamer Live Session


Une version à la fois proche de l’EP mais avec le groove et la batterie de Stéphane plus présents et la voix encore plus souple et expressive de Rachel. Un titre tout aussi efficace que le premier single « On Your way Up », roulements de caisse claire sonnants et flûte aux épices sauvages et exotiques. Une chanson écrite dans les bouchons de Los Angeles qui évoque les envies d’ailleurs, un nouveau destin, une aventure… Une vie en mode robot, répétitive, empreinte de solitude qui n’est pas sans évoquer certaines situations actuelles.

Quoi qu’il en soit, cette vidéo rappelle quelques évidences : la complicité des deux artistes, l’originalité de leurs univers musicaux, leur aisance et leur plaisir dans le live.

FACEBOOK ROSAWAY

DU SON DANS MON SALON

L’OREILLE CASSÉE

Benoît Roux

17 Déc

Roselyne Bachelot a du mal à convaincre les acteurs de la culture sur France Inter

Roselyne Bachelot était l’invitée de Léa Salamé et Nicolas Demorand sur France Inter ce jeudi matin. La question n’est pas la sincérité des propos mais les actions qui suivront. Durant cette interview, plusieurs acteurs culturels se sont exprimés et quelques annonces ont été faites.

Olivier Veran, Barbara Pompili et Roselyne Bachelot ministre de la Culture a la sortie du conseil des ministre le 16 décembre 2020 ©Sebastien Muylaert/MAXPPP

Ca a été un crève-cœur épouvantable de prendre cette décision, de trouver les mots devant tant de souffrance

Lors du grand entretien de France Inter, la Ministre a fait preuve de compassion. Mais le monde de la culture attend des mesures. Que faut-il retenir de son intervention sur la radio publique?

  • « Nous sommes en guerre » et l’esprit de résistance

Plusieurs auditeurs de France Inter en appellent à l’esprit de résistance vu que « nous sommes en guerre » selon la terminologie présidentielle. Dans le Tarn, la Scène Nationale d’Albi sera ouverte ce jeudi pendant 2 H pour accueillir du public. « Ce n’est pas un geste de désobéissance mais de résistance » selon sa directrice Martine Legrand qui a publié une lettre pour alerter sur la situation catastrophique que traverse le spectacle vivant. « Je comprends ce geste mais j’en appelle à la prudence », répond la Ministre.

Le directeur du Théâtre de la Closerie en Bourgogne Gérard André a interpelé en direct la ministre « Je ne suis pas absolument pas convaincu par votre intervention… Vous être en train de vendre la culture aux sites internet! »

Les artistes veulent travailler sur scène, Madame. Pas en streaming!

  • Les plateformes de streaming vont payer

C’est l’annonce principale de la Ministre ce matin. Des négociations ont eu lieu entre les professionnels du cinéma, les plateformes de streaming et l’audiovisuel. « Nous avons abouti à un accord qui vient d’être transmis à Bruxelles! ». Résultat : le géant Netflix par exemple va débourser environ 150 M € par an pour outenir la création.

  • Pourquoi les églises sont ouvertes et pas les salles de spectacle?

Si les églises sont aujourd’hui ouvertes, c’est une décision du Conseil d’Etat sur le principe de la liberté de culte. C’est un droit constitutionnel.

Les professionnels du cinéma et du théâtre ont saisi le même Conseil d’Etat pour demander une réouverture des salles. C’est une procédure en « référé liberté ». Une décision est attendue sous 48H. La Ministre apporte  une précision : « Je n’ai pas à en juger. Mais si la décision était favorable, les salles resteraient soumises au couvre-feu à partir de 20H. » 

  • Les cinémas ont perdu 1 Milliard avec la crise. Quelles sont les aides?

« Moi j’ai fait le bilan, nous avons apporté 1,1 milliard d’aides au monde du cinéma et de l’audiovisuel », répond Roselyne Bachelot. « Il y a aussi 535 millions d’euros de prêt garanti par l’Etat, 400 millions d’euros de mesures fiscales. On a été à leurs côtés pour surmonter cette crise ! »

  • Sur la définition de « Commerce essentiel » et sur des réouvertures « sur mesure »

« C’est une définition purement administrative s’insurge la Ministre. Évidemment que la culture est essentielle, elle est au cœur du projet politique français et ça dépasse même les clivages politiques. Y’a pas un pays qui fait autant pour les artistes !  » Roselyne Bachelot répondait ainsi au fait que dans d’autres pays, les lieux culturels sont restés ouverts. En Belgique, en Irlande par exemple, mais aussi en fonction des régions en Espagne ou au Portugal. Il y a 2 jours, la comédienne Jeanne Bélibar avait clamé son incompréhension sur la même antenne : « Je m’envole tout à l’heure pour aller jouer au Portugal, un pays qui n’a jamais fermé ni ses cinémas, ni ses théâtres, ni ses musées, ni même ses restaurants depuis le 1er juin ». Il faut tout de même préciser qu’au Portugal le nombre de morts de la Covid y a été multiplié par six entre le 1er juin et aujourd’hui. 

Mais pourquoi pas faire du sur mesure en France ? « On y travaille mais attention sur les mesures géographiques. Un secteur protégé aujourd’hui peut devenir à risque. Il faut éviter le stop and go. Rouvrir pour refermer quelques semaines plus tard serait dramatique pour les artistes. Et les situations sanitaires peuvent évoluer très vite ».

  • Réouverture le 7 janvier 2021?

La ministre de la Culture est restée plus que prudente quant à une hypothétique réouverture des lieux culturels le 7 janvier. Cette date est une simple « clause de revoyure » pour savoir si les conditions sanitaires sont suffisamment bonnes pour autoriser ou non les cinémas, théâtres et musées à accueillir à nouveau du public.

ECOUTER ROSELYNE BACHELOT SUR FRANCE INTER

Benoît Roux

16 Déc

Furax Barbarossa en direct du Bikini à Toulouse ce soir

Le rappeur toulousain Furax Barbarossa sera sur la scène du Bikini de Toulouse ce mercredi 16 décembre 2020 et en direct sur sa chaîne Youtube dès 21H. Le troisième épisode de son Digital Tour entamé le 25 novembre. Le feu sur scène et sur les réseaux pour réchauffer une période un peu refroidie.

Furax Barbararossa & 10Vers à l’isolement au Bikini

Ses freestyles ont animé les réseaux sociaux dès le premier confinement. « On a commencé sur un projet de disque dénommé « A l’isolement ». Nous avons eu d’énormes retours. Furax Barbarossa a été très soutenu par son public. Nous avions envie de recommencer sur cette lancée ». Gaël Duveau son producteur du label toulousain «  »Jardins Noirs » retrouve des couleurs. A défaut de public dans la salle mythique du Bikini de Toulouse, les fans pourront suivre la performance en direct depuis Youtube. Première éclaircie le 25 novembre dernier avec un concert filmé depuis le studio Rimshot. 

Furax barbarossa – Digital Tour#1

Ce nouveau rendez-vous au Bikini permet de mettre à l’honneur une partie de la discographie du membre de la Bastard Prod. Une série de concerts en digital poursuivie le 2 décembre avec son complice MC 10Vers, retransmis en live gratuitement, une démarche 100% Hip-Hop, qui permet de sortir un temps de l’isolement grisant. « C’est l’opportunité de créer de l’actualité culturelle. C’est un artiste qui fait beaucoup de scène. C’était l’occasion pour lui d’en refaire et de retrouver indirectement du public. » L’artiste en tous cas prévoit des surprise pour ce feu d’artifice final du Digital tour. Dans une interview à La Dépêche, il envoie le flow : : « Je ne veux pas trop en dire. J’ai envie que ce soit le bouquet final de ce Digital Tour. Je veux envoyer une gifle. Comparé aux deux concerts précédents, c’est un autre niveau. Visuellement, mon public va être choqué. Musicalement, ça sera la même chose. c’est une rétrospective de ma carrière. Il se peut que certains invités surprises soient à mes côtés… »

SUJET FRANCE 3 OCCITANIE S. Pointaire C. Romain S. Fabre


Ce sera le premier concert du Digital tour sur une scène.

Quand le Digital devient tendance

La culture étant toujours confinée, les mondes artistique et économique doivent s’adapter. C’est ainsi que les projets fleurissent. Après les lives confinés de l’épisode 1 désormais oubliés, place aux concerts en live stream. Le français Dazzle a lancé sa plateforme de streaming payante pour certains concerts et gratuite pour d’autres dont le premier d’Alicia Keys. A Toulouse, c’est carrément une plateforme vidéo dédiée à la musique qui se met en placeSon nom : « Allive ». Ce nouveau venu sera dédié principalement aux artistes indépendants et émergents. Un modèle équitable pour redistribuer les recettes générées par des abonnements mensuels qui coûteront moins de 5€ et moins de 50€ pour un an. Le lancement est prévu dès janvier. 

L’ancien monde n’est heureusement pas encore mort mais le nouveau se prépare. « Je suis sûr que ça va prendre de l’ampleur, déclare Gaël Duveau, le producteur de Furax Barbaroosa. Il faut trouver le bon moyen de le faire. Le public est prêt. Je sais que dans le milieu de l’opéra certains réfléchissent à ce nouveau procédé. Ca va permettre à des gens de s’intéresser plus facilement à des domaines où ils n’avaient pas la possibilité d’aller. « 

Pas si facile. Mais en tous cas, il devient vital d’inventer de nouveaux modèles.

DIGITAL TOUR #3 Mercredi 16 décembre 21H depuis le Bikini

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Benoît Roux

15 Déc

L’électro pop élégante de RoSaWay

Un moment se poser et se laisser surprendre. L’alliance de Rachel (voix soul et flûte traversière) avec SteF (batterie blues et sons électro). A l’écoute de RoSaWay, c’est la fraîcheur et l’inventivité qui dominent. Une pop métissée au clin d’œil vintage, un deuxième EP « Dreamer » qui symbolise bien leur audace.

Rachel + SteF © Audrey + Wandy

Qu’irait donc faire une flûte traversière avec une batterie blues-jazz sur les sentiers parfois trop prévisibles de la musique ? C’est toute l’originalité de ce duo venu de la région parisienne. RoSaWay a éclot en 2017, d’une union improbable entre la chanteuse et musicienne Rachel et la batterie énergique, nervée de blues, de SteF. Un petit côté kitsch assumé et une modernité bien ancrée. Ils viennent de sortir leur second EP « Dreamer » qui confirme le travail original et approfondi de ce duo haut en couleurs.

« On Your Way Up » premier single très singulier

Etre artiste, c’est avoir son propre univers, une personnalité très marquée dans sa vie, taillée aussi dans l’art. Dans ce groupe, l’élégance est frappante. Des tenues, des postures raffinées qui ne sont pas que vestimentaires. Leur musique est aussi très colorée et sophistiquée. Du sur-mesure ou rien n’est forcé, ni trop grand, ni superflu. Il y a juste ce qu’il faut.

« On your way up » a été écrite pendant le premier confinement. Le titre raconte les errances, les hauts, les bas, les coups durs qui vous scotchent, les petits bonheurs qui rendent léger. Le clip donne un petit côté road trip (en DS s’il vous plaît!) à 2 artistes qui se cherchent mais qui se sont parfaitement trouvés. Une ascension et des retombées coulées dans l’esthétisme, une chorégraphie embellie par Audrey + Wandy.

RoSaWay – On Your Way Up

La haute couture artistique

RoSaWay c’est aller loin dans l’exigence artistique. Dans leur musique, on sent tout d’abord 2 très bons musiciens. Flûte traversière et batterie,quelle drôle d’aventure et pourtant, ça fonctionne parfaitement avec des pointes electro. Les sons, la dextérité, l’utilisation que fait Rachel de cet instrument pour installer des univers est assez surprenante. Même recherche pour SteF qui a beaucoup vécu aux States. Les Drummies Awards l’ont classé dans le Top 5 des batteurs mondiaux (catégorie blues). Son toucher, la variété de sons et la richesse des rythmes tranchent beaucoup avec le côté mécanique d’autres musiciens. Il y a un son SteF et surtout une créativité vivifiée par le plaisir de jouer.

Une maîtrise technique qui ne vire pas à la démonstration, mais qui va juste à l’essentiel. La voix de Rachel est à la fois douce et puissante mais elle recherche la sobriété et l’efficacité, l’expression du son. Idem pour la batterie. Ce n’est pas la technicité qui prime mais comment créer l’osmose entre la voix et les sons qui gravitent autour. L’exemple parfait dans cette session réalisée à la maison, où la complicité humaine et musicale sonnent comme une évidence.


Les 5 titres de leur EP sorti en octobre prouvent la richesse de leur créativité. Une pop électro, influencée par le jazz, la soul music, le blues… Un côté très New Orleans aussi, la musique qu’ils aiment. Les 2 derniers titres s’enchaînent avec une rythmique très forte portée par 4 batteurs en feu. Mention spéciale sur cet EP éclectique et réussi pour le titre « Dreamer », entêtant et imparable.

RoSaWay – Dreamer

Signé par le label américain « Infinity Gritty », le duo RosaWay est assurément un groupe à suivre. C’est frais, élégant, ça sonne. Juste le plaisir de l’écoute.

Benoît Roux

ROSAWAY

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11 Déc

Gainsbourg, Daho, décryptage du dernier album de Jane Birkin

Jane Birkin n’avait plus sorti de disque depuis 2008. Grâce à Etienne Daho, elle renaît aujourd’hui artistiquement avec l’album Oh ! Pardon tu dormais… Tous les ingrédients de son mentor Gainsbourg sont là : orchestre classique, pop élégante, voix parlée chantée, clins d’œil à l’album mythique Melody Nelson. Décryptage d’une très bonne surprise discographique.

Jane Birkin et sa fille Kate Barry en 1982 lors du défilé Lanvin ©Tony Hage via MAXPPP

De l’aveu même de son co-auteur Etienne Daho, ce nouvel opus devait être un GRAND Jane Birkin. A l’écoute des 13 chansons, on peut le confirmer. A la fois respectueux de l’univers Gainsbourien, Daho réussit a redonner confiance à la chanteuse. Un disque noir -qui évoque entr’autres la perte de sa fille Kate en 2013- sincère et artistiquement très riche.

L’histoire de ce disque

Oh ! Pardon tu dormais… » c’est tout d’abord une fiction que Jane Birkin a réalisé pour Arte en 1992 , un téléfilm qui deviendra plus tard une pièce de théâtre. Plusieurs soirs, Etienne Daho est dans la salle. Il est séduit par les mots de Jane, sa sincérité.

Daho/Birkin, l’alliance paraît naturelle et artistiquement bénéfique. Etienne et Jane se connaissent depuis des années. Ils se rencontrent en 1986 sur une émission des Carpentier. Sur le premier album post Gainsbourg de l’artiste, on retrouve L’autre moi signé Daho. A plusieurs reprises, ils chantent en duo sur les titres de Serge. Le chanteur n’a pas besoin de changer de nature pour endosser le costume de l’Homme à la tête de choux tant les univers musicaux sont relativement proches. Daho connaît bien aussi Lou Doillon (l’autre fille de Jane). Il avait produit son premier album Places en 2012, un an avant la mort de sa sœur : la photographe Kate Barry. Daho était sans doute l’artiste idéal pour redonner confiance, traduire en paroles et musique le deuil d’un enfant, transformer le noir profond en gris plus clair.

La petite histoire retiendra que cet album sort 7 ans jour pour jour après la mort de Kate, 3 jours avant le 74ème anniversaire de Jane. 

Des nombreux clins d’œil

Le disque commence par quelques notes de piano identiques à celles de Heures Hindoues de Daho. Auto-citation discrète, mais pour le reste, c’est bien les citations et l’univers musical de Gainsbourg que l’on retrouve dans Oh! Pardon tu dormais. Etienne Daho va d’ailleurs à l’essentiel : les disques Melody Nelson et à un degré moindre L’Homme à tête de chou, 2 purs joyaux de la production de la maison Gainsbourg.

Jane Birkin – Oh! Pardon Tu Dormais

Daho et son complice Jean-Louis Piérot respectent parfaitement l’esprit et les arrangements de ceux qui les ont précédés : Michel Colombier, Jean-Claude Vannier, Philippe Lerichomme. Gainsbourg, c’est du classique classieux. Les producteurs ont fait fait appel à l’Orchestre National d’Ile de France et Les Petits Chanteurs d’Asnières pour des chœurs amples et aériens.

Le premier titre Oh! Pardon tu dormais est une chanson duo avec Daho avec des répliques à la Melody Nelson. L’un des deux titres en hommage à sa fille Cigarettes sonne piano déglingué à la Kurt Weil que l’on retrouve dans Elisa de Gainsbourg, une rythmique proche aussi de Nicotine. Le premier single Jeux interdits est une référence cinématographique chère à Gainsbourg, sur une rythmique Di Doo Dah.

 Jane Birkin – Les Jeux Interdits

Moins flagrants mais bien présents, les références à son premier mari, le compositeur John Barry. Déjà dans le titre Oh ! Pardon tu dormais… qui parle de cette période où elle passait son temps à l’attendre, en essayant d’attirer son attention. On retrouve dans l’album aussi du cymbalum, instrument cher au compositeur anglais que l’on entend dans Amicalement vôtre. Beaucoup de compositions aussi installent une atmosphère pesante à la James Bond.

Evidemment, Daho n’est pas en reste. On sent bien sa patte notamment dans certaines rythmiques comme sur le très beau titre Pas d’accord dont il est le compositeur. Très Gainsbourien dans le titre et le début puis très Daho avec le rythme de Philippe Entressangle qui est aussi son batteur.

Dans cet album, Birkin se livre sur des maux profonds, sans les mots de Gainsbourg, avec une sincérité et presque une impudeur désarmante. On la sent beaucoup plus à l’aise sur les titres en anglais comme le magnifique Ghosts, tous ces fantômes qui traînent encore et qui l’habitent toujours. Avec même un petit air de cornemuse sur A Marée Haute. Oui, son « vieux pays » comme elle dit, est toujours là.

La mélancolie magnifiée

Un retour, des choses personnelles, le deuil, cet album avait de quoi rendre sceptique même les fans de la galaxie Gainsbourg. Il s’avère être une très bonne surprise. Les 13 titres ne sont pas égaux et certains sont sans doute moins indispensables. N’empêche que ce disque tient la route avec des chansons de haute volée comme Max, Ghosts, Ta Sentinelle qui raconte le coup de foudre qui ne dure pas ou encore A Marée Haute avec une pop à l’image de Gainsbourg et Daho : élégante et sophistiquée.

Jane Birkin – Ta Sentinelle

A la fois fidèle à la production de l’artiste, mais parfois déroutant comme sur le titre Cigarettes, rythme entrainant pour évoquer le deuil, une voix qui cherche moins les aigus… Les surprises ne manquent pas et l’infidélité fait parfois du bien. Mention aussi à Jean-Louis Piérot qui a élaboré ce disque avec Daho dans les arrangements et les compositions. Le fondateur des Max Valentin avec Edith Fambuena (autre complice de Daho) signe plusieurs mélodies et arrangements remarquables comme Ta Sentinelle ou le titre qui clôt l’album Catch Me If You Can.

Jane Birkin – Catch Me If You Can

Oh! Pardon tu dormais compte parmi les très bonnes productions et les heureuses surprises de cette année sinistrée. La culture -comme Jane Birkin- sont dans le noir. Etienne Daho, Jean-Louis Piérot et Jane Birkin ont réussi le pari de mettre au clair cette mélancolie profonde. Un noir magnifié, artistique et élégant. Si le miracle se poursuit, Jane Birkin sera en résidence en mars prochain avant une tournée en avril. Resurrection for everybody .

ECOUTER Jane Birkin

Benoît Roux 

 

06 Déc

Yous MC et OZ, 2 rappeurs toulousains en live Facebook

Yous MC et OZ sont 2 rappeurs multi-influences empreints de poésie. Ils seront ce dimanche 6 décembre en concert livestream depuis la Médiathèque José Cabanis de Toulouse. C’est le webzine musical Opus qui co-organise ces parenthèses acoustiques.

Yous MC et Oz en concert live Facebook Photos : Remy Sirieix

C’est la 9ème édition des Parenthèses Acoustiques. D’habitude, c’est en public à la médiathèque José Cabanis de Toulouse. Ce dimanche 6 décembre 2020, ce sera la première parenthèse en live Facebook et Youtube. Le webzine musical toulousain Opus espère bien que ce sera l’unique parenthèse sans public dans la salle.

Les Parenthèses acoustiques

« Dans les Parenthèses Acoustiques, on cherche à valoriser des esthétiques musicales différentes. Ce serait facile de ne faire jouer que des projets folk. » Remy Sirieix veut promouvoir les jeunes pousses du terreau musical toulousain. Il a créé le Webzine musical Opus qui se décline désormais en « Focus d’Opus », un magazine mensuel vidéo.

Même esprit pour ces parenthèses musicales organisées avec Bibam qui assure la captation live et Nuance Records qui s’occupe du son. Ces deux entreprises sont spécialisée dans les captations pour les acteurs culturels. Nuance Records dispose d’un studio d’enregistrement mobile. Chaque artiste se produit environ 40 minutes. S’en suit une interview d’un quart d’heure des 2 artistes puis le set du second invité. Tout ceci sera filmé en direct et diffusé sur la page Facebook d’Opus Musiques, Bibam et les sites Facebook et Youtube de la Médiathèque José Cabanis. Rendez-vous ce dimanche 6 décembre à 15h pour profiter du live acoustique de Yous Mc et d’ OZ en direct ou en replay plus tard.

Yous MC et OZ : du rap poétique en live

OZ sera le premier à chauffer le micro. Derrière ces 2 lettres, Tristan, un magicien des sons révélé sous le nom d’OZ. déjà présenté sur ce blog.  « Dans mon métier, on m’a souvent fait comprendre que j’étais un provincial et qu’il fallait gommer mon accent, que l’on ne pouvait réussir qu’à Paris. Quand j’ai vu que KDD ou Bigflo & Oli pouvaient réussir dans d’autres conditions, ils m’ont donné un idéal. Je me suis dit que nous avions le droit d’y arriver ici. » Du rap aux multiples influences, mélodique, des sons qu’il crée lui mêmes, OZ a abandonné les starts-up et l’ingénierie pour vivre de sa passion.

OZ – J’sais pas

Yous MC est un peu de la même veine. Dans le webzine Opus, il se confiait : « Je suis un peu à part dans la musique, je suis un rappeur qui parle d’animaux et pas de benz, j’ai un imaginaire tout autre et beaucoup moins violent au final. J’ai une approche plus poétique et naturelle. Et à part par mes origines et là où j’ai grandi. Je navigue entre plusieurs eaux, campagne et street, très France mais en même temps bled, ca navigue constamment. »
Son rap est effectivement très imaginaire, on y croise souvent l’éléphant et d’autres animaux. Comme OZ, il se nourrit de multiples influences : soul, rap, hip hop et son écriture est très aiguisée.

Al’Tarba x Yous MC – Animal Etranger

« On a toujours voulu amener des projets hip hop… Dans la recherche de projets qui marcheraient en acoustique, ces 2 noms sont arrivés comme des évidences. Parce que leur rap est déjà très musical, porté par des instruments. Parce que leurs univers sont portés par une poésie qui peut créer une belle magie en acoustique, » déclare Remy Sirieix. Cet après-midi ce sera encore le cas. Une belle parenthèse pour faire oublier un temps aux artistes et aux mélomanes la difficile période que nous vivons.

OPUS

BIBAM

MEDIATHEQUE JOSE CABANIS

Benoît Roux

 

04 Déc

Le nouveau clip de Miegeville, le peintre des mots de Toulouse

Un univers pop teinté d’électro, la voix belle et prenante, le toulousain Miegeville revient avec le clip « La baleine bleue » réalisé par Mathieu Laciak. Un clip épuré, contemplatif, organique qui sert parfaitement cet artiste qui vient du hard-rock mais qui se pose désormais dans des univers plus feutrés. Pour la beauté des mots.

© Lionel Pesqué

L’album Est Ouest est sorti en novembre 2019. Miegeville vient de mettre en ligne un clip pour le troisième extrait « la baleine bleue ».

La baleine a des bleus à l’âme

A l’écoute de ce titre comme des autres, on a du mal à croire que cet artiste vient du rock tendance dure et de choses bien plus noires. Musicalement, ça sonne pop électro sophistiqué et travaillé. Il y a la force des mots, poétiques, sculptés, peints avec minutie et servis par cette voix tellement expressive et envoûtante. D’allitérations en assonances, son univers accroche et transporte.

Je ne voudrais redire ce que j’ai dit ce jour

Je voudrais l’empailler tel un beau cervidé

Sous verres dans un musée, voir mon cerveau vidé

Des souvenirs, de tout, vidé des mots d’amour

« Je suis au Muséum d’Histoires Naturelles. Au moment de l’écriture de ce texte, je suis isolé. Seul et sans armure. Je traîne parmi les animaux empaillés et tente de donner le change pour ne pas ternir le sourire de l’enfant à qui je tiens la main. Je vois tous ces animaux avec leur carapace, leur fourrure, leurs plumes… Un seul n’a plus rien. C’est le squelette de la baleine bleue. C’est ma sœur adoptive Candice Pellmont qui a voulu mettre ce texte en musique, c’est pour cela que nous le chantons ensemble. »

Miegeville – La Baleine Bleue

« La Baleine bleue » est réalisé par Mathieu Laciak, un autre toulousain lui même pianiste/claviériste, ingénieur du son, compositeur et arrangeur. Un tableau de peintre en noir et blanc, des mains qui se mouvent et les couleurs en alerte : le rouge alarme et le bleu apaisé. Tel Picasso, l’homme a ses périodes. Un travail graphique et esthétique très intéressant. 

L’album Est Ouest

Au delà de ce titre, Miegeville baigne toujours dans un univers intéressant. Pour preuve l’album « Est Ouest » qui occupe bien l’espace musical. L’émotion est souvent là, les textes sont beau et la voix enveloppante. Matthieu Miegeville écrit aussi des livres. On sent la passion des mots, les résonances qu’ils peuvent avoir, l’émotion et le sens qu’ils dégagent. Sur ce disque, on ressent aussi le travail du son. La réalisation est signée Serge Faubert, lui même artiste et féru de son. Il a œuvré auprès de Kidwise ou encore After Marianne. Les musiciens sont de la même veine : Arnaud Barat (guitare piano), Stéphane Mourgues et Baptiste Bertrand (machines, Olivier Castellat (le guitariste de Shaken Soda) et Candice Pellmont la chanteuse du groupe Winnipeg qui partage 2 titres sur cet album.

La poésie, le doute, la déchirure, le temps qui fuit, les mots qui claquent. Les musiciens qui explorent l’espace. Les sons qui se fondent et la voix presque slamée sur ce très beau titre.

Miegeville – Longue nuit

Tout est parfaitement maîtrisé et en osmose. Un côté Nick Cave pour l’émotion, Gaëtan Roussel pour la diction et les mélodies imparables, Alain Bashung et Dominique A pour l’interprétation, Miegeville navigue dans des eaux porteuses. Le flot des mots, une vague d’univers sonores. Chaque morceau est une découverte.

SITE MIEGEVILLE

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Benoît Roux

01 Déc

Anne Sylvestre : 5 chansons et beaucoup d’engagements

Les chansons d’Anne Sylvestre décédée le 30 novembre 2020 ont fait grandir beaucoup d’enfants. Celles pour adultes n’ont pas eu une écoute à la hauteur de leur qualité. Celle que l’on compare souvent à Brassens pour le côté guitare-chant était bien plus engagée que lui. Exemple avec 5 chansons qui ont la puissance d’un hymne.

PHOTOPQR/OUEST FRANCE/MAXPPP

Lorsqu’elle débute sa carrière à la fin des années 50, Anne Sylvestre écrit, compose et interprète ses chansons. Ce qui était alors plus que rare pour une femme. Elle se produit à la fin des années 1950 dans des cabarets parisiens de la rive gauche, comme au Trois Baudets, où l’on croise aussi Bécaud, Perret, Ferré. Son premier disque, Mon mari est parti, sort en 1959. Pacifiste, en pleine guerre d’Algérie, elle conte dans cette chanson le désespoir d’une jeune femme qui espère le retour de son homme. 

En 68, elle interprète pourtant la « Chanson dégagée ». Une formulation qui rappelle une citation et l’esprit de Daniel Balavoine : « Je ne suis pas un artiste engagé; je suis un artiste dégagé. »

Y en a qui voudraient que je porte
Une oriflamme ou un couteau
Que je crie et que je m’emporte
Mais faudrait qu’ils se lèvent tôt
Il y a quinze ans et des poussières
Peut-être je leur aurais plu
J’ai pleuré pour ma vie entière
Maintenant je ne pleure plus

Un an avant la loi Veil sur l’avortement, elle chante « Non, tu n’as pas de nom ». Beaucoup y verront une chanson pour défendre l’avortement. « Ce n’était pas une chanson sur l’avortement mais une chanson sur l’enfant ou le non-enfant »,  a toujours précisé Anne Sylvestre. Un engagement sans faille pour les femmes avec de la « politique poétique » comme le dit Jeanne Cherhal.

« Comme une sorcière » parait en 1975. C’est devenu l’hymne féministe de plusieurs générations, une chanson qui parle aussi aux hommes. « Vous m’avez aimé servante / M’avez voulue ignorante / Forte, vous me combattiez / Faible, vous me méprisiez  » La destinée des femmes pendant des décennies, du militantisme qui n’oublie pas la finesse.

« Ecrire pour ne pas mourir » pourrait symboliser une carrière riche de 600 chansons. En 1978, il y aura « Douce maison » sur le viol, puis « Pas difficile » sur la misère, la magnifique  » Roméo et Judith » contre l’anti-sémistisme et « Les gens qui doutent ». Un hymne aux gens simples, à ceux qui passent « pour des cons » comme elle disait. « J’aime les gens qui n’osent / S’approprier les choses / Encore moins les gens / Ceux qui veulent bien n’être / Qu’une simple fenêtre / Pour les yeux des enfants  »

Une chanson devenue presque un étendard pour la nouvelle génération de la chanson française. Reprise par Vincent Delerm, Jeanne Cherhal, Albin de la Simone.

Il faudrait évoquer aussi la guerre avec la « Berceuse de Bagdad », « La faute à Eve » qui dénonce  la misogynie du christianisme et bien sûr la petite dernière : « Gay, marions-nous » en 2007. Un engagement joyeux et décontracté avec une femme qui demande à sa voisine de l’épouser.

« On voulait que les femmes parlent mais on ne les écoutait pas » déclarait il y a peu Anne Sylvestre en évoquant le mouvement MeToo. Aujourd’hui, les hommages pleuvent et on découvre qu’il y a beaucoup à écouter derrière les « Fabulettes » pour enfant.

Anne Sylvestre a écrit, composé, interprété ses œuvres. Elle a aussi créé sa propre maison de disque.

Écrire pour ne pas mourir
Écrire sagesse ou délire
Écrire pour tenter de dire
Dire tout ce qui m’a blessée

Une vie d’engagements ,d’indépendance et d’humanité profonde. Anne Sylvestre a beaucoup écrit et ses chansons vivront longtemps. 

Bonus track

Anne Sylvestre c’était aussi l’esprit et l’humour. Exemple avec cette très drôle « Lettre ouverte à Elise ». Après ça, Ludwig van Beethoven ne doit plus être sourd. Mémorable.

Benoît Roux

29 Nov

A Toulouse, une chanteuse veut montrer les voies de la voix

Audrey Marchal est une chanteuse lyrique qui vit à Toulouse. Elle est aussi coach vocal et conseillère de prise de parole en public. La voix c’est un tout, le reflet de l’âme. Elle souhaite explorer les différentes voies de la voix qui mènent à la confiance en soi.

Audrey Marchal © Chrisô

Son vœux le plus cher : se sentir utile. Ses moteurs : la curiosité, l’échange, le mouvement. Le chant lyrique est une passion comme une autre, presque un hasard dans son parcours humain et artistique. Rencontre.

De l’opéra à Science-Po en passant par Nathalie Dessay

Elle n’a que 14 ans lorsqu’elle devient pro du chant pour des chœurs d’enfants, puis des solos à l’opéra. « Je n’avais pas envisagé de partir sur la musique. C’était juste le plaisir de chanter. Un peu de pratique du piano aussi. J’étais programmée pour des études universitaires scientifiques ou une école de commerce pour devenir chef d’entreprise ou diplomate. » Une terminale au lycée Fermat à Toulouse et déjà le conservatoire pour des cours de chant. Sa professeur lui explique que le chant n’est pas compatible avec une classe préparatoire qui demande beaucoup trop de temps. Il va falloir choisir. Et ce sera… Sciences Po.

Elle est reçue en 2003. Le côté multidisciplinaire lui plaît. Les 2 domaines ne sont pas si éloignés que ça, elle y trouve des interconnections. En 3ème année, une convention doit être signée entre le conservatoire et l’Institut d’Etudes Politiques pour qu’elle puisse continuer. Car chaque année, comme pour les autres étudiants, sa présence au conservatoire peut être remise en cause. Tout peut s’arrêter. Pour son mémoire, elle choisit l’opéra. « J’ai interviewé des metteurs en scène et des solistes. J’ai dû faire le pied de grue à la sortie des opéras. Mais quel plaisir d’interroger des artistes comme Nathalie Dessay, Sophie Koch, Marcelo Alvarez, Emiliano Gonzalez Toro et des chefs comme Maurizio Benini ou Claus Peter Flor. Nathalie Dessay m’a beaucoup impressionnée. Elle est très naturelle et abordable. Elle est même venue m’écouter et m’a fait une lettre de recommandation » Elle mène de front ses études politiques et le chant. A la sortie de Sciences Po, elle intègre les chœurs supplémentaires de l’opéra du Capitole, pour accompagner les premiers rôles.

Elle passe une année à Nice au centre d’art lyrique de Méditerranée, obtient le diplôme de musique ancienne à Toulouse en suivant. Elle parle italien, espagnol, anglais et un peu d’allemand pour la prononciation. La voilà armée pour chanter l’opéra. 

Audrey Marchal & Orchestre Mozart (2019) – « Dulcissime » Carmina Burana de Carl Orff

La soprano colorature en quête d’humanité

« Je n’étais pas complètement préparée pour en faire mon métier. J’ai compris l’importance des relations humaines, des réseaux. J’ai pris du recul sur les auditions car parfois on vous rappelle 4 ans après. » François Dusser est devenu son agent artistique. Il a rencontré Audrey il y a 5 ans : « Elle m’a beaucoup plu de suite : sa voix, la clarté de la voix, son timbre léger, aérien, éthéré. »  Il est aussi marqué par la personnalité d’Audrey  :  « Je l’ai rencontrée plusieurs fois. Elle a beaucoup de force de caractère, très à l’aise sur scène. Elle dégage beaucoup de sympathie. Je me suis dit que ça valait le coup de la promouvoir. »  

Tellement à l’aise et chaleureuse que certains vont la voir à la sortie des concerts pour des cours de chants. Des aptitudes à occuper la scène comme pour transmettre son savoir. « Ce qui est nécessaire pour nourrir le chant, c’est l’état émotionnel de tous les jours et une posture physique d’ouverture, de disponibilité et de générosité. Je fais travailler l’art oratoire et la prise de parole en public. Le chanteur n’est pas seulement un artiste, c’est l’art de la scène, la communication avec le public. Ca nécessite un accord avec soi-même. Il faut prendre conscience que par l’état, la respiration, on peut dépasser ses peurs, tout en restant fidèle à soi. »

Süsser Trost (extraits), BWV 151 / Audrey Marchal / Marie-Emilie Gauffre / Tania Dovgal

Chanter, c’est aussi un équilibre. Percer dans ce milieu, suppose de sacrifier certaines choses. Audrey n’a pas voulu passer beaucoup d’auditions à Paris ou trop loin de chez elle. Sa famille est une priorité, une source d’équilibre. La carrière n’est pas une obsession. Elle s’est spécialisée dans la musique baroque pour son répertoire mais aussi en créant l’ensemble vocal « Carré de cœur ». On la voit sur plusieurs grandes scènes à Toulouse et dans la région. Elle interprète aussi les grands airs des sopranos colorature comme la « Reine de la nuit » de Mozart, « Lakmé » de Delibes ou les lieder de Richard Strauss. Son agent reconnaît que ce n’est pas toujours simple : « J’essaie de la faire connaître, qu’elle sorte un peu de la région. Quand elle aura accroché quelque chose, ça ira tout seul. » Audrey a perdu son statut d’intermittente mais elle a trouvé un équilibre. Elle s’est installée comme auto-entrepreneuse. Sa nouvelle activité complémentaire : coach vocal.

Du chant lyrique à la prise de parole en public

Audrey se lance dans une nouvelle voie avant le premier confinement : aider les gens à s’affirmer, prendre la parole sans avoir peur et sans renier sa personnalité. S’imposer dans une réunion, s’affirmer en public mais aussi au sein d’un cercle d’amis, le rapport à la voix peut être conflictuel. Elle vient de mettre à jour son site internet en ajoutant une nouvelle corde vocale. « J’aide les gens à se trouver pour occuper leur place dans l’espace sonore et spatial. Il faut d’abord se connecter à soi-même, ne pas jouer un rôle, savoir qui on est. » Se sentir utile, aider les autres, réparer des injustices, ont toujours fait partie de son ADN. A travers son parcours, elle peut trouver des ressources pour en faire profiter ceux qui en ont besoin. Son perfectionnisme devrait là-aussi donner de bons résultats. 

Toujours curieuse, la chanteuse aimerait tout concilier sans sacrifier un domaine. Plaisir de chanter, de transmettre et d’être utile. Le lyrique est toujours là. « J’ai vu beaucoup de personnes abandonner ce que leur avait apporté la musique. On passe notre temps à tout remettre en question. Ca me fait mal au cœur. » Pas question de céder à un quelconque fatalisme, ce n’est pas son genre. Toujours continuer d’avancer, de faire des choses. Elle passe beaucoup de temps à podcaster des émissions sur France Culture, visionner des choses sur Arte. La curiosité toujours en éveil, l’optimisme en étendard. Elle écrit aussi des contes, enregistre des histoires. Une quête infinie pour trouver les bonnes voies, être en paix avec soi, dans le chant comme ailleurs.

 

Le mouvement c’est la vie. Si on s’arrête pour la regarder, c’est fini.

AUDREY MARCHAL

AGENCE MICROLOGUS

Benoît Roux