Audrey Marchal est une chanteuse lyrique qui vit à Toulouse. Elle est aussi coach vocal et conseillère de prise de parole en public. La voix c’est un tout, le reflet de l’âme. Elle souhaite explorer les différentes voies de la voix qui mènent à la confiance en soi.
Son vœux le plus cher : se sentir utile. Ses moteurs : la curiosité, l’échange, le mouvement. Le chant lyrique est une passion comme une autre, presque un hasard dans son parcours humain et artistique. Rencontre.
De l’opéra à Science-Po en passant par Nathalie Dessay
Elle n’a que 14 ans lorsqu’elle devient pro du chant pour des chœurs d’enfants, puis des solos à l’opéra. « Je n’avais pas envisagé de partir sur la musique. C’était juste le plaisir de chanter. Un peu de pratique du piano aussi. J’étais programmée pour des études universitaires scientifiques ou une école de commerce pour devenir chef d’entreprise ou diplomate. » Une terminale au lycée Fermat à Toulouse et déjà le conservatoire pour des cours de chant. Sa professeur lui explique que le chant n’est pas compatible avec une classe préparatoire qui demande beaucoup trop de temps. Il va falloir choisir. Et ce sera… Sciences Po.
Elle est reçue en 2003. Le côté multidisciplinaire lui plaît. Les 2 domaines ne sont pas si éloignés que ça, elle y trouve des interconnections. En 3ème année, une convention doit être signée entre le conservatoire et l’Institut d’Etudes Politiques pour qu’elle puisse continuer. Car chaque année, comme pour les autres étudiants, sa présence au conservatoire peut être remise en cause. Tout peut s’arrêter. Pour son mémoire, elle choisit l’opéra. « J’ai interviewé des metteurs en scène et des solistes. J’ai dû faire le pied de grue à la sortie des opéras. Mais quel plaisir d’interroger des artistes comme Nathalie Dessay, Sophie Koch, Marcelo Alvarez, Emiliano Gonzalez Toro et des chefs comme Maurizio Benini ou Claus Peter Flor. Nathalie Dessay m’a beaucoup impressionnée. Elle est très naturelle et abordable. Elle est même venue m’écouter et m’a fait une lettre de recommandation » Elle mène de front ses études politiques et le chant. A la sortie de Sciences Po, elle intègre les chœurs supplémentaires de l’opéra du Capitole, pour accompagner les premiers rôles.
Elle passe une année à Nice au centre d’art lyrique de Méditerranée, obtient le diplôme de musique ancienne à Toulouse en suivant. Elle parle italien, espagnol, anglais et un peu d’allemand pour la prononciation. La voilà armée pour chanter l’opéra.
Audrey Marchal & Orchestre Mozart (2019) – « Dulcissime » Carmina Burana de Carl Orff
La soprano colorature en quête d’humanité
« Je n’étais pas complètement préparée pour en faire mon métier. J’ai compris l’importance des relations humaines, des réseaux. J’ai pris du recul sur les auditions car parfois on vous rappelle 4 ans après. » François Dusser est devenu son agent artistique. Il a rencontré Audrey il y a 5 ans : « Elle m’a beaucoup plu de suite : sa voix, la clarté de la voix, son timbre léger, aérien, éthéré. » Il est aussi marqué par la personnalité d’Audrey : « Je l’ai rencontrée plusieurs fois. Elle a beaucoup de force de caractère, très à l’aise sur scène. Elle dégage beaucoup de sympathie. Je me suis dit que ça valait le coup de la promouvoir. »
Tellement à l’aise et chaleureuse que certains vont la voir à la sortie des concerts pour des cours de chants. Des aptitudes à occuper la scène comme pour transmettre son savoir. « Ce qui est nécessaire pour nourrir le chant, c’est l’état émotionnel de tous les jours et une posture physique d’ouverture, de disponibilité et de générosité. Je fais travailler l’art oratoire et la prise de parole en public. Le chanteur n’est pas seulement un artiste, c’est l’art de la scène, la communication avec le public. Ca nécessite un accord avec soi-même. Il faut prendre conscience que par l’état, la respiration, on peut dépasser ses peurs, tout en restant fidèle à soi. »
Süsser Trost (extraits), BWV 151 / Audrey Marchal / Marie-Emilie Gauffre / Tania Dovgal
Chanter, c’est aussi un équilibre. Percer dans ce milieu, suppose de sacrifier certaines choses. Audrey n’a pas voulu passer beaucoup d’auditions à Paris ou trop loin de chez elle. Sa famille est une priorité, une source d’équilibre. La carrière n’est pas une obsession. Elle s’est spécialisée dans la musique baroque pour son répertoire mais aussi en créant l’ensemble vocal « Carré de cœur ». On la voit sur plusieurs grandes scènes à Toulouse et dans la région. Elle interprète aussi les grands airs des sopranos colorature comme la « Reine de la nuit » de Mozart, « Lakmé » de Delibes ou les lieder de Richard Strauss. Son agent reconnaît que ce n’est pas toujours simple : « J’essaie de la faire connaître, qu’elle sorte un peu de la région. Quand elle aura accroché quelque chose, ça ira tout seul. » Audrey a perdu son statut d’intermittente mais elle a trouvé un équilibre. Elle s’est installée comme auto-entrepreneuse. Sa nouvelle activité complémentaire : coach vocal.
Du chant lyrique à la prise de parole en public
Audrey se lance dans une nouvelle voie avant le premier confinement : aider les gens à s’affirmer, prendre la parole sans avoir peur et sans renier sa personnalité. S’imposer dans une réunion, s’affirmer en public mais aussi au sein d’un cercle d’amis, le rapport à la voix peut être conflictuel. Elle vient de mettre à jour son site internet en ajoutant une nouvelle corde vocale. « J’aide les gens à se trouver pour occuper leur place dans l’espace sonore et spatial. Il faut d’abord se connecter à soi-même, ne pas jouer un rôle, savoir qui on est. » Se sentir utile, aider les autres, réparer des injustices, ont toujours fait partie de son ADN. A travers son parcours, elle peut trouver des ressources pour en faire profiter ceux qui en ont besoin. Son perfectionnisme devrait là-aussi donner de bons résultats.
Toujours curieuse, la chanteuse aimerait tout concilier sans sacrifier un domaine. Plaisir de chanter, de transmettre et d’être utile. Le lyrique est toujours là. « J’ai vu beaucoup de personnes abandonner ce que leur avait apporté la musique. On passe notre temps à tout remettre en question. Ca me fait mal au cœur. » Pas question de céder à un quelconque fatalisme, ce n’est pas son genre. Toujours continuer d’avancer, de faire des choses. Elle passe beaucoup de temps à podcaster des émissions sur France Culture, visionner des choses sur Arte. La curiosité toujours en éveil, l’optimisme en étendard. Elle écrit aussi des contes, enregistre des histoires. Une quête infinie pour trouver les bonnes voies, être en paix avec soi, dans le chant comme ailleurs.
Le mouvement c’est la vie. Si on s’arrête pour la regarder, c’est fini.
Benoît Roux