Elle vient tout juste d’être nommée Ministre de la Culture mais le chantier est immense et le temps pour agir très court. Les pertes subies par le secteur culturel depuis le confinement sont estimées à 22 milliards d’euros. Passé l’effet de surprise et un capital de sympathie dans l’opinion, Roselyne Bachelot peut-elle et va-t-elle déconfiner la culture comme elle le dit ?
Un bon CV culturel
Sur le papier, la Ministre n’est pas là par hasard. On connaît son appétence pour la culture fusse t-elle un brin élitiste. Roselyne Bachelot s’enflamme pour l’opéra, la musique classique, le théâtre, les musées, mais on la retrouve aussi aux « Grosses Têtes », dans l’émission « Les Reines du shopping » et autres talk-shows populaires. Dans un entretien à Télérama elle confie :« C’est aussi ma personnalité, cette truculence rabelaisienne. Je peux passer de mon émission sur France Musique où j’analyse six sonates de Beethoven, aux Grosses Têtes ». Celle qui avait dit « j’aime trop la culture pour en devenir la ministre », avait aussi lâcher qu’elle ne sortirait pas de son exil de la politique « sauf si on me propose le Ministère de la Culture ».
Au fur et à mesure, elle a su se faire apprécier par les français, mais plus sur sa personnalité que sur des compétences proprement politique.
L’art des petites phrases mais…
Le temps m’est compté. Je veux déconfiner la culture pour que ce soit l’affaire de tous.
Pendant une vingtaine de minutes, Roselyne Bachelot s’est appliquée à préserver sa bonne image par une communication bien rodée. Pourquoi ce revirement alors qu’elle avait dit quelle ne ferait pas son retour en politique ? « J’ai une appétence pour la culture, les gens qui l’habitent, les artistes, créateurs. C’est au fond de moi. Je ne peux pas me défiler. » La culture ? « C’est un très beau bijou que porte la République… Il faut sortir la culture pour qu’elle irrigue l’ensemble des politiques publiques. » Sur Malraux qui venait visiter ses parents : « Malraux a lancé cette affaire mais il faut aller au-delà. Ce n’est pas parce que c’est une icône adorée qu’il faut marcher dans ses pas. » Elle n’oublie pas non plus que son premier portefeuille fut celui de l’écologie : « Il faut que la culture quitte son pré carré, réfléchir en d’autres termes. Culture et écologie doivent marcher ensemble. Il faut des mesures d’urgences mais réfléchir aussi comment on va réadapter tout ça. »
… pour quels actes ?
Les mesures coercitives comme tout rassemblement qui ne doit pas dépasser 5000 personnes vont-elles s’assouplir? » On donne à la culture des consignes précises, antinomiques avec la survie de ces outils culturels. Si on doit autoriser 1 spectateur sur 3 on ne peut pas faire fonctionner les théâtres. Alors qu’on est serré dans le métro… » Mais rien de concret car elle ne peut pas décider seule mais avec le Ministère de la santé et les autorités sanitaires. Comment aider tous les festivals, les salles de spectacles, les créations pour éviter les années blanches et les fermetures ? Les pertes sont pour l’instant estimées à 22 milliards d’euros. Seul début de certitude : l’aide apportée aux intermittents du spectacle pour que la création ne s’arrête pas et qui prévoit 950 millions d’euros pour financer cette ou ces année(s) blanche(s). Seul problème : le décret du Ministère du travail qui prévoit ces mesures n’est pas encore arrivé au Conseil d’Etat. Mais qu’à cela ne tienne : « Dès que je sors de Radio France, je veux que ce décret sorte des limbes pour rendre effectif ces 950 millions. » De quoi rappeler quelques bonnes Raffarinades ou la fameuse « croissance que j’irais chercher avec les dents » méthode Sarko.
Et quid de la loi sur l’audiovisuel public? « Le calendrier législatif va être occupé par le plan de relance. Il faudra savoir si l’on poursuit ou pas cette réforme….J’ai le sentiment qu’on n’aura pas le temps. » Et France Ô et France 4 voués à disparaitre des antennes ? « France 4 a fait un boulot remarquable en terme de programmes pour la jeunesse. » Mais a t-elle pour autant sauvé sa peau ? « Réponse dans quelques jours. »
Lors de la passation de pouvoir avec son prédécesseur, elle affirmait : « L’urgence absolue en ce début d’été sera d’aider à la remise en route et en état des lieux de culture: festivals, musées, cinémas, monuments historiques ». Elle souhaite tenir des « Etats Généraux » des festivals dans les prochains jours. Mais si elle ne veut pas que la Révolution du monde de la culture gronde, il faudra aller au-delà des mots et des symboles.
Benoît Roux