30 Mar

Les Amazones d’Afrique, des luttes et du son

Ce blog a pour but de vous faire découvrir des artistes. Après JS Ondara, place aux Amazones d’Afrique, groupe exclusivement féminin qui vient de sortir un second album « Amazones power » sur le label Real World (Peter Gabriel).

De la World Music parfaitement maîtrisée, avec les fondamentaux traditionnels, des ajouts modernes pertinents et variés, sur fond de lutte : celle des violences faites aux femmes aux quatre coins du monde. 

Amazones d’Afrique « Amazones power » 2020

Des références

Mamani Keïta, Oumou Sangaré et Mariam Doumbia (Amadou et Mariam) ont fondé en 2014 les Amazones d’Afrique. Groupe pan-africain, une sorte d’All star au féminin singulier qui lutte et qui chante pour la bonne cause : défendre les droits des femmes. Au pluriel. En 2017, parait leur premier album « République Amazone ».

Amazones, comme un clin d’œil aux Amazones du Dahomey (actuel Bénin), un corps de régiment militaire entièrement féminin, fondé au XVIIIème siècle. C’est aussi une référence à un groupe précurseur : les Amazones de Guinée, un orchestre militaire de choc qui fait référence depuis 1961.

« Smile » est une invitation à parler, sans en avoir honte, des souffrances que l’on vit de l’intérieur, des traumatismes subis.

Les Amazones d’Afrique elles aussi partent en guerre : contre les violences faites aux femmes. 18 voix, 10 musiciens pour ce nouvel album « Amazones power ». Du pouvoir, musical et sociétal, elles en ont. Elles viennent de s’associer à la Fondation Panzi du Dr Mukwege, « l’homme qui répare les femmes » victimes de violences sexuelles.

Dans l’histoire contemporaine, il y a d’autres amazones : Simone Veil, Miriam Makeba, Celia Cruz, ou encore Angélique Kidjo qui a rejoint le groupe.

Richesse des voix

« Amazones Power » réunit des divas du Mali comme Mamani Keita, Rokia Koné, Ami Yerewolo ou encore Kandia Kouyaté dit « la dangereuse » tant sa voix avait de l’emprise. On y retrouve aussi Angélique Kidjo et Fafa Ruffino (Bénin), une Guinéenne (Niariu qui est sur la pochette du nouveau disque),  une Burkinabè (Kandy Guira) ou encore une Algérienne (Nacera Ouali Mesbah). De temps en temps, quelques voix d’hommes en contrepoint. Mais ce sont les femmes qui gardent le leadership. Des voix assez différentes et très riches en fonction aussi de la langue chantée : anglais, bambara, fon, français…

« Heavy », l’un des morceaux les plus obsédants

Sur cette autre vidéo, le titre « Queens » avec la « Rose de Bamako » la grande chanteuse malienne Rokia Koné en tournée. Une chanson en langue bambara qui en appelle à la solidarité pour résister à la cruauté des maris. 

Gros travail sur les sons et les rythmes

Il s’agit bien de World Music, mais dans ce qu’elle a de plus respectueux des diversités. Ne pas dénaturer, sans pour autant délaisser les audaces. On peut ainsi écouter des rythmiques hip-hop, afrobeat, dub ou électro vertigineux sur fond de percussions ancestrales, parfois synthétiques. Les claviers sont assez éthérés, ou alors vintage, où se glissent des guitares hypnotiques et des grosses basses efficaces. Difficile de ranger ces musiques dans une case. Et tant mieux! 


Pas un morceau qui soit négligé dans la production, dans l’équilibre des voix. Pas de tubes surproduits non plus qui masqueraient le manque d’inspiration des autres. Cet album est très dépaysant, souvent surprenant et très régénérant.

Des artistes et des féministes

Leur album est un manifeste contre toute forme de violences faites aux femmes : l’excision, la polygamie, les mariages forcés… Des violences évidemment infligées par des hommes. Mais la musique est aussi là pour casser la mécanique culturelle de violences faites par les femmes à d’autres jeunes femmes. Non pour infliger à leur tour des cruautés reçues mais pour perpétuer des codes sociaux dont elles n’arrivent pas à se défaire. C’est aussi pour ça que les Amazones d’Afrique font place à 3 générations de femmes.

L’une des chanteuses Fafa Ruffino témoigne dans cette interview à RFI.

Pendant des siècles, nous avons subi un lavage de cerveau de nos grands-mères. On nous a fait croire pendant longtemps que nous étions faibles, fragiles… Ce combat est aussi une manière de protéger nos âmes. Quand on mutile une petite fille c’est son âme qui est violée, son corps est blessé et c’est irréparable ! 

Pour aller plus loin, l’interview réalisée par la plateforme de téléchargement musical Qobuz.

Le groupe aurait dû être en tournée cette fin de mois de mars en France. Faute de scène, retrouvez l’inventivité prégnante et flagrante dans ce nouveau disque. Les Amazones d’Afrique font déjà partie de la playlist de Barack Obama.

« Amazones power » par les Amazones d’Afrique

Label Real world