Depuis plusieurs jours, Thibaut PINOT trainait son Tour comme un forçat chaque matin retourne à son boulet. La conséquence d’une première étape Pyrénéenne où le coureur avait d’abord perdu pied et d’une angine carabinée qui a fini de lui laminer le moral. Ce 16 juillet, le Franc-comtois a été contraint de déposer les armes, en s’obligeant déjà « d’essayer de penser à l’avenir… » comme l’ancien amateur de l’Amicale Cycliste Bisontine et du CC Étupes l’avait confié deux jours plus tôt au micro de France télévision sur la ligne d’arrivée du Mont Ventoux, les yeux fiévreux et à bout de forces.
Juste quelques mots sur le compte Twitter de la formation au trèfle.fr ce matin, et un commentaire, laconique à la télévision soldant toute une année de dithyrambes et d’éloges médiatiques. Une abdication sans image. Une capitulation confinée dans le silence et la détresse d’un garçon qui avait commencé par faire rêver la France entière au lendemain d’une étape « Belfort – Porrentruy », qui restera à jamais gravée dans les mémoires du cyclisme national.
Thibaut Pinot (FDJ.fr) avec Thomas Voeckler (Europcar) lors de la 14e étape © Presse sport
Ce matin du 16 juillet. L’annonce de l’abandon du jeune leader de la FDJ a comme sonné beaucoup de supporters du cyclisme français et mis en panne toute une activité grammaticale où l’emploi du superlatif à l’intention du nouveau « crack » des pelotons, ne souffrait plus d’aucune mesure depuis le 9 juillet 2012 à Porrentruy.
THIBAUT PINOT QUI N’EN DEMANDAIT PAS TANT !
La victoire « extraordinaire » d’un « jeune prodige » ; « le remplaçant » annoncé de Bernard Hinault et autre Laurent Fignon après sa 10e place au classement général sur les Champs Élysées… Un verbiage excessif s’il en est ! et le plus souvent cocardier, qui fait généralement les choux gras de bien des journaux. Thibaut PINOT qui n’en demandait pas tant ! C’est le Blog Cycliste qui vous l’assure… Tant ce « gamin » là (et je me souviens encore de ce jour de tournage dans le quartier de la Malcombe à Besançon pour la rédaction de France 3. Un reportage improvisé sur la pelouse d’un complexe sportif où nous l’avions rejoint au début de la saison de son premier Tour de France, et où le coureur avait eu la gentillesse de prendre son vélo pour notre caméra. Mais en rajoutant avec ce naturel qui le caractérise : « qu’il aurait quand même préféré terminer sa partie de foot avec ses copains ! »)…
Oui, tant ce garçon que l’on connaît tous, humble et généreux ; ce garçon plutôt « solitaire » comme le décrit son frère ; en vérité si peu préparé aux flambées médiatiques dans son village natal de Mélisey planté sur les flancs paisibles des Vosges Saônoises… Ce gars, fier de savoir s’entrainer comme un damné ; de faire le métier dont ses parents estiment la réputation au point d’eux-mêmes contribuer au recrutement et à la formation des plus jeunes au sein d’un club sportif local (un sacerdoce dans la famille Pinot…) Fier, oui, de s’être vu confié ce rôle de chef de bande au sein du clan Madiot, même si (comme il n’avait jamais cessé de le répéter cette année) la charge lui semblait encore « difficile à assumer ». Thibaut qui n’avait pas encore dû prendre réellement conscience de ce poids considérable qui pèserait bientôt sur ses épaules une fois lâchée dans l’arène avec une pancarte si voyante à l’adresse de la meute médiatique. Ce jeune guerrier plaqué au sol aujourd’hui sous la pression, mais promis à mille autres batailles magnifiques une fois la qualité de l’air retrouvée. Thibaut PINOT qui connaît enfin ce soir son fardeau.
Jean-Luc Gantner