29 Juin

EXCLU ► VELIB : les bricolages de Smovengo

Au lendemain d’une réunion à l’hôtel de ville  – entre Arnaud Marion, le nouveau président exécutif de Smovengo, et les élus parisiens – qui ne nous aura rien appris, il est temps de refaire un point sur ce qui se passe réellement, en coulisses.

Accusée de faire l’autruche depuis des semaines, en gros depuis le lancement du plan d’urgence début mai, la ville de Paris n’en est pas pour autant restée inactive. Deux personnes, inspectrices de la ville habituées des situations de crise, ont été envoyées dans les locaux de Smoove, à Montpellier, et Smovengo. Leur mission : démêler le vrai du faux et remonter les infos jusqu’au bureau de la Maire. Car clairement, la confiance s’est envolée. Il faut dire que la nouvelle équipe dirigeante de Smovengo continue de propager de fausses infos (comme un entretien en tête à tête entre Arnaud Marion et Anne Hidalgo, certes prévu, mais qui n’a encore jamais eu lieu). Clairement, la crédibilité accordée à la parole de Smovengo par la ville est à l’image de la qualité de service du vélib’ : inexistante. L’ultimatum posé publiquement par la municipalité cette semaine est on ne peut plus clair : elle donne jusqu’à septembre à Smovengo pour corriger les multiples dysfonctionnement que je vous révèle assez régulièrement. Et pas un jour de plus.

Venons-en justement à ce que j’ai appelé dans un précédent papier les chantiers quasi insurmontables de Smovengo. Concrètement, où en est-on ?

Tout d’abord, remarquons que le plan d’urgence lancé il y a tout juste deux mois a fait un flop retentissant. De l’aveu même de Smovengo, il ne reste plus que 2.000 à 3.000 Vélib’ en circulation, dont une bonne partie ne sont toujours pas empruntables. Les autres sont en réparation ou privatisés. Quant au nombre de locations quotidiennes, il est plus proche des 12.000 que des 30.000 espérées. Seules le nombre de stations ouvertes correspond aux objectifs : les 800 sont atteints, mais elles ne sont électrifiées qu’à 69%, et non pas à 80% comme imaginé.

Au delà de l’électrification et du nombre de stations, le problème principal du Vélib’ version Smovengo reste toujours le même : la fourche et le fameux bug du cadenas. Et dans ce domaine, l’heure est au bricolage intégral !

Comme je le disais dans un précédent papier, la qualité de pose est essentielle au bon fonctionnement des bornettes : il y a un angle et une hauteur maximales vélo/bornette à respecter de façon impérative pour que le cadenas puisse se refermer correctement. Dans une pose en béton, comme c’est le cas à Paris, c’est assez compliqué à obtenir : il faut être très précis et prendre en compte la pente de la rue, son dénivelé, y compris au sein d’une même station. Ce qui, visiblement, n’a pas été fait correctement. Mais il a fallu du temps aux équipes pour prendre la mesure du problème et chercher un palliatif. La preuve, avec ce tweet.

Mesurer précisément l’angle des 24.000 bornettes déjà posées est un chantier titanesque. Car il faut ensuite compenser les degrés ou les centimètres manquants dans chacune d’entre elles. Soit en limant à l’intérieur de la fourche, ce qui a été tenté dès fin avril, soit en posant un petit bloc au sol, à l’épaisseur propre à chaque bornette (en fonction de la pente, de la pose originale etc…), dernier bricolage en date noté par certains cyclistes attentifs.

Dans toute entreprise sérieuse, il aurait été décidé depuis bien longtemps de remplacer l’intégralité des 24.000 bornettes déjà posées et jeter à la benne les 47.000 paires de mâchoires déjà commandées, solution de loin la plus pertinente… mais aussi la plus onéreuse ! Et Smovengo n’est pas en mesure d’assumer un tel coût, alors même que tous ses budgets explosent et que ses actionnaires sont en manque en cash. Alors Smovengo bricole, avec d’ailleurs la bénédiction du Syndicat Mixte Autolib’ Vélib’, apparemment convaincu par la pose palliative des blocs au sol. Mais tout ça n’est pas très sérieux : prenons l’exemple d’un pneu dégonflé ou crevé. La cale sera insuffisante. Même problématique avec le limage : s’il est mal réalisé, il n’absorbera pas toutes les erreurs. Et pour que la fourche cadenas fonctionne il faut impérativement que les loquets se positionnent pile poil en face des lumières latérales. Bref, la marge d’erreur est excessivement limitée. Au passage, notons que Smoove n’a toujours pas fait les mesures et les essais de tolérance qui s’imposent pourtant en pareil cas…

Une autre solution pourrait consister à réintégrer le guide roue présent dans la version originelle du diapason (cf photo ci-contre) mais qui a disparu de la version parisienne, à la demande express, à l’époque, du SMAV. Comme le rappelle justement le blog Save the Vélib, ce guide roue, présent à Moscou, Vancouver ou encore Montpellier, n’est pas là pour faire joli : il permet de bien centrer le vélo dans la fourche, et donc faciliter la fermeture du cadenas. Mais là aussi, cette solution a un coût et nécessite de modifier les bornettes existantes. Une chance, celles-ci sont démontables, sans avoir à casser les socles en béton. Mais cette opération est, malgré tout, très onéreuse. Du coup, aucun ingénieur n’a été chargé de travailler sérieusement sur cette option.
Du côté de l’informatique, et contrairement à ce que j’écrivais dans mon précédent post, les budgets ont été récemment revus à la baisse, après de gros dépassements. La capacité de correction des bugs en pâtit nécessairement. Une protection logicielle contre la décharge profonde des V-Box est en cours d’élaboration, mais ne devrait pas arriver avant fin juillet. Ainsi que d’autres corrections nécessaires pour éviter les erreurs de données affichées par l’appli Vélib.
En attendant une hypothétique résolution sérieuse des problèmes du Vélib, le vélibgate devrait prochainement faire une autre victime, en plus des innombrables usagers désespérés : Véronique Haché, experte en mobilité et directrice générale du Syndicat Mixte depuis fin 2012, est, selon plusieurs sources concordantes, en instance de départ du SMAV. Son départ pourrait aussi naturellement intervenir à la fin de l’année : son détachement du ministère de l’écologie arrive à échéance et l’intéressée n’a pas demandé son renouvellement.
Bertrand Lambert @B_Lambert75