L’UMP a tranché mardi soir en optant de justesse pour le « ni-ni » (ni PS, ni FN) à la législative partielle du Doubs, contre l’avis de son président, Nicolas Sarkozy, qui plaidait pour une inflexion avec un texte appelant à faire clairement barrage au Front national.
Concrètement, le parti d’opposition appelle ses électeurs à exprimer une « double opposition » en « votant blanc ou en s’abstenant » dimanche lors du second tour de la législative partielle dans la 4e circonscription du Doubs, qui oppose Sophie Montel (FN) à Frédéric Barbier (PS), le candidat UMP ayant été éliminé au soir du premier tour.
A l’issue d’un débat « équilibré » de 2h30, cette motion, défendue notamment par le numéro trois Laurent Wauquiez, l’ancien président du parti Jean-François Copé, Xavier Bertrand, Bruno Le Maire et Luc Chatel, l’a emporté par 22 voix contre 19 au texte voulu par Nicolas Sarkozy et qui invitait les électeurs à choisir entre vote pour « le candidat de la majorité« , blanc ou l’abstention. Une position défendue par Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-Pierre Raffarin et Hervé Mariton notamment. François Fillon, tenant du ni-ni, était absent.
L’ancien chef de l’Etat n’a pas pris part au vote. « Il s’est donné le beau rôle » en présentant les deux textes mais en en n’endossant in fine aucun, a ironisé un tenant du ni-ni.
Pendant le débat, il a cependant clairement exprimé sa préférence pour le texte, de « rassemblement« , finalement minoritaire. Cette motion marquait une évolution personnelle vers un barrage net contre le FN quitte à voter PS, selon un participant.
Le matin, devant le groupe UMP, il avait déjà fait valoir qu’il fallait dire « non au FN » et que « le ni-ni n'(était) plus possible » car « le FN est passé d’un parti minoritaire à un parti dont la victoire au niveau national n’est plus hypothétique« .
« Nicolas Sarkozy a défendu une position qui n’était pas celle qu’il préconisait jusqu’alors (le ni-ni) pour maintenir l’unité du parti en rappelant que l’UMP était l’union de la droite et du centre« , a souligné un participant au BP. Son rival potentiel pour 2017 Alain Juppé a également salué « les efforts de Nicolas Sarkozy pour trouver une solution de synthèse« .
– ‘C’est un apostolat, l’unité !’ –
Reste qu’en tentant une acrobatique synthèse pour éviter « l’explosion » d’une UMP déchirée, Nicolas Sarkozy n’a pas réussi à dégager une majorité. « C’est un apostolat,
l’unité ! », a d’ailleurs lâché en riant Nicolas Sarkozy, qui espérait remettre de l’ordre et unifier les voix discordantes au sein du parti dont il a pris les rênes le 29 novembre.
Le président de l’UMP entend bien remettre le débat sur le tapis: « L’UMP doit repenser de fond en comble son projet pour l’adapter à la gravité de la situation« , peut-on lire dans le communiqué diffusé après le BP.
M. Sarkozy avait été mis sous pression par Alain Juppé et la numéro deux du parti, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui plaidaient pour un vote en faveur du PS. « Juppé aurait dû attendre » et « ne pas diviser« , a regretté Nicolas Sarkozy.
L’inflexion voulue par l’ex-chef de l’Etat avait déjà provoqué un certain tumulte devant la réunion du groupe UMP à l’Assemblée nationale, selon des participants. « C’est la réunion de groupe la plus dure à laquelle j’aie jamais assisté« , a même affirmé un ancien ministre, pour qui « la position de Sarkozy n’est pas tenable car elle revient à dire +votez PS+« .
Mais la proposition de M. Sarkozy est un « progrès » par rapport au « détestable » ni-ni, a au contraire affirmé Dominique Bussereau, qui voterait PS. Selon des participants, le député Jean-Pierre Gorges a d’ailleurs reproché à ce proche de Jean-Pierre Raffarin d’avoir « la même position que l’UDI« . « A l’UMP, il y a le centre aussi, connard !« , lui a répondu Bussereau.
Le centriste François Bayrou a également déclaré qu’il n’aurait « aucune hésitation » à voter PS. Ce « ni ni » a les faveurs des sympathisants UMP selon un sondage Ifop-Figaro-LCI: 67% des sympathisants plaident pour le ni-ni, 19% souhaitent que l’UMP appelle à voter PS et 14% que le parti appelle à voter FN.
Cette cacophonie constitue une nouvelle épreuve pour Nicolas Sarkozy, déjà à la peine pour s’imposer comme leader naturel de son camp depuis son retour sur la
scène politique.
Elle est intervenue aussi le jour où M. Copé a été mis en examen pour avoir fait régler par son parti les pénalités de M. Sarkozy pour cause de dépassement de ses
frais de campagne présidentielle.
Le retour de l’ex-chef de l’Etat « n’a pas empêché les progrès du FN » (plus de 9 points) et « le plus grave, c’est qu’il n’arrive pas à faire parler le parti d’une seule voix« , s’agace un ancien ministre.
Le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis a salué mardi soir une « avancée républicaine » dans le fait que Nicolas Sarkozy appelle à dire non au FN.
« C’est le grand capharnaüm à l’UMP. Nicolas Sarkozy (…) n’a décidément aucune autorité« , s’est délecté Florian Philippot (FN).
(AFP)