La justice, ce n’est jamais simple… La réforme des collèges non plus : déjà votée, pas encore appliquée, mais très critiquée et modifiée à différentes reprises… Hier lors d’une audience au Conseil d’Etat, la rapporteure publique n’a finalement pas donné raison (en tous cas sur la plupart des points) à Martial Peyrouny, un professeur d’occitan qui demandait l’annulation de la réforme. Vous me direz qu’il fallait s’y attendre. Pas vraiment si l’on se réfère à un document accessible la veille et qui allait dans le sens voulu par l’auteur de la requête Tentons d’y voir plus clair.
« On a perdu parce qu’on a gagné »…
« … Le rapporteur public s’apprête à conclure : à l’annulation du décret attaqué en tant que par son article 2, il introduit au code de l’éducation les dispositions des deux derniers alinéas du II de l’article D. 332-4 et celles figurant à la dernière phrase du III du même article… » Voilà ce que Martial pouvait lire en accédant à son dossier jusqu’à la veille. Un langage un peu codé mais qui, de l’avis de plusieurs avocats, était positif. C’est ce que révélait l’article du blog occitan. Sauf que voilà : les conclusions d’un jour ne sont pas celles énoncées le lendemain! Celle de Martial est presque tout aussi inattendue : « On a perdu parce qu’on a gagné ». Tiens, tiens… C’est aussi le titre de l’article de La Setmana et c’est effectivement ce que nous disait ce matin le professeur d’occitan. Alors, ce que les langues régionales ont gagné hier (mais ce n’est que l’avis du rapporteur et non celui du Conseil d’Etat) c’est ce que le texte gouvernemental appelait : « la durée minimum des pauses méridiennes au collège et sur la durée maximale d’enseignement quotidien en sixième ». Pour faire simple, le volume horaire hebdomadaire des cours ne devait pas excéder 26 H ce qui laissait quasiment aucune place pour les matières suivies en option comme peut parfois l’être l’occitan. L’annulation en partie du décret (pour des raisons de procédure) qui fixait cette limite à 26 H va donc permettre aux langues régionales de revenir un peu.
Pour le reste, la rapporteure publique conclut au rejet de l’annulation du décret attaqué.
Sur le fond, il est vrai qu’entre le dépôt du recours au Conseil d’Etat en juin 2015 et l’audience d’hier, les choses ont évolué favorablement pour les langues régionales grâce au travail d’organisations occitanes comme la FELCO, le CREO, grâce aussi à ce recours.
Car la réforme des collèges avait tout bonnement oublié les langues régionales au tout début, et ce n’est qu’après diverses actions que leur enseignement est réapparu en 6ème, que les conventions existantes entre l’Etat et certaines Régions ont été prolongées jusqu’à la fin de cette année, retardant ainsi les effets de la réforme. Différents textes ministériels ont confirmé un certain retour au statu quo. La circulaire N° 2001-166 du 5 septembre 2001 qui organise l’enseignement et le développement des langues régionales reste en vigueur. L’article L.312-10 du code de l’éducation qui s’appuie sur cette circulaire avait fait rentrer les langues régionales dans la Loi Peillon. La réforme des collèges, dans sa version initiale, était contraire à cet l’article. D’où le recours. Donc oui, juridiquement, certaines demandes de ce recours n’avaient plus lieu d’être. N’empêche que tout n’est pas gagné et qu’on ne sait toujours pas pourquoi la rapporteure publique a quelque peu changé ses conclusions.
« Là où il n’y a pas de convention, c’est mort… »
Il est peu probable que dans 2 ou 3 semaines, la décision du Conseil d’Etat soit contraire aux conclusions de la rapporteure. Peu envisageable également que Martial Peyrouny (ou d’autres) fassent un nouveau recours. Ce qui n’empêchera pas vigilance et mobilisation. Là où des conventions existent entre Etat et Régions (comme par exemple en Aquitaine et Midi-Pyrénées) la rentrée 2016 ne devrait pas être trop difficile. Elles seront renégociées d’ici la fin de l’année. Mais là ou rien n’existe comme en Auvergne ou Limousin, la situation sera très très délicate. Idem en Provence où tout diffère selon les départements.
A toute chose malheur est bon, la réforme territoriale pourrait au moins permettre au Limousin d’être logé à la même enseigne que l’Aquitaine. Idem pour le Languedoc-Roussillon où la convention était loin d’être satisfaisante mais qui est désormais liée avec celle de Midi-Pyrénées plus favorable…Quand on vous dit que rien n’est simple !
Lo Benaset