Jeudi prochain 26 janvier, la Ministre de l’Education Nationale Najat Vallaud-Belkacem sera à Toulouse pour signer une convention cadre pour l’enseignement de l’occitan. C’est une première et nul doute que ce sera un acte fondateur. Une victoire également pour l’Office Public pour la Langue Occitane (OPLO) qui n’a eu que quelques mois pour rédiger ce texte, convaincre le Ministère et les 5 académies que comptent les 2 nouvelles régions Occitanie et Nouvelle Aquitaine. Avec un seul point majeur à déplorer : les autres régions où l’occitan est aussi présent n’ayant pas souhaité intégrer l’OPLO, cette convention ne sera applicable, ni en Provence, ni en Rhône-Alpes-Auvergne.
Jeudi matin, Najat Vallaud-Belkacem se rendra à l’école élémentaire Pèire Godolin de Toulouse pour assister à une leçon de mathématiques en classe bilingue de CP. Elle participera ensuite à une table ronde sur l’enseignement de l’occitan, avant de signer cette convention cadre avec les 2 régions Nouvelle Aquitaine, Occitanie et l’OPLO à l’Hôtel de Région sur le coup de midi.
Tout un travail en amont
Ce texte n’arrive pas par hasard. Le fait que l’Etat soit membre de l’OPLO, ceci lui a mis le pied à l’étrier. Plusieurs actions de certains organismes comme la FELCO, les CREO, de différents mouvements comme le collectif « Los Mespresats » ont bien drainé le terrain. Il faut aussi reconnaître une certaine ouverture et de l’écoute de la part du Ministère personnifié par Olivier Noblecourt, l’actuel directeur de cabinet de la Ministre. Pour la première fois, l’Etat s’engage directement sur un texte, signé par la Ministre. Ca devrait changer un peu la donne.
Auparavant, il y avait donc plusieurs conventions dans certaines régions pour certaines académies. Elles prenaient fin en 2015 mais elles ont été prorogées, comme celle des ex-régions Aquitaine et Midi-Pyrénées; ou dénoncées comme en Languedoc-Roussillon. L’OPLO a pris comme base la convention qui semblait la plus avantageuse, en l’occurrence celle d’Aquitaine. Et les négociations n’ont pas été faciles. En premier lieu avec le Ministère qui a refusé certaines choses. En second lieu avec certaines académies où l’enseignement de l’occitan a connu quelques vicissitudes. Ce nouveau texte devrait aussi permettre des évolutions positives sur les académies de Limoges et Poitiers quasiment désertes en matière d’enseignement de l’occitan.
Les avancées du nouveau texte
- Il est signé par le Ministère de l’Education. Avec des objectifs chiffrés qui ne seront toujours pas obligatoires mais certainement plus contraignants qu’auparavant. Il est certainement plus difficile de contourner une convention signée par une Ministre que quand il l’est par un(e) recteur(trice) comme c’était le cas jusqu’à présent.
- Il parle très clairement d’organisation et de continuité de cet enseignement : « priorité est donnée à la construction ou au renforcement de cursus complets… » Ce qui va supposer des changements. La convention précise aussi qu’il se fera « à des horaires normaux »… L’objectif est d’augmenter le nombre d’élèves ayant un niveau B1 (diplôme européen CECRL) mais aussi l’effectif des bilingues. Il atteint péniblement les 10 000 élèves sur les 2 régions, en comptant les calandretas. Cette convention cadre ne prévoit pas d’objectifs chiffrés d’ouverture de sites bilingues. Ce sera l’objet d’une déclinaison avec les 5 académies.
- Il prévoit une convention avec le réseau Canopé (ex-Sceren et ex-CNDP) dans la production de matériel pédagogique. Pour l’occitan, le CAP’ÒC de Pau partenaire du réseau Canopé va monter en puissance. Pour la première fois, un livre de Maths niveau CP sera distribué gratuitement dans les sites bilingues. Coût de l’opération : 53 343 € pour l’OPLO.
- La convention s’applique sur les 5 académies des 2 régions (Nouvelle-Aquitaine et Occitanie). Il peut aussi être décliné au niveau départemental, voire même à l’échelle des agglomérations comme c’était le cas à Toulouse.
- Alors que la réforme des collèges n’octroie qu’1 heure d’occitan en 5ème, cette convention déroge en spécifiant qu’il y en aura 2 pour un enseignement optionnel, 2H30 en LV2. Toujours au collège, le texte prévoit que « l »affectation des professeurs certifiés d’occitan sera limitée si possible à deux établissements au plus…« . Les professeurs « itinérants malgré eux » du second degré qui avalaient des kilomètres à longueur de journée seront un peu soulagés!
- Au niveau des postes, la convention prévoit que « des études régulières d’évaluation des besoins seront réalisées pour aider à une meilleure adéquation entre le nombre de postes ouverts et les besoins réels ». Ceci pour le CAPES mais c’est à peu près la même consigne pour le CRPE des professeurs des écoles. Pour pallier un manque certain de professeurs « un repérage des compétences linguistiques est mené au travers d’enquêtes par les académies…tous les deux ans… » pour repérer des professeurs susceptibles d’enseigner en occitan, moyennant une formation.
- L’article 9 parle aussi de l’enseignement supérieur où l’Etat doit veiller à des formations en occitan dans les différentes filières universitaires. Des bourses « ensenhar » sont prévues pour les étudiants souhaitant devenir professeurs.
- Une carte des enseignements sera faite tous les ans par l’OPLO via un Observatoire de la langue occitane. Y seront répertoriés les effectifs d’élèves formés et les coordonnées des établissements… Mais aussi les résultats des évaluations, le taux de pénétration des formations en occitan par rapport aux effectifs globaux… Histoire de pointer du doigt les territoires ne respectant pas cette convention mais aussi là où tout se passe correctement. L’OPLO sera aussi chargé de diffuser l’information sur les offres d’enseignement, de prévoir des campagnes d’information dans les différents établissements scolaires.
Voilà pour le cadre général. Les textes signés par par la suite par chaque académie ne pourront être en deçà du texte paraphé jeudi prochain la Ministre, la présidente de la Région Occitanie, celui de la Nouvelle-Aquitaine et la présidente de l’OPLO. Cette convention sera applicable jusqu’au 31 décembre 2022 et ne pourra être dénoncée qu’après un préavis de trois mois.
Les régions Auvergne-Rhône-Alpes et PACA n’étant pas membres de l’OPLO, cette convention ne sera pas hélas pas applicable sur ces territoires occitans. Des discussions ont parait-il eu lieu avec la Région PACA mais elles ne sont pas allées très loin car le président de Région Christian Estrosi et son administration ne veulent pas reconnaître le provençal comme un dialecte de l’occitan.
Lo Benaset @Benoit1Roux