Pour ceux qui n’auraient pas eu la chance de lire « Le grand braquet » édité en 2003 aux éditions Archipel, la maison d’édition parisienne a saisi l’opportunité de l’événement sportif planétaire du calendrier estival pour réimprimer le texte dans un format poche. Une opportunité… mais contrairement à tout un tas de sottises carambouillées ces derniers temps pour épater la galerie à l’image de cette « Grande Boucle » dont le Blog cycliste vous vantait les mérites lors de sa sortie en salle tapageuse, ces « Grandes heures du Tour de France » ne se dérobent sous aucun arrangement facile.
« Grandes heures du Tour de France » – Jean-Noël Blanc – Archi Poche
(Photo de couverture – Luis Herrera dans l’Alpe d’Huez pendant le Tour de France 1987)
PHOTO © JL Gantner
Allez ! Quelques jours encore… À peine quelques semaines à piétiner devant son écran de télé pour retrouver le grand roman de l’été ; la suite de la grande saga… Le 100e chapitre tout rond cette année. Le solde d’un Dauphiné écrasé par les hommes de la Sky, celui d’un nouveau Tour de Suisse remporté par le Portugais Rui Costa, avant la prestigieuse comptabilité de trois journées du championnat de France dans le pays des Abers (Lannilis, 20 au 23 juin)… Et la folle bagarre vélocipédique la plus attendue de l’année se mettra en route pour la centième fois de son histoire depuis 1903. « Une des plus étonnantes machines jamais conçue par les hommes pour fabriquer du rêve », écrit Jean Noël Blanc à la toute première page de ses « Grandes heures du Tour de France ». L’homme est romancier (« L’Inauguration des ruines »), mais surtout passionné de cyclisme. Un « pratiquant du dimanche », comme il se qualifie lui-même ! Ce qui ne gâche rien de l’intérêt considérable qu’il porte sur le petit monde épris de bécanes de vitesse délurée ; cette communauté de pédaleurs vedettes d’une fantastique épopée depuis ces « zigotos » de Robic, Ronconi ou kubler… ces Coppi, Anquetil, Bobet, Poulidor… juste un peu plus tard ; et puis Merckx, Hinault, Fignon bien sûr ! Pour finir avec Laurent Jalabert aux prises avec son « Tour d’honneur »en 2002. Cette journée inoubliable dans les rampes du plateau de Beille où des milliers de spectateurs avaient scandé le nom du grand coureur français pour lui témoigner leur affection à la fin de sa carrière. « Jaja… Allez Jaja !… » Jalabert qui « n’avait plus connu ces vivats depuis l’étape de Mende en 1995. Un jour de grâce comme on en connait peu au cours d’une carrière. On n’était qu’au 20e kilomètre et il en restait 200 avant l’arrivée à Mende. Mais les Banesto d’Indurain prenaient vraiment l’eau. La partie de manivelles avait commencé sur les routes piégeuses du massif central. 200 bornes de bagarre. Jalabert était remonté à la troisième place du général. et il s’était offert l’étape, en lâchant les derniers échappés dans la montée du Causse, juste avant l’arrivée. une route étroite, pentue, raide, et la foule proche, serrée, dense, hurlante, qui déjà scandait « Jaja sur son passage. Un 14 juillet » . Ces « Grandes heures »… 23 étapes de légende sous la plume d’un observateur très affuté dans la matière d’une fabuleuse histoire de forçats cousue au fil de plusieurs dizaines d’étapes mythiques… Le récit de Jean-Noël Blanc épouse sans maneuvre les péripéties des héros de la route. Un travail parfaitement documenté, minutieux, mais dont, comme Antoine Blondin avait aussi su s’échapper en son temps de l’histoire officielle sans disconvenir à la véracité des événements… se paye quelques tours de roues à l’avantage de sa verve et de son goût pour le mélodrame. Une histoire d’amour pour la Grande Boucle. À lire où à relire obstinément.
Jean-Luc Gantner
« LES GRANDES HEURES DU TOUR DE FRANCE »
JEAN-NOËL BLANC
ÉDITIONS ARCHIPOCHE
288 PAGES
7,65 €