11 Avr

La RATP : dinosaure numérique 2.0

Open dataL’histoire a tout d’un canular du 1er avril. La RATP a décidé de bloquer l’accès à ses données en temps réel (passage des métros et RER en station) à l’application de mobilité la plus en vogue, et à mon sens la plus novatrice, la plus simple et la plus complète à Paris (et ailleurs dans le monde) : Citymapper ►entretien vidéo exclusif à retrouver en bas de cet article Etonnant ? Pas tant que ça si on se plonge dans l’histoire récente : la RATP a toujours eu du mal avec l’open data.  Et ça ne date pas d’hier.
On a tendance à l’oublier mais il a fallu ainsi attendre août 2012 pour que la régie libère… son plan du métro ! Oui oui, le bon vieux plan de métro de la ville, pour lequel la RATP s’est battu bec et ongles, allant jusqu’à demander à l’Apple Store de bloquer les applications qui osaient les utiliser et – déjà – proposer des services novateurs pour smartphone, sans commune mesure avec ce que l’appli RATP d’alors pouvait proposer. Checkmymetro, l’appli alors la plus en vue, doit même inviter, en 2011, les internautes à dessiner un nouveau plan pour remplacer le plan officiel. D’autres applications sont contraintes de rendre les armes et de cesser leur activité, tel TransParis ou Francilisy. Elles facilitaient pourtant la vie des usagers. La RATP, elle, préfère visiblement préserver ses propres intérêts commerciaux et financiers. Elle va même oser un temps proposer deux applications distinctes : une gratuite et une payante. La différence : la première fournit des horaires approximatifs quand l’autre affiche les horaires en temps réel ! Depuis cet épisode déjà abracadabrantesque (pour paraphraser un célèbre maire de Paris), la régie n’a plus osé proposer de contenu payant sur ses applications… lesquelles restent toujours très en retard par rapport à ce que développent les jeunes start up venues du monde entier, ou sans aucun rapport avec ce demandent les utilisateurs.

Quelques exemples :

# la 3D touch c’est beau, esthétique, c’est sympa avec un iPhone dernier cri mais c’est globalement totalement inutile
# une appli centrée sur une seule ligne, même si c’est la plus chargée d’Europe, c’est bien, mais combien sommes-nous à ne circuler que sur une seule ligne, sans changement, pour aller de notre travail à notre domicile ?!? Va-t-il falloir, à terme, télécharger une appli par ligne pour avoir les bonnes infos ?
# que faut-il penser lorsqu’une appli RER A est lancée mais qu’elle ne concerne que les gares et trains de la RATP… alors même qu’une partie de la ligne est gérée par la SNCF ?
# proposer un seul itinéraire, c’est sans doute rassurant pour le touriste de passage, mais le Parisien aime avoir le choix : où est-il sur l’appli RATP ?
Loin de moi l’idée de me lancer ici dans un réquisitoire personnel à l’encontre de la RATP : il suffit d’aller sur l’Apple Store pour découvrir les notes et remarques laissées par les utilisateurs… Certes, l’appli RATP est de loin la plus téléchargée sur les smartphones franciliens, mais elle est généralement vite remplacée par une autre application, tierce cette fois, qui a l’avantage d’être beaucoup plus riche, fonctionnelle, multimodale et dénuée de pub (contrairement à celle de la RATP).  Au choix : Citymapper, Moovit
Mais revenons à nos moutons : pourquoi diable la RATP s’en prend-t-elle frontalement depuis quelques jours à Citymapper (et curieusement pas aux autres applications, lesquelles utilisent toutes la même combine informatique pour accéder aux données en temps réel que la RATP refuse de leur mettre à disposition) ? La réponse est dans la question : Citymapper est devenue la référence pour les urbains, à Paris, bien sûr, mais pas seulement (la preuve la start up vient de lever 40 millions de dollars à New York). Et ceux qui ne connaissent pas cette appli l’ont récemment découverte suite à la polémique lancée par le blocage de la RATP : c’est ce qui s’appelle se tirer une belle balle dans le pied.
Une question essentielle doit désormais être posée à la RATP : est-ce l’intérêt de l’entreprise ou celle des usagers qui doit primer ? Partout en France, et dans le monde, les opérateurs de transports collaborent sans sourciller avec ces jeunes start up. Pourquoi la RATP s’obstine-t-elle à la jouer perso si ce n’est pour tenter de préserver jalousement sa marque et sa position dominante ? Faut-il rappeler à la régie que c’est le STIF, donc le contribuable, les entreprises et les usagers, qui la finance pour près de deux milliards d’euros par an ? Ce même STIF qui n’a d’ailleurs obtenu de la part de la RATP qu’un accès restreint aux horaires en temps réel pour sa propre appli, Vianavigo
► Ecoutez cet entretien exclusif réalisé pour Transportez-moi à Londres avec Jean-Baptiste Casaux, responsable du développement de Citymapper :

Bertrand Lambert