C’est une mesure spectaculaire, sans doute souhaitable, mais qui pose de tels problèmes – humains, financiers et logistiques – qu’elle ne verra sans doute jamais le jour, sauf à y consacrer des moyens colossaux et réaliser des travaux herculéens. Mardi, quelques heures après les attentats de Bruxelles, le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé que, désormais, « les accès aux zones publiques de transport seront réservés aux personnes munies d’un titre de transport et/ou d’une pièce d’identité ». Il a aussi prôné une palpation et une fouille systématique des voyageurs et des bagages. Mais ces deux annonces sont quasiment impossibles à mettre en œuvre dans les grandes gares parisiennes. Démonstration.
Je vous propose une démonstration par l’absurde en prenant la gare du Nord pour exemple, là où sont déjà installés les fameux portiques de sécurité voulus par Ségolène Royal.
Hypothèse 1 : si l’on veut avoir dans les gares une sécurité du type aéroportuaire, à savoir vérification à la fois de la carte d’identité, du billet de transports et des bagages, il faut s’intéresser à la seule ligne fonctionnant aujourd’hui de la sorte, à savoir Eurostar. Eurostar, c’est 3% du trafic de la gare du Nord mais en terme de surface c’est beaucoup plus : si on compte les deux quais réservés, les espaces d’attente, de contrôle, d’accès, de restauration, de commerces, de sanitaires, de lieux de repos pour les personnels douanes et de la police aux frontières, Eurostar occupe environ 13% de la surface total de la gare. Si on veut traiter de la sorte 100% du trafic, que ce soit dans la gare ou à ses entrées, il suffit de faire une simple règle de 3 : il faudrait une gare du Nord 4 fois plus grande ! Une telle perspective est évidemment illusoire, même en imaginant creuser 30 mètres sous terre, sous les actuelles lignes de RER.
Hypothèse 2 : si l’on veut seulement sécuriser l’accès aux quais, il faut s’intéresser à ce qui se fait depuis décembre pour le Thalys. Dans ce cas, seuls les bagages sont vérifiés dans un premier temps, puis les billets à l’entrée des trains. Coût de ce dispositif : 2,5M€ / an et par quai. Et pour un fonctionnement 7j/7 de 6h à 22h, 100 personnes sont nécessaires (équivalents temps plein par mois). Si un tel dispositif est étendu à l’ensemble des 17 quais et 31 voies de la gare du Nord, on arrive à 42.5M€ / an et 850 personnes. Là, clairement, ce sont les moyens financiers et humains qui manquent.
Pour toutes ces raisons, la sécurisation des trains et des gares n’est pas pour demain. Et qu’on ne vienne pas me parler des portiques de sécurité inaugurés en grande pompe en décembre dernier par Ségolène Royal. J’avais, dès le départ, souligné dans un billet combien ce dispositif était poreux et coûteux. Et bien, à l’usage, la réalité a même dépassé la fiction : vu la difficulté à gérer les flux, ce qui avait été pensé comme un contrôle systématique des bagages est devenu au fil des semaines un contrôle aléatoire. Personne ne le dit mais c’est une réalité. Et malgré cette version light, les Thalys accusent régulièrement, notamment aux heures de pointe, 15 minutes de retard. On imagine l’enfer pour les voyageurs comme pour les policiers… et même pour les agents en charge de la régulation des trains si un tel dispositif était étendu à l’ensemble de la gare.
Bertrand Lambert
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