Depuis quelques jours, on ne parle que ça : les fameux portiques et scanners à rayon X promis par Ségolène Royal ont été installés, dimanche dernier, gare du Nord sur les quais du Thalys. A première vue, c’est une initiative pleine de bon sens, sécurisant les voyages internationaux à destination de la Belgique et des Pays-Bas, à l’image de ce qui se fait déjà pour l’Eurostar, ou en Espagne sur les trains à vitesse à destination de la France. Mais la mesure, décidée dans l’urgence, suite aux attentats de Paris et à l’attaque ratée du Thalys du 21 août, tient d’abord de la communication et de l’affichage politique. Elle ne résout en rien l’éventuelle insécurité dans les transports en commun.
Le principal problème de ces portiques, c’est d’abord leur utilité très incertaine. Certes, des portiques vont également être mis en place à Lille, seule autre gare française desservie par le Thalys. Mais il faut tout de même rappeler qu’à l’heure actuelle aucun portique n’est installé (ni envisagé) en Belgique et aux Pays Bas. La sécurité des passagers n’est donc assurée qu’à l’aller, mais pas au retour ! Autre incohérence : les quais du Thalys, gare du Nord, contrairement à ceux voisins de l’Eurostar, ne sont pas hermétiques, il suffit de traverser les voies ou de balancer un sac depuis le quai voisin pour échapper au contrôle… Du grand n’importe quoi ! Mais ce n’est pas la faute de la SNCF : en si peu de temps, impossible de convaincre les gouvernements belges, néerlandais et allemands ou de construire une structure lourde, et donc fermée, comme celle de l’Eurostar.
Par ailleurs, ce dispositif, outre le fait d’être poreux, est horriblement coûteux. Une source interne haut placée à la SNCF nous l’a confié : pour rendre fonctionnels, 7 jours sur 7, de 6h à 22h, les quatre portiques aujourd’hui installés sur deux quais, il faut près de 100 personnes à temps plein. Car il ne faut pas seulement des agents de sécurité devant les portiques ou derrière les écrans pour assurer les contrôles, il faut aussi et surtout du personnel pour gérer les flux de passagers, entre ceux qui partent, qui patientent et envahissent la gare et ceux, sur le même quai, qui arrivent et qui doivent pouvoir s’en extraire de façon fluide. Il faut également du personnel en bout de quai pour empêcher l’accès au Thalys, via le tunnel en sous sol, aux voyageurs au départ de Paris (la sortie est en revanche autorisée pour ceux qui arrivent à Paris). Guillaume Pépy, le PDG de la SNCF, a reconnu lui même, lors du «Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI», que ce type de dispositif n’était « pas la panacée ». Il a par ailleurs estimé le coût à 2,5 millions d’euros par quai et par an, à la charge exclusive de la SNCF. L’intention de la Ministre de « généraliser les portiques » à toutes les gares parisiennes n’est pas donc pour demain. Aucune gare parisienne n’a été imaginé ou conçu pour ce type de contrôles, qui nécessitent notamment énormément d’espace, des quais larges (une chance, ceux du Thalys le sont) et des accès limités : autant de caractéristiques absentes de nos gares, ouvertes… et bondées !
Bertrand Lambert