Depuis 17 ans, la charte européenne des langues minoritaires fait parler d’elle en France. A travers elle, et même si sa portée reste symbolique, c’est un statut pour les langues régionales qui est demandé. Retour sur des moments clé.
- 27 octobre 2015 : les sénateurs votent une mission préalable de rejet. Le projet de loi constitutionnelle portant ratification de la dite Charte qui prévoit l’ajout d’un nouvel article 53-3 à la Constitution ne sera pas examiné par les sénateurs.
- 25 juin 1992 : la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est élaborée à partir d’un texte proposé par la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe. Elle a édoptée comme convention par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.
- 5 novembre 1992 : ouverte à la signature.
- 1er mars 1998 : entrée en vigueur de la Charte
- 7 mai 1999 : la France signe la Charte par l’intermédiaire de Pierre Moscovici, le Ministre délégué aux affaires européennes de Lionel Jospin. Sa signature a été assortie d’une déclaration interprétative. La France a signé 39 engagements sur les 98 de la charte. Il en fallait minimum 35.
- le Conseil constitutionnel a été saisi par le président de la République, Jacques Chirac, afin de savoir si une modification de la Constitution était nécessaire pour ratifier la Charte. Dans sa décision du 15 juin 1999, le Conseil, s’appuyant sur l’article 2 de la Constitution française qui dispose que « la langue de la République est le français », il décide dans son article premier que « La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires comporte des clauses contraires à la Constitution. » Selon le Conseil, en reconnaissant des droits spécifiques à des groupes particuliers (les locuteurs de langues régionales ou minoritaires), la Charte rompt l’égalité devant la loi et met en cause le principe d’unicité du peuple français. De plus, les clauses qui visent à encourager l’usage des langues régionales dans la vie publique sont jugées contraires à la règle constitutionnelle selon laquelle la langue de la République est le français. » Le processus de ratification est arrêté.
- Pourtant en septembre 98, le juriste Guy Carcassonne avait remis un rapport à la demande de Lionel Jospin précisant que « la Charte n’est pas, en elle-même, incompatible avec la Constitution étant entendu, d’une part, que l’objet de la Charte est de protéger des langues et non nécessairement de conférer des droits imprescriptibles à leurs locuteurs, et d’autre part, que ces langues appartiennent au patrimoine culturel indivis de la France. Le rapport indique que la France peut, dans des conditions compatibles avec la Constitution, souscrire jusqu’à cinquante deux des engagements prévus par la Charte. »
- De son côté, le Conseil d’État, en 1996 et en 2013, puis le 30 juillet 2015, a rendu à 3 reprises un avis défavorable (mais non contraignant) à la ratification de cette Charte avec les mêmes arguments que ceux du Conseil constitutionnel.
- juillet 2008, sous Nicolas Sarkozy, la Loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la VeRépublique a ajouté l’article 75-1 à la Constitution qui dispose que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Mais Nicolas Sarkozy n’a jamais souhaité ré-ouvrir le dossier ratification de la Charte. « la Charte des langues régionales a pour but de reconnaître des droits linguistiques à toutes les minorités et de les placer sous le contrôle d’une Cour européenne qui jugera sans tenir compte de notre histoire nationale et de notre tradition républicaine ».
- 15 juillet 2013, le comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne remet un rapport à Aurélie Filippetti afin d’élaborer « les mesures qu’il lui paraît opportun de prendre afin d’accroître les espaces d’expression des langues de France dans notre pays des lois ».
- 28 janvier 2014 : vote à l’assemblée de la Proposition de Loi Constitutionnelle de Jean-Jacques Urvoas et Bruno Le Roux (PS) par 361 voix pour et 149 contre.
- 31 juillet 2015 : lors du Conseil des ministres, la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, a présenté le projet de loi constitutionnelle portant ratification de la Charte qui prévoit l’ajout d’un nouvel article 53-3 à la Constitution. « Art. 53-3. – La ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires adoptée à Strasbourg le 5 novembre 1992, complétée par la déclaration interprétative annoncée le 7 mai 1999 au moment de la signature, est autorisée. »
8 autres pays l’ont signée mais toujours pas ratifiée : l’Azerbaïdjan, la France, l’Islande, l’Italie, l’ex-République yougoslave de Macédoine, Malte, la Moldavie et la Russie.
25 pays ont signé et ratifié la Charte : l’Allemagne, l’Arménie, l’Autriche, la Bosnie-Herzégovine, Chypre, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la Hongrie, le Liechtenstein, Luxembourg, le Monténégro, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, la République Tchèque, la Roumanie, Le Royaume-Uni, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Suisse et l’Ukraine.
Benoît Roux