Le match entre la team Fillon et la formation Juppé a bien duré 90 minutes. Mais à l’arrêt du chrono, le résultat est clair : 0 seconde pour les langues régionales ! Absentes du terrain, nada, que tchi, pas res! Vous me direz qu’il n’y a rien de surprenant à ça. Que le match était plié d’avance, que les 2 candidats sont toujours hors-jeu sur le sujet, que les trois arbitres journalistes (qui n’étaient pas en noir) ont depuis longtemps fait le deuil de ce type de question… Non vraiment, il ne fallait pas s’attendre à un miracle.
Tiens, à propos de miracle… François Fillon, chantre de la France catholique, aurait pu se souvenir que c’est bien en occitan que la Vierge s’est adressée à Bernadette Soubirou ! Et Jupppé à qui l’on prête quelques connaissances sur l’occitan , lui qui est si fier de sa ville, elle ne serait pas un peu occitane Bordeaux ?
LR Les républicains : le match
Et bien non. Pourtant la partie a été bien vendue. Toute la semaine, on a mangé des primaires, à outrance, à toutes les sauces. Les médias ont mis le paquet. Juste avant le match, on se serait cru sur Canal + : des caméras partout, l’échauffement, le vestiaire, le menu des sportifs, la fiche technique, les statistiques, des serrages de main… à la louche ! Ne manquait plus que la louma sur les points noirs des candidats. Après une bonne heure de préliminaires, forcément on était chaud. On allait voir ce qu’on allait voir, un classico façon combat de boxe Tyson / Frasier. Car rien à voir entre les 2 équipes. Un jeu en profondeur pour Fillon, jusqu’aux racines, traditionaliste; un conservatisme de balle à toute épreuve. Pour Juppé, un jeu au centre, plus prudent et emprunté, pas d’écarts sur le côté.
L’un va droit au but (aucun rapport avec l’OM) : suppression des fonctionnaires, retraites à 65 ans, augmentation du temps de travail. Il n’hésite pas à recruter à l’étranger. Oui, il faut faire une place à Poutine dans cette équipe. Et si seulement Margaret Thatcher pouvait encore jouer… L’autre n’en finit pas de dribbler, tergiverse, repasse au centre… Oui, il veut bien défendre la diversité, la différence, avec une certaine prudence. Dans son jeu, une maîtrise de la langue française qui le rend parfois abscons…mais pas gascon ! « L’identité heureuse » des langues régionales ne sortira pas de la surface de réparation française.
Décidément, le match est trop fermé, tactique, peu de fautes mais trop d’interventions des arbitres qui contrôlent trop le jeu, le hachent. Alors quand on s’embête, on ressort les bonnes vieilles archives.
LR Langues Régionales : avant match
- 1999 tribune dans Libération : http://www.liberation.fr/tribune/1999/07/09/le-derisoire-debat-sur-les-langues-regionales-occulte-des-questions-bien-plus-importantes-pour-l-ave_278098
…la question des langues régionales, que nul ne menace en France est, pour notre pays, un sujet anodin. Elle est cependant révélatrice de la situation française. L’ampleur démesurée accordée à cette affaire mineure masque mal tout d’abord la pauvreté du débat politique sur les questions bien plus essentielles pour l’avenir du pays…
- Il fut aussi l’auteur, en 2005, d’une loi sur l’éducation qui a dégradé les conditions d’enseignement des langues régionales. Avec l’instauration d’un « socle commun de connaissances« , qui n’a reconnu que les langues vivantes étrangères. Sur la question, on peut lire « L’école française et les langues régionales XIXe et XXe siècles » coordonné par Marie-Jeanne Verny et Hervé Lieutard aux Presses Universitaires de la Méditerranée. http://books.openedition.org/pulm/910
- 2012, François Fillon, candidat à la Présidence de l’UMP en campagne à Rennes… Evoquant le « maintien de l’unité de la Nation», il se réjouit qu’au fil de l’Histoire, les spécificités des langues régionales ont été « gommées mais au bout du compte le résultat n’est pas si mal avec une langue et une culture française magnifique ». Et d’enfoncer le clou : « Il faut préserver notre unité en combattant les comportements communautaires de nature ethnique ou régionale », citant le cas de la Belgique et de l’Espagne dans Le Télégramme du 20 octobre 2012.
Chasse Pêche Nature et Traditions avait adressé aux 7 candidats une charte en 10 points dont un pour défendre « les activités culturelles et traditionnelles comme les arts, les langues régionales, la chasse, la pêche, la corrida » et la création d’un secrétariat d’Etat « . Ils appellent à voter pour François Fillon. Comprenne qui pourra.
Et Alain Juppé, plus « girondin » que jacobin ?
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- 29 mai 1996, Jacques Chirac se déplace en Bretagne. Devant des parlementaires du cru, le chef de l’Etat se lance dans un vibrant plaidoyer en faveur des identités régionales. Se pose la question de la ratification de la charte européenne des langues minoritaires. C’est Alain Juppé Premier Ministre qui saisira alors le Conseil d’Etat… qui rendra un avis défavorable. Et oui, c’était déjà comme ça il y a 20 ans!
- Depuis? Rien, nada, que tchi, pas res ! Pas la moindre trace dans son programme, ses écrits…
- 5 octobre 2016, on relève juste ce tweet.
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Les langues régionales font la richesse de la France. La langue corse doit être parlée et apprise dans l’école de la République. pic.twitter.com/TjAgwydV4g
— Alain Juppé (@alainjuppe) 5 octobre 2016
Mais quelques mois en arrière, il twittait sur l’article 2 de la constitution, après le discours en langue corse de Jean-Guy Talamoni nouveau président de l’assemblée. Et Bayrou, son proche soutien, il ne lui a rien dit sur l’occitan et les langues régionales?
Finalement, ni le combat du jour, ni les archives ne vont venir au secours des langues régionales. Match nul sur toute la ligne. Je vais me coucher avec un seul enseignement : LR ça n’a vraiment rien à voir avec Langues Régionales.
Lo Benaset @Benoit1Roux