On pourrait presque appeler ça un « divorce par consentement mutuel ». Le maire de Béziers a fait savoir à la présidente de région qu’il ne financerait plus le Centre Inter-Régional de Documentation Occitane comme auparavant. Depuis la création de ce syndicat mixte en 1999, la ville de Béziers doit fournir une sorte de « pension alimentaire » (et pas une simple subvention) au CIRDOC. Mais ce mariage devenu de raison ne peut pas durer avec cette municipalité frontiste d’extrême droite. L‘établissement public ne veut pas rester tributaire d’un partenaire aussi gênant que Robert Ménard. Et comme celui-ci a fait savoir que le contrat ne serait plus le même, le CIRDOC entend changer d’aire et de structure. Attention, le divorce n’est pas vraiment à l’amiable, il pourrait être difficile à négocier, mais chacun pourrait y retrouver son compte.
Le courrier de Robert Ménard
Le 14 septembre, le maire de Béziers envoie un courrier à Carole Delga où il y indique qu’« à compter de 2017, la ville ne sera pas en mesure d’inscrire au budget les sommes nécessaires au financement résiduel du Cirdòc ». La ville ne se désengagerait pas totalement mais propose de « limiter la participation de la ville de Béziers au syndicat mixte de gestion du Cirdòc, exclusivement à la mise à disposition des fonds documentaires ». Autrement dit, la ville entend se retirer du syndicat mixte de gestion. Lors du conseil d’administration du 28 octobre dernier, cette position aurait été confirmée. Pour Patric Roux, élu régional en charge de l’occitan et par ailleurs président du CIRDOC, « C’est un coup de poignard dans le dos, un acte délibéré qui peut nous placer en situation de crise institutionnelle dès le 1er janvier ».
Le calcul est simple. Le budget prévisionnel pour 2017 devait tourner autour de 1,1 millions d’€ :
- 500 000 euros de la Région,
- 400 000 de fonds européens
- 206 000 euros de la Ville de Béziers
La contribution de la ville frôle donc les 20% du budget. Sans elle, la pérennité de l’établissement est atteinte. Le maire dit « faire avec l’argent qu’on a ». Il est vrai que l’Etat se désengage de certaines charges, dont il transfère les compétences aux collectivités, sans en assurer le financement. Les communes ont vu les dotations de l’Etat diminuer presque de moitié lors du quinquennat Hollande. Mais le maire est moins regardant sur d’autres dépenses, comme par exemple les affiches anti-migrants ou la publicité à grand frais de la venue d’Eric Zemmour…
Participation obligatoire
La mairie ne peut pas se désengager ainsi, car ce n’est pas une simple subvention qu’elle verse mais une participation cadrée, depuis que le CIRDOC est passé de simple association (avec le CIDO), à un établissement public géré par un syndicat mixte. La ville qui compte 3 représentants au Conseil d’Administration est d’ailleurs propriétaire de 80 000 ouvrages de l’établissement. En 2004, la gestion de ce fonds d’ouvrage a été confiée à l’Agglo de Béziers, mais la ville reste propriétaire… Le problème vient aussi du fit que la contribution de la ville paie une part importante du fonctionnement comme les salaires. Ce qui ne peut pas être le cas des fonds européens. D’où l’inquiétude du côté du personnel qui comprend désormais 15 salariés.
Depuis son existence, cette convention a toujours été honorée par les différents maires. La décision unilatérale de Robert Ménard oublie juste une chose essentielle : tout changement doit être voté à l’unanimité par les membres du syndicat mixte. Robert Ménard ne voudrait plus avoir à s’y soumettre. Et les raisons pourraient être plus que financières, mais aussi idéologiques. Récemment, le CIRDOC a signé une convention de partenariat avec la Ligue des droits de l’Homme pour la valorisation linguistique. Le maire s’y est opposé. « On a voté contre, car cela visait à mettre en valeur les langues maternelles en général et non l’occitan, les champs de travail et de recherche sont suffisamment importants pour qu’ils ne s’occupent que de cela » selon l’article que publie Midi-Libre. Qui veut tuer son chien…
L’avenir : un EPCC
Pour l’heure, aucune décision intangible n’est prise. La mairie ne souhaite pas se désengager complètement, ce qui légalement n’est pas possible et idéologiquement pas facile… Le maire a déjà supprimé la Fèsta d’Òc à Béziers, économisant ainsi à peu près la même somme : environ 200 000 €. Quoi qu’il en soit, le CIRDOC pourrait évoluer sur un plan juridique, un changement contraint mais nécessaire. Le syndicat mixte pourrait être dissout et devenir un EPCC : Etablissement Public de Coopération Culturelle.
Les EPCC permettent d’associer plusieurs collectivités territoriales mais aussi l’Etat dans l’organisation et le financement d’équipements culturels importants. Ils offrent un cadre souple mais stable pour gérer des institutions permanentes (comme le CIRDOC), à condition de contribuer à la réalisation d’une politique culturelle nationale. Sur cet aspect là, le travail est déjàen très bonne voie depuis la signature en 2006 d’un partenariat avec la Bibliothèque Nationale de France, devenant ainsi « pôle associé de la Bibliothèque Nationale de France ». Et le 21 novembre prochain, le CIRDOC va signer une convention avec un premier département : le Tarn. Donc les changements sont déjà sur les rails.
Et l’Etat ? Pour l’heure, il ne participe qu’à la hauteur de 4% au financement du CIRDOC… Carole Delga a écrit au Premier Ministre pour expliquer le projet et inviter l’Etat à faire un effort. Aucune réponse pour l’instant. La participation plus importante de l’Etat et celle de plusieurs départements (dont le Tarn en premier) pourraient pallier le manque venant de la ville de Béziers. On se dirige donc vers un divorce, dont la cause est tout autant politique et idéologique qu’économique. Si le maire de Béziers s’entête à se désengager du CIRDOC tel qu’il est aujourd’hui, il sait qu’il perdra devant les tribunaux. Mais d’ici-là, le CIRDOC sera asphyxié. La difficulté pourrait résider dans cette période de transition entre la fin du syndicat mixte et l’existence du nouvel EPCC. Mais des garanties seraient apportées de la région Occitanie. En attendant, la résistance s’organise.
Un groupe d’Amis du CIRDOC s’est constitué… Les adhérents sont nombreux. Des utilisateurs, des proches du CIRDOC, qui ne veulent surtout pas être sous la garde d’un parent aussi inapproprié que Robert Ménard.
http://www.amicsdelcirdoc.com/https://www.facebook.com/pg/amicsdelCIRDOC/about/?ref=page_internal
Le CIRDOC en chiffres
- Budget : aux alentours des 1M d’€
- 15 salariés
- 150 000 ouvrages de référence
- 2000 titres de périodiques (revues occitanes)
- 800 projets culturels
- + de 80 000 titres du XVIème siècle à nos jours (manuscrits, archives, livres, revues, partitions, enregistrements sonores et audiovisuels, estampes, affiches, photographies, objets, etc.)
Le CIRDÒC est le grand conservatoire de la langue et culture occitanes.
Lo Benaset @Benoit1Roux