Le 16 octobre risque bien d’être un jour historique : dans l’église de Montségur l’évêque de Pamiers Jean-Marc Eychenne fera une demande de pardon, au nom des catholiques d’Ariège, pour avoir participé à des actes contraires à l’Évangile, autrement dit une repentance visant la Croisade contre les Albigeois et plus précisément le bûcher de Montségur. Une démarche de fraternité entre chrétiens -les cathares faisaient bien partie de la chrétienté- dans un esprit de réconciliation. Une initiative personnelle de l’évêque qui s’inscrit dans un objectif plus large du pape François qui invite l’Eglise catholique à vivre l’année 2016 sous le signe de la miséricorde. Une célébration et une marche silencieuse vers le site de La Prade sont également prévues pour ce qui constitue déjà un événement.
La volonté de l’évêque de Pamiers Jean-Marc Eychenne
L’évêque de Pamiers dispose de toute autorité et indépendance sur son diocèse. Pour ses actes, il n’a pas besoin d’en référer à sa hiérarchie. Mais on peut raisonnablement penser qu’il fait part de cette initiative en haut-lieu du côté de Rome. Jean-Marc Eychenne est né à côté de Pamiers. Il a étudié à Paris, exercé son ministère en Italie pendant une quinzaine d’années à Gênes avant de rejoindre le diocèse d’Orléans puis celui de Pamiers le 17 décembre 2014.
L’idée de demander pardon est née à ce moment-là, notamment lors de différents entretiens avec plusieurs personnes chrétiennes à la mémoire blessée par la Croisade et le simple fait de tuer au nom de Dieu. Selon le porte-parole épiscopal (le Père Edouard de Laportalière) c’est la chanteuse occitane Muriel Batbie qui a permis que ces personnes se retrouvent. Au printemps 2016, l’évêque va voir Jean-François Laffont à l’Ostal d’Occitània. La réflexion fait son chemin. L’évêque consulte, notamment les Dominicains pour lesquels ce dossier est très sensible. La journée du 16 octobre est actée.
Le 16 octobre 2016 à Montségur
A 15H, une célébration -et non pas une messe- sera donnée dans l’Eglise de Montségur. Une liturgie avec des prises de parole, notamment de Jean-Marc Eychenne qui fera sa demande de pardon, au nom de l’Eglise d’Ariège, car ses compétences ne vont pas au-delà. Une demande de pardon auprès de Dieu. L’Eglise regrette aussi la collusion qu’il y a eu à l’époque entre le pouvoir temporel (politique) et spirituel (l’Eglise). Selon le père Edouard de Laportalière, « c’est une erreur de considérer le temporel comme un allié dans de telles circonstances. » Dans son communiqué, l’Eglise d’Ariège précise :
« Nous demandons pardon au Seigneur d’avoir participé par certains de nos membres et certaines de nos institutions à des actes contraires à l’Évangile. Evangile dans lequel le Seigneur Jésus nous donne le commandement d’aimer notre prochain et de ne pas répondre à la violence par la violence »
La cérémonie n’est pas encore totalement actée mais il se pourrait que Mgr Eychenne fasse des gestes symbolique comme laver des pieds en signe d’humilité. Muriel Batbie chantera le Pater Cathare, ce qui ne s’est jamais fait en de telles circonstances. Ensuite, il y aura une marche silencieuse vers le site de la Prade situé en dessous du parking qui mène au château, le véritable lieu où les 225 cathares ont péri le 16 mars 1244 sur le bûcher de l’Inquisition. Une procession avec des branches de laurier se fera au son du Graile e de la Bodèga de Xavier Vidal et Claude Roméro.
En 1998 un manifeste pour la réconciliation
Cette demarche de pardon, même si elle reste limitée à l’Ariège est une première. En 1998 il y avait pourant eu une tentative avec ce « Manifeste pour la réconciliation », une lettre de 3 pages rédigée et envoyée à Jean-Paul II. Une initiative du maire de Toulouse Dominique Baudis, Jean-François Laffont, l’abbé Jòrdi Passerat, Bertran de La Farge, Patrick Lasseube, une vingtaine d’Occitans qui ont voulu interpeller le pape et inciter l’Eglise à reconnaître ses fautes et pardonner… Ceci, juste au moment où l’on pensait avoir retrouvé la dépouille de Raymond VI dans un sarcophage, mort excommunié, enterré secrètement à Toulouse. Une demande de levée d’excommunication avait alors été faite, faisant suite à celle de son fils Raymond VII presque 800 ans plutôt et qui attendait elle aussi une réponse !
Dans un document intitulé « Mémoire et réconciliation », Jean-Paul II avait formulé une demande de pardon auprès de Dieu, exprimée aussi lors de cérémonies à Rome. On l’a entendu regretter l’Inquisition, mais il n’y a jamais eu de références et de pardon demandés aux cathares.
Le 16 octobre pour aller plus loin
L’évêque de Pamiers n’a pas de prérogatives nationales, il lance cette initiative à son niveau. Mais elle pourrait bien être reprise ailleurs et pourquoi pas trouver un écho auprès du Vatican.
Le contexte est sans doute favorable. Le pape précédent Joseph Ratzinger avait choisi le prénom Benoît, en référence à Saint Benoît, fondateur des Bénédictins. On peut aussi y voir une allusion à l’évêque de Pamiers Jacques Founier, celui qui mit le feu au bûcher de Montségur, le futur souverain pontife Benoît XII. Quoi qu’il en soit, c’était un pape plutôt tourné vers l’intérieur de l’Eglise; son successeur est plus ouvert vers l’extérieur. Et ce n’est pas un hasard si Jorge Mario Bergoglio a préféré le prénom François, allusion claire aux franciscains, ceux à qui l’Eglise s’était attaquée après les Cathares. On peut légitimement penser que le pape François Ier pourrait s’intéresser à cette démarche venue d’Ariège et aller plus loin en demandant un pardon plus général par rapport à l’Inquisition. Il doit venir en France en 2017 ou 2018.
Nous n’en sommes pas là ! En attendant, le 16 octobre marque une première étape. L’évêque de Pamiers sera aussi présent le 19 novembre pour un colloque à Toulouse intitulé « Convivéncia, un nouvel art de vivre ensemble » avec des représentants de toutes les religions, des athées, des animistes… Histoire d’aller plus loin, pour une Occitanie large et ouverte, d’envergure internationale.
Lo Benaset @Benoit1Roux