En 1980, Peter Gabriel enregistre un hymne poignant et engagé dédié à Steven Biko assassiné lorsqu’il était dans une prison sud-africaine. Une chanson d’une puissance incroyable qu’il ne manque jamais d’interpréter en concert. Il vient de réenregistrer ce tube mythique avec 25 musiciens dont Angélique Kidjo, Yo-Yo Ma et le bassiste Meshell Ndegeocello.
Peter Gabriel et les musiciens de Biko. Capture You tube
September ’77 Port Elizabeth weather fine It was business as usual In police room 619
Un acte « banal », comme il y en avait beaucoup dans les geôles sud-africaines lorsqu’on est noir. Un fait inacceptable pour le chanteur humaniste engagé Peter Gabriel, ami de Nelson Mandela pour lequel il a fait plusieurs concerts lors de sa sortie de prison. Pour ceux qui ont assisté comme moi à plusieurs concerts de Peter Gabriel, la puissance de cet hymne est incroyable. Un recueillement, un respect et des poings qui se lèvent à l’unisson, une humanité profonde.
Plus de 40 ans après, l’artiste anglais décide de réenregistrer la chanson, dans le cadre de l’initiative « Playing for Change’s Song Around the World » et le Fonds des Nations Unies pour la population pour célébrer le 75e anniversaire de l’ONU.
La force de l’enregistrement initial est préservée, la voix de Peter Gabriel garde sa puissance, des musiciens et chanteur viennent raviver la flamme dans une tension extrême.
Comme souvent avec Gabriel, la fusion marche, avec un vrai apport de chaque artiste, une sono mondiale brillante qui fait de la place à tout le monde, quelle que soit sa culture. La magie perdure, l’engagement du chanteur et le racisme aussi. Dans une interview au journal Rolling Stone il déclare : « Bien que la minorité blanche du gouvernement sud-africain est éteinte aujourd’hui, le racisme que l’apartheid représente et qu’on retrouve aujourd’hui partout dans le monde n’a pas disparu. »
Cette « nouveauté » ne comblera pas le manque immense pour le public de fans, sevré de nouvelles chansons. D’après l’artiste, plusieurs inédits joués lors de concerts ont été enregistrés. Alors pourquoi pas un nouvel album…
Deux ans avoir reçu une victoire comme « révélation », le guitariste classique Thibaut Garcia concourt ce soir encore pour les Victoires de la Musique Classique. Il n’a que 26 ans, mais déjà beaucoup de concerts dans le monde entier et des récompenses à la clé.
Thibaut Garcia 2019 Photo: Marco Borggreve
Ce n’est pas tous les jours que la guitare classique se fait une place dans la cour plutôt fermée de la musique classique.
Révélation Victoires de la Musique Classique 2019
Pourtant ce soir, l’auditorium de Lyon pourrait voir cet instrument royal triompher sous les doigts agiles de Thibaut Garcia. D’origine espagnole, ce jeune prodige de 26 ans a posé ses cordes dans les plus grandes salles : à Tokyo, Moscou, Paris Nashville… Il est nommé dans la catégorie « soliste instrumental », aux côtés de deux pianistes, Khatia Buniatishvili et Alexandre Tharaud. La guitare classique souvent oubliée viendrait donc se frotter aux cordes plus reconnues du piano.
Reportage France 3 Eric Coorevits/Patricia Chalumeau
Passé par le conservatoire de Toulouse puis celui de Paris, n’allez pas croire que Thibaut n’écoute que de la musique classique. Si de par ses origines il a beaucoup interprété la musique espagnole, il écoute aussi beaucoup d’électro, du rap, du rock…
En 2013, il obtient le premier prix du Concours international de Séville, 2 ans plus tard celui de la « Guitar Foundation of America Competition ». Il est aussi nommé filleul de l’Académie Charles Cros.
Portrait Thibaut Garcia France 3 Occitanie Eric Coorevits (2019)
Une nouvelle Victoire de la Musique lui donnerait encore un nouvel élan pour promouvoir son instrument et sa musique. Il est aussi le créateur de l’événement « Toulouse Guitare » où les jeunes futures pépites côtoient les maestros. Un nouveau rendez-vous est prévu en mars retransmis en streaming sur la page Facebook dédiée.
C’est une première pour le photographe et elle est réussie. Franck Pourcel signe le tout nouveau clip de De la Crau « Shaman ». Des images noir et blanc granuleuses pour une chanson qui a la fièvre.
Photo : Franck Pourcel
Il y a la beauté du texte de Sam Karpiénia, celle de la musique de De La Crau et désormais, les images qui font corps de Franck Pourcel. C’est une première pour lui qui n’avait jamais réalisé de clip. Un parti pris esthétique noir & blanc granuleux qui donne un genre. Le feu qui habite les images et revient comme un gyrophare sur le refrain. Oui ce clip amène de la force à une chanson déjà puissante.
Encore plus puissant et hypnotique que Dupain pour lequel chanta jadis Sam Karpiénia, il faut aussi se pencher sur les paroles toujours poético-politiques de Sam qui chante et écrit en occitan. Un vrai choix politique et artistique.
Les cendres se dispersaient dans le ciel / Dans un dernier envol / Chauve souris, Tambour de sorcière / Danse des siècles / La fumée des bougies a donné du souffle / Les cheminées noircissent les visages / Les torchères à la nuit close / Visages noirs de l’histoire / Cachés, visages sans paroles / Un millénaire transperce la nuit / Tout se mélange, les contraires se rencontrent / Un millénaire transperce la nuit / Il danse le chaman, ouvre les portes / Regarde brûler la pierre / Loin d’ici la souffrance / Le fils du chaman se lève / Un Millénaire transperce la nuit / Tout se mélange, les contraires se rencontrent / Dans les méandres de la toile, loin du silence / Dans les méandres, loin des étoiles / Il a perdu le fil millénaire / Dissipés les enseignements séculaires / Embarqué dans le monde creux être dedans ou rester en dehors / Les pieds sur le goudron.
Une belle osmose texte-voix-images. La tempête et le feu n’ont pas fini de souffler.
Après Gacha Empega, Dupain et Forabandit, Sam Karpiénia poursuit ses chemins de traverse avec De la Crau. Résolument rock, post-punk, toujours radical, ce nouveau groupe va sortir son premier EP le 19 février. Un nouveau clip est en préparation.
De la Crau Photo : Franck Pourcel
Comme souvent avec Sam, tout est affaire de rencontre. Ce nouveau groupe s’est constitué au fil des envies, des routes bartassièiras avec des parallèles musicaux qui finissent par se rencontrer. Il y a SAM KARPIÉNIA porté par le flot, les cordes frottées de MANU REYMOND et les fûts bien trempés de THOMAS LIPPENS. Ils travaillent ensemble depuis 4 ans. Il y a tout juste un an, sortait le premier clip réalisé par Thomas Sanna sur le morceau « Temperi » qui sera sur leur premier EP.
De la Crau – Temperi
« Chaman » sera le deuxième morceau à sortir sous forme de clip. Là-aussi, une histoire de rencontre. Celle de Sam et du photographe Franck Pourcel. Il vit à Marseille comme auteur-photographe indépendant. Les photos de Franck ne sont pas forcément focalisées sur le domaine artistique mais sur la rencontre (encore) entre l’homme et son territoire. L’histoire aussi De la Crau. Apéros, discussions, Franck se retrouve à réaliser son tout premier clip. Un clip noir et blanc, tourné al pais, à Martigues, Fos, Port de Bouc et l’étang de Berre.
Sam Karpiénia – Chaman réalisation Franck Pourcel
« Chaman », la symbiose entre un homme, son esprit et son territoire. Mi païen mi sacré, poétique rocailleux et inspiré. Histoire de feu, d’usines évidemment. L’esprit chamane oui, mais il faut aussi turbiner quand le pratique prend le dessus. Pour que ce clip qui s’annonce atypique voit le jour, un financement participatif a été organisé sur le site Helloasso. Il ne reste plus que 2 jours pour porter sa pierre à De la Crau.
Le clip sortira le 12 février sur Youtube, l’album sur Bandcamp une semaine plus tard. En attendant, c’est Lucas Fox le batteur et fondateur de Motörhead qui va conclure : « Chez De la Crau, leurs ancêtres Celtes descendus d’Ecosse et d’Irlande s’entrechoquent le long de la route des épices avec les sonorités de l’Afrique de l’ouest jusqu’au Maghreb. Les paroles toujours aussi engagées sont transportées par la voix du Sud de Sam, bien mûrie, habitée par cet humanisme profond ».
Photo : Franck Pourcel
De la Crau, Motörhead, encore une rencontre. Sur les chemins de traverse de Sam, les planètes s’alignent pour De la Crau.
Le duo RoSaWay prouve une fois de plus qu’il est fait pour le live. Extrait de son dernier EP, voici une version décoiffante de « Good for You », un morceau inspiré de la Nouvelle Orléans. Musicalement très riche et qui donne la pêche.
Bouclé en 2 jours, installation comprise, ce live de « Good for you » est encore plus pêchu que sur l’EP. Le titre très inspiré de la Nouvelle Orléans où les cuivres rutilants sont remplacés par la flûte de Rachel, en boucle comme un brass band.
RoSaWay – Good For You en registré Live
Un vrai plaisir « Good for us » qui fait encore plus regretter de ne pas pouvoir les voir sur scène. Eux qui ont sillonné à plusieurs reprises les Etats-Unis et la France sont vraiment faits pour le live. Si tout va bien, ils sont programmés pour le prochain Festival Vocal « Le Fruit des Voix » qui se tiendra du 12 au 30 octobre 2021 à Lons.
Bravo les artistes. Belle production, très bon son, belle inventivité et une indéniable et indestructible pêche à la fin.
Elle avait séduit avec son premier disque « Chapter One » sorti en 2018. Il n’est jamais facile de confirmer un talent brut. Beaucoup s’y sont plantés. Avec « Out », elle réussit son come-back. Une soul-pop plus riche et variée.
Photo extraite du clip « Back on my feet »
Dès les premières notes, on sent que quelque chose a changé mais que ce sera bien.
« Out », le second album de la rupture
Quand elle sort son premier album, derrière Kimberose se cache un duo : la chanteuse et son ami de l’époque guitariste. « Chapter one » a été écrit et composé ensemble. Depuis, le couple n’existe plus. Anecdotique? Non car ce nouvel album est résolument différent. Si l’on retrouve les ingrédients du premier, le second est un peu moins soul, égrainé de pop, de RnB et même de reggae.
Née dans l’Essonne d’un père anglais, scientifique qui travaille alors en France et d’une mère également anglophone, immigrée du Ghana à Paris. Kimberose a choisit ce nom d’artiste pour « Kimberly ose ». Et on peut dire que ce n’est pas usurpé.
Kimberose – Back on my feet
Si la voix est toujours aussi brillante, elle est un peu plus dans les aigus et le nasal. Kimberly Rose Kitson Mills est une interprète qui marche sur les traces d’Amy Winehouse (en moins jazz), Macy Gray ou encore Céleste qui sort elle aussi son album cette semaine. Elle fait partie des rescapées de l’émission de téléréalité « La Nouvelle Star » dont elle avait été éjectée très rapidement. Capable d’aller dans la force comme dans le plus intime. Un chant parfois maniéré mais toujours très assuré, dans le rythmique comme dans la mélodie. Une œuvre plus intime.
Des compositions très variées
Dans le premier album, il y avait une certaine unité, comme une évidence. « Out » est plus surprenant. 14 nouvelles chansons avec de nouveaux complices. Un disque ou elle se livre comme dans ce morceau très abouti « Sober » qui fait référence à l’alcolisme. Une reprise d’un texte de Joy Oladokun très réussie, dans laquelle elle s’est reconnue.
Kimberose – Sober
Pas vraiment de fautes de goût de dans la variété des compositions. Quelques perles mêmes comme « Warning Signs » qui sonne comme un classique. Les musiciens sont impec, les arrangements à la fois classiques et un tantinet inventif. Les cordes apportent de la légèreté, les cuivres et les claviers de la soul, les basses sont lourdes et les morceaux groovent parfaitement à l’image d' »Escape ». Kimberose a fait confiance à son petit frère sur plusieurs morceaux, elle en signe aussi certains avec brio comme « Thin Air » et le magnifique et poignant « We Never Said Goodbye ».
Kimberose – We Never Said Goodbye
A l’écoute de « Out », pas un des quatorze titres est en deçà des autres. Un album soigné réalisé par Régis Ceccarelli (le fils du batteur André Ceccarelli mixé et masterisé par le célèbre Dominique Blanc-Francard au Studio Labomatic à Paris. L’ancienne infirmière Kimberose signe une pop élégante et raffinée. La confirmation d’un vrai talent.
C’est beau, tout simplement beau. Et même sublime. La musique, le chant, les sons, les paysages. Le deuxième clip de Rodín Kaufmann et Amic Bedel est une réussite esthétique et émotionnelle. Une œuvre qui dépasse les limites habituelles et les frontières de nos sens.
Quelques mois après « Leis alas dau temps » (Les ailes du temps), le volet 2 de la trilogie a vu le jour. « Rei de la luna » (Roi de la lune) est une histoire de rencontre, de voyages qui se passe au delà du temps et des frontières.
Ce deuxième clip est encore plus personnel, plus intime que le précédent. Filmé dans des endroits magnifiques (Montagnes de Lure, Glacier Noir, Hautes-Alpes) mais aussi personnels à l’artiste comme l’atelier de son grand-père ou encore chez sa mère. Tout a du sens et relie les émotions. L’esthétique est une fois de plus très soignée, les images sont magnifiques, les lumières très belles pour mieux emporter l’auditeur et spectateur.
Rodín – Rei de la luna
Rarement une écriture peut-être aussi puissante : la poésie est omniprésente dans les mots mais aussi le décor, le flow se déverse pour une mise en abyme totale loin des clichés habituels du rap et du hip-hop. L’histoire entre le Roi de la lune (Rodín) et la Reine de la faune (Chloé Chagnaud) est prétexte à évoquer des moments forts : le désir, l’absence, la plénitude, le vide. Peu importe l’histoire, peu importe ce que l’on y perçoit, ce que l’on veut bien y voir. Ce sont les sentiments qui priment.
Le travail artistique de Rodín et Amic Bedel a toujours été très profond et personnel. Rien n’est gratuit, tout est sans concession. Nous sommes comme dans un conte onirique, une espèce d’odyssée moderne qui mélange les genres. Les sons de Rodín sont beaux et variés, les voix des chœurs qui rappellent un prélude de Bach très prenantes, tout est travaillé minutieusement, comme le tissage artisanal de l’atelier de Chloé Chagnaud que l’on voit dans le clip. Tout est parfaitement équilibré et fouillé, en prise avec la nature.
Il y a quelques mois, le trio mancunien sortait l’un des meilleurs disques de l’année. Confinés, ils sont allés enregistrer un live dans le célèbre Studio 2 des Beatles. Histoire de roder le disque avant une tournée toujours reportée. Tout simplement impressionnant.
En 2015, le groupe GoGo Penguin enregistre dans les studios mythiques londoniens des Beatles. Dans la foulée de leur dernier album éponyme GoGo Penguin, le groupe devait partir en tournée. Pour ne pas tourner en rond et roder les morceaux, ils décident donc de faire un live d’une demi-heure avec 7 titres en direct. « Nous avions enregistré un EP au Studio 2 et avions adoré ce lieu et, d’une manière ou d’une autre, il était logique de filmer un concert ici », confie le bassiste Nick Blacka. C’est devenu un procédé en vogue actuellement : les fans achètent un lien pour le streaming comme ils auraient acheté un billet. Au vu de ce disque, ils n’ont pas du être déçus. Pour ceux qui l’auraient manqués, le disque vient de sortir.
GoGo Penguin Live Studio 2 – Atomised
Mélange de jazz contemporain, de musique répétitive, d’électronique, les musiciens délivrent un cocktail survitaminé. « C’est un endroit vraiment spécial et on cherchait un lieu intime dans lequel nous pourrions retrouver l’excitation incomparable de la performance live » raconte le pianiste Chris Illingworth sur le site Qobuz. Même son de caisse claire pour son compère batteur : « Quand nous jouons, nous interagissons toujours les uns avec les autres mais aussi avec le public. Les gens et l’énergie dans l’espace font autant partie de la performance que nous. Le Studio 2 est habité par les fantômes des musiciens incroyables qui s’y sont produits. Il y a une atmosphère qui lui est propre. On ressent vraiment l’étendue du temps, tout ce qui s’est passé avant vous et qui continuera de se passer après vous. »
Une prouesse musicale en live
Déjà plus que séduit par l’album studio, ce faux-vrai live ne fait que prolonger et démultiplier le plaisir. Sur les 7 morceaux, 4 sont extrait de l’album paru en 2020. Les 3 musiciens sont au top de l’osmose musicale. Rarement une musique en trio est aussi pleine, complémentaire, enivrante. Le piano part à l’attaque, sur des notes un peu aigues, la batterie creuse les sillons derrière et la basse approfondit. Le son est magnifique, la dextérité impressionnante, sans devenir encore une fois le concours de technicité que l’on sent parfois dans le jazz.
GoGo Penguin Live Studio 2 – Petit_a
Dès le premier morceau « Totem » c’est comme un volcan en ébullition qui se libère de l’intérieur. Quant au dernier « Protest » c’est l’apocalypse, la fusion totale qui anéantit tout. Un morceau incroyable de puissance. Un déluge musical qui vous emporte on ne sait où.
Les titres extraits de leur dernier album sont à la fois proches de la version studio -tant il y avait déjà un esprit live- mais encore plus libérés, dans la fusion et l’osmose pour le son commun. On a du mal à imaginer que c’est bien du live au vu de la performance et de l’absence d’applaudissements, mais le groupe a bien confirmé que tout avait été enregistré one shot et diffusé par la suite. Du Brésil au Japon et bien sûr au Royaume-Uni, GoGo Penguin avait réuni des milliers de fans en streaming. Un moindre mal mais qui ne fera pas oublier qu’il faut vraiment les voir sur scène.
Certainement l’un des groupes les plus intéressant et surprenant du moment. Pas étonnant qu’il soit signé par le célèbre label Blue Note. Si vous cherchez un cadeau pour Noël, je vous recommande ce live, ou l’album studio, une place de concert… Ce sera un sacré choc.
Dans un monde culturel toujours à l’arrêt, ce joyau confiné de l’artiste Australien Nick Cave est une percée de lumière dans un ciel noir. 22 titres enregistrés seul au piano cet été à Londres, des chansons sans artifice, à fleur de peau qui inventent un nouveau genre. Le disque vient de sortir. En attendant la vidéo.
Idiot Prayer de Nick Cave. Photo de l’album
Un piano, installé dans le magnifique Alexandra Palace de Londres, un 23 juillet. Nick Cave s’installe. Pas de public. Juste les résonances de 35 ans de carrière, des extraits de 17 albums dont le magnifique petit dernier Ghosteen. Alors que les artistes se cherchent et les maisons de disques expérimentent, Nick Cave propose cet été de jouer en live seul au piano pour un Livestream payant. Le concert est alors retransmis en direct pour son public qui a payé pour obtenir le lien. Les chansons sont sombres mais l’interprétation brillante. L’engouement est tel que plusieurs personnes n’arrivent pas à se connecter. Mais les veinards qui ont pu le voir ne sont pas avares d’éloges. Alors finalement le concert se retrouve sur certaines plateformes vidéos, puis retiré. Jusqu’à la sortie d’IDIOT PRAYER en disque et version numérique le vendredi 20 novembre.
Euthanasia – IDIOT PRAYER: Nick Cave Alone at Alexandra Palace
Une colère contenue, une émotion permanente, le souffle, les silences, les résonances du piano, tout est magnifique. Ne manquent que les applaudissements. Et bien non, justement. Ce live sans réaction du public permet de rester dans l’intime, de profiter jusqu’à la dernière goutte de ce breuvage enivrant. Vraiment un nouveau genre, un joyau brut que rien ne perturbe. Le funambule est en permanence en équilibre. Il pourrait sombrer, cherche ses respirations, reprend le dessus, se maintient dans l’épure et laisse la musique le guider.
Galleon Ship – IDIOT PRAYER: Nick Cave Alone at Alexandra Palace
Comme un prêcheur charismatique que l’on suivrait presque comme de vulgaires moutons -d’où le titre Idiot Prayer- on passe par toutes les émotions, subjugué par le talent brut de cet artiste inspiré et parfois désespéré. Certains autres chanceux ont pu aussi voir ce show diffusé au cinéma début novembre. 90 minutes de temps suspendu, filmé par le cinéaste irlandais Robbie Ryan qui devraient bientôt sortir en DVD. Pas complètement indispensable tant la musique et la voix sont déjà l’écrin d’émotions pures. Profond et transcendant.
Rodin Kaufmann est un artiste pluriel. Comédien de formation, chanteur, rappeur, poète, rappeur, compositeur, beatmaker, graphiste, plasticien. Une diversité culturelle, un esthétisme qui se retrouve dans sa musique. Son premier album sortira en février, signé par un label américain.
Photo extraite du clip « Leis Alas dau temps »
Il faut voir son art comme quelque chose de global : les sons, la musique, la poésie, l’engagement, le visuel. L’un ne va pas sans l’autre et fait de Rodin Kaufmann un artiste singulier. En 2015, paraissait « Ara », 6 pièces poétiques aux mots lyriques décollées par 6 musiciens qui franchissent les murs du sons, aux univers longs porteurs. « Leis alas dau temps » (Les ailes du temps) le premier titre du nouvel album vient de sortir sous la forme d’un clip superbe. Rodin a gardé toutes ses particularités, ses richesses culturelles tout en les rendant plus accessibles avec cette nouvelle production qu’il a lui même réalisée.
Du hip hop poétique
« Les alas dau temps » est plutôt un morceau doux, mené par une voix légère, quelques sons cristallins comme des gouttes d’eau pour ponctuer. On sent d’emblée que la production est solide, le flow assuré, apaisé aussi. Ce pourrait être une berceuse, inspirée par une chanson traditionnelle « La nòvia » (La mariée). Une chanson de séparation, d’amour de loin cher aux troubadours (« Amor de lonh »). « Pour moi, les Troubadours sont les rappeurs du Moyen-Age. Leur lien avec la langue, l’excellence de leur écriture, la complexité aussi… ». Chez Rodin, les références à ces chanteurs poètes du Moyen-Age sont nombreuses. L’album qui sortira en février s’appelle « Pantais clus » (Rêve fermé, clos) en référence au « Trobar clus » des troubadours (Trobar : composer, écrire un poème).
Pour ce clip, Rodin Kaufmann a fait appel une fois de plus à Amic Bedel. D’ailleurs est-ce vraiment un clip, une fiction, une épopée, une allégorie ? Les pistes sont ouvertes. La réalité est obscure et la nature remplie de poésie. Ces « Ailes du temps » nous font passer les époques pour nous laisser suspendus au temps.
Rodin Kaufmann – Leis alas dau temps (Les ailes du temps) clip réalisé par Amic Bedel
Le film interroge, mélange les genres et les époques. En tous cas il captive. Rodin et Amic ont prévu de faire une vidéo explicative à ce premier volet d’une trilogie de clips consacrée à cet album qui sortira en février 2021. « Leis alas dau temps » se termine par les mots et la voix magnifique du poète occitan Max Rouquette. « On utilise souvent des samples dans le hip hop. Il y avait cet enregistrement de Max Rouquette des années 80. Le texte est puissant, la voix aussi. C’est une manière de le faire revivre. » Dans cette œuvre empreinte de poésie, cet hommage vient conclure parfaitement le morceau avec beaucoup de solennité.
Photo extraite du clip « Leis Alas dau temps »
Comme souvent chez Rodin, les références et les univers sont multiples. On y voit un clin d’œil aux troubadours mais aussi à la nouvelle chanson occitane des années 70-80. On pense à Rosina de Peira, merveilleuse interprète de la chanson « La nòvia » qui a inspiré ce morceau. Il y a aussi une référence au monde Perse avec le Khorassan, source de l’amour, le lieu aussi où se sont rencontrés ses parents au Nord de l’Iran.
Un album à venir signé par le label américain Fake Four
Difficile de coller une étiquette sur la musique de Rodin même si la dominante est bien hip hop. Un ovni dans la production hexagonale, avec la barrière fatale de la langue occitane. Car forcément, l’occitan appartient au passé et ne doit pas exister dans les temps présent et futur des musiques actuelles. La lumière est donc venue des Américains. Le disque est déjà prêt, produit par Rodin. Mais qui veut s’aventurer à sortir un disque de musiques actuelles…en occitan ? Heureusement, Francis Esteve alias Cisco connaît bien Rodin, la musique et le milieu américain. C’est lui qui va aller dénicher le label alternatif Fake Four qui compte beaucoup d’artistes rattachés à une minorité. « J’ai trouvé une vraie famille musicale qui comprend ce que je fais. Fake Four va distribuer ce disque. Francis l’a écouté. Avec son label Dora Dorovitch, il touche l’international. «
Photo extraite du clip « Leis alas dau temps »
Et les projets ne manquent pas. Un second titre « Rei de la luna » (roi de la lune) sortira le 6 janvier, avec des petits teaser vidéos pour l’accompagner d’ici-là. Pour l’avoir écouté, le morceau est superbe avec des chœurs et un flow poétique de toute beauté Le clip est déjà tourné, sur plusieurs lieux liés à l’enfance de Rodin. Le 10 février, l’album « Pantais clus » suivra sur les plateformes numériques et en sortie physique. Il y aura une version « deluxe » avec des mixs différents et 3 titres en plus. Un troisième clip « Pensarai en tu » (je penserai en toi) sera publié le 17 février pour clore la trilogie. Ce qui donnera lieu à un film d’une vingtaine de minutes avec les 3 clips, d’autres chansons et des morceaux en live.
En parallèle, Rodin travaille sur d’autres projets avec les Américains, notamment avec les indiens Navajos de l’Arizona. Il collabore également avec d’autres artistes de rap et de hip hop. En 2013, il avait enregistré ce clip à New-York avec Amic Bedel.
Rodin feat citizen chance – Indignats (Indignés)
Rodin bouscule les genres, fait voler les schémas classiques pour des créations transversales. Dans un monde d’uniformité, sa singularité interpelle. Le côté global et total de sa créativité aussi.