07 Nov

Le spectacle impressionnant des professions liées à la culture, l’événementiel et la restauration à Toulouse

A quelques mètres du Capitole de Toulouse, ce n’était pas du théâtre. Comme pour l’Alerte Rouge en septembre, ces professionnels « non essentiels » ont manifesté de manière spectaculaire pour signifier la mort prochaine de leur activité et la fin du lien social qu’ils entretiennent.

Manifestation 6 novembre 2020 Place du Capitole (Toulouse) Photo : Yann Olivier d’Amontloir FTV

En début de semaine, ils avaient déjà donné le ton dans un clip explicite sur fond de corrida, avec mise à mort de leurs professions.

Mobilisation pour la survie des entreprises « essentielles » au lien social

Après les parapluies colorés d’Octobre rose, place au noir ce vendredi. Un millier de manifestants, en tenue de deuil, abrités seulement par un frêle parapluie noir. Pas de camion pour bloquer, pas d’outils pour casser, pas de haine à déverser. Juste une colère froide et réfléchie contre le gouvernement symbolisée par ce slogan :

Gouvernement, si vous nous fermez… vous devez payer

La peur de mourir

Issus du monde de de la culture, de l’événementiel, de la restauration et de l’hôtellerie, des loisirs, du sport, des commerces de proximité, de l’artisanat, tous victimes économiques des mesures imposés par le gouvernement avec ce second confinement. Ils ont répondu à l’appel de la CPME31, Events 31, l’UMIH 31 entr’autres.  

Certes, le gouvernement a mis en place des aides. Le chômage partiel fonctionne plutôt bien, mais la plupart de ces petits patrons n’ont pas accès aux aides. Pas plus à titre personnel qu’au niveau global de l’entreprise. Par exemple, la plupart des restaurateurs ne touchent pas l’indemnité d’un fond de soutien prévu qui avoisine les 1500€. Une grosse majorité de ces entreprises ne sont pas éligibles à d’autres aides car il faut avoir perdu un certain pourcentage du chiffre d’affaire.   

L’alternative est simple : comme leur activité se trouve fortement endommagée, soit ils sont indemnisés à 100%, soit ils disparaissent. La CPME 31 organisatrice de cet événement estime que 60% de ces entreprises pourraient déposer le bilan dans les prochains mois.

Mobilisation du Capitole. Photo : Picsprod

Une mise à mort donnée en spectacle

A une situation exceptionnelle, les organisateurs ont voulu répondre par une manifestation hors normes. En quelques jours, petits commerçants de proximité, restaurateurs, gérants de salles de sports, de lieux culturels, se sont unis aux professions de l’événementiel pour réaliser cette performance très parlante. En habits noirs, réunis place du Capitole à Toulouse, rythmés par les Commandos Percus, avec quelques pas de danses, ce millier de professionnels debout au début de la manifestation se retrouve à terre. Sans autre protection qu’un parapluie noir, pendant que le ténor toulousain Omar Hassan sort de la mêlée pour clamer le célèbre chœur des esclaves « Va, pensiero » de Guiseppe Verdi. Poignant, touchant, spectaculaire. Des images plus fortes que les mots.

Vidéo publiée sur le site Facebook de Marie Gamez

Une mort artistique mis en scène par Gilles Ramade, filmée par de nombreux médias et retransmise sur les réseaux sociaux. Agences d’hôtesses, Agences événementielles, Artistes, Bars, Clubs sportifs, Discothèques, Hôtels, Lieux de réception, Prestataires techniques, Producteurs de Spectacles, Restaurants, Salles de Sport, Salles de Spectacles, Sociétés de sécurités, Techniciens, Traiteurs, toutes ces structures se sont effondrées symboliquement sur la scène improvisée de la place du Capitole. A quelques mètres du Théâtre de Toulouse où « les ténors enrhumés tremblaient sous leurs ventouses » comme le chantait Claude Nougaro. Là, ils ne tremblent pas, ils ne bougent plus, faute d’activités.

Garder le lien social

Comme en septembre pour l’Alerte Rouge, ces professionnels de l’événementiel -rejoints pour le coup par d’autres professions- ont choisi de manifester pacifiquement et de manière artistique. Pas question d’aller bloquer le périph toulousain comme pour d’autres métiers il y a encore quelques jours. Une démarche très louable et respectable mais qui pourrait changer si le gouvernement reste sourd à leurs revendications.

Le 2 novembre 2020, ils avaient prévu de faire cette action. Mais l’hommage à Samuel Paty à repoussé de quelques jours la manifestation. Mais le 2 novembre 2020 -jour des défunts- ils ont quand même lancé leur site internet 02112020. Si toutes ces professions venaient à disparaître, si même seulement elles étaient amputées, que serait le monde d’après? Passé le second confinement et peut-être les suivants, nous aurons besoin de nous retrouver dans les bars et restaurants, d’aller au spectacle, de consommer de la culture, de faire du sport, d’aller danser, etc…

Les représentants de ces professions que l’on a vu ce vendredi place du Capitole sont tous des fournisseurs intangibles de lien social. Si la prophétie des parapluies noirs venait à se confirmer, nous serions tous mouillés, noyés par ce manque de repères essentiels qui nous retiennent encore de couler.

02112020.com – Mobilisation à Toulouse !

 Benoît Roux

05 Nov

Sorties albums : ok pour Dominique A et Marina Kaye, report pour Calogero, Maître Gims et Jane Birkin

En prévision des fêtes de Noël, plusieurs albums devaient sortir ce vendredi 6 novembre. Avec la crise et la fermetures des magasins jugés non-essentiels, plusieurs artistes et maisons de disque ont préféré reporter ces parutions.

Les rayons de jouets, livre, disques et films sont fermés au magasin de la Fnac de Nevers, novembre 2020 ©Pierre DESTRADE ; ; 03/11/2020 via MaxPPP

Même si la consommation de musique se fait de plus en plus via le streaming, les CD et autres vinyles sont toujours prisés, notamment pour offrir lors des fêtes de Noël. Plusieurs artistes très populaires avaient programmée leur nouveauté pour cette fin d’année. Les rayons disques, livres et DVD des magasins étant fermés, les ventes d’albums de ces dernières semaines pas formidables, que pourrons-nous écouter en ce week-end? Quelles sont aussi les sorties reportées?

Déconfinés ce vendredi 6 novembre

Journée spéciale sur les antennes de France Inter le vendredi 6 novembre, Dominique A aura bien besoin d’un peu de promo pour faire connaître son disque. Privés de concerts, visibilité réduite pour des ventes d’albums, Dominique A comme ses collègues tente de se frayer un chemin. « Vie étrange » est justement le titre de son nouvel album qui n’était pas prévu. Sur sa page Facebook il explique : « Après avoir sortis 2 albums en 2018 et tourné pendant un an, je m’étais imposé une présupposée longue période d’autarcie pour recharger mes batteries ». Mais pendant le premier confinement, il sort une reprise de Marc Seberg « L’éclaircie » puis un 4 titres. « Tout cela formant un tout, porté par une même méthode et imprégné des incertitudes de l’époque. D’où ce titre Vie Etrange dont le désir de garder une trace tangible appelait une sortie physique. »

Dominique A – L’éclaircie

Pour Vianney, l’album prévu ce vendredi « N’attendons pas », ne sera pas différé et sortira bien. Pour Gaël Faye, c’est coup double : le film adapté de son premier roman « Petit pays » et son second album « Lundi méchant ». Un album très attendu, concocté depuis 2 ans « Le Lundi Méchant est un concept venu de Bujumbura, au Burundi. Les gens sortent en boîtes de nuit le lundi soir, presque comme un pied de nez, en décidant de ne pas attendre le week-end pour s’amuser. Par extension, c’est Un album un symbole de liberté, un refus du monde tel qu’il est régi. On se prouve ainsi qu’on est acteur de sa vie. Le Lundi Méchant, c’est se réapproprier sa vie, ne rien se laisser dicter par les autres. Le lundi, tout est encore possible… » Le premier extrait s’appelle « Respire ».

Gaël Faye – Respire


Sur nos platines et nos plateforme du jour : « Disco » pour se changer les idées avec Kylie Minogue, Bilal Hassani propose une « Contre soirée » et Ben Mazué nous amène au « Paradis ». Très attendu également « Twisted » de Marina Kaye avec plusieurs extraits présentés lors du Live stream immersif de la plateforme DAZZLE. Le 13 novembre, ce sera au tour AC/DC de remettre le feu avec Power Up.

AC/DC – Shot in the dark

Des grosses cylindrées au garage

Bloqué au « Centre ville », le nouvel album de Calogero. L’une des meilleures ventes de disque en France peut pas se permettre une sortie de route. Le voilà bloqué avec « Centre ville ».

Sur les sites de la Fnac et d’Amazon, son nouvel album est néanmoins annoncé pour le 11 décembre. « Jusqu’ici tout va bien ». Maître Gims est au générique de la nouvelle série de TF1, en live sur Instagram mais son CD attendra. Sans doute pour la même cause : « Le fléau ». 

https://twitter.com/MaitreGIMS/status/1324350536146165760?s=20

Elle devait fêter son grand retour avec un album de chansons originales pas écrites par Gainsbourg mais par Etienne Daho. Jane Birkin elle aussi renonce. Les 2 icônes pop ont fait la une de Télérama mais la sortie attendra. « Oh ! pardon tu dormais ». Le premier extrait était pourtant prometteur.

Jane Birkin – Les jeux interdits

Des reports qui prouvent bien que les sorties « physiques » sont toujours importantes malgré le streaming. « Les deux derniers mois de l’année représentent en moyenne un tiers à 40% des revenus annuels des produits physiques », explique Alexandre Lasch, directeur général du Snep (syndicat national de l’édition phonographique) dans le journal Sud-Ouest.

Le même syndicat qui est aussi à l’origine d’une pétition en ligne (sur le site change.org)  pour réclamer la réouverture des petits magasins culturels et des rayons culture de la grande distribution. Plus de 7300 signataires, beaucoup d’artistes pour lesquels il est bien difficile aujourd’hui d’exister.

Benoît Roux

03 Nov

Comment soutenir la musique et les artistes avec ce nouveau confinement?

Depuis mars dernier, la plupart des artistes n’ont pas eu l’occasion de se produire en concert. Confinement, déconfinement, reconfinement, la donne reste la même : recettes insuffisantes voire inexistantes. Socialement, c’est aussi difficile pour les artistes de garder un lien avec le public. Lives streams payants, financement durable, concerts drive-in? Comment les artistes pourront-ils vivre encore demain de leur art ?

Marina Kaye lors du premier enregistrement Dazzle. Photo : William Lacalmontie

Lors du premier confinement, les artistes ont tué le temps et chassé leur frustration avec de nombreuses vidéos. Connus, méconnus, inconnus, solo, avec des musiciens, avec l’orchestre, toutes les formules ont été requises. Avec plus ou moins de bonheur.

Seulement voilà, il y a peu de chances que le confinement version 2 ressemble au précédent. Économiquement, la situation n’est plus tenable, ni pour les artistes, ni pour les professions qui gravitent autour. Il faut donc trouver des idées pour diffuser la musique tout en trouvant de nouvelles sources de rémunération.

Des lives streams payants ?

Le confinement épisode 1 a suscité un flot sans précédent de vidéos musicales diffusées en live stream sur les différents réseaux sociaux et les plateformes de streaming. Mais pour la plupart, elles étaient en accès libre. La question se pose donc d’une possible mais nécessaire monétisation. L’article du Centre National de la Musique rappelle l’historique et le contexte, mais difficile d’en faire un modèle économique viable. Il intéresse les artistes évidemment mais aussi les salles de spectacles et même certains lieux pas spécialement culturels qui pourraient être mis en valeur d’une autre manière. Les internautes et les fans seront-ils prêts à payer un ticket d’accès sans assister physiquement au concert ?

Le site Sortiraparis.com dresse une liste d’une bonne dizaine d’événements musicaux qui vont avoir lieu d’ici la fin 2020. On y retrouve du beau monde comme Kylie Minogue, Metallica ou encore Gorillaz.

On est vraiment situés entre le live et le clip

Le 22 octobre à 19H, une nouvelle plateforme originale a fait son apparition. DAZZLE est une entreprise française qui propose des concerts lives streams immersifs dans un lieu original. 20-25 minutes de live avec des morceaux qui sont réalisés un peu comme des clips. Ensuite, un talk-show avec l’artiste et des questions posées par les internautes pendant le live. Première expérience donc : la française Marina Kaye. « On veux proposer une expérience musicale et visuelle différente. On essaie de filmer différemment d’un prime-time télé. Les plans sont plus longs, on crée une atmosphère avec le lieu, les éclairages et les vidéos ». Baptiste Ferrier est le fondateur de Dazzle et son directeur de création. Le numéro 1 a été enregistré à Bagneux, formule piano-voix avec Marina Kaye. « On cherchait un lieu industriel et pratique. Pour les suivants, ce serait bien de trouver des lieux atypiques, étonnants, qui ont déjà un intérêt même sans éclairage ».

Making-off de l’émission

Coût de l’émission : 200 000 € pour cette première accessible gratuitement. Une quarantaine de personnes a travaillé sur cette formule durant 2 jours. Mais l’idée c’est bien de trouver un modèle économique qui permette d’en vivre et de rémunérer techniciens et artistes. Il existe déjà ce type de plate-forme payante, notamment souvent dans le domaine de la musique électro. « Nugs TV » propose aussi beaucoup de musique live payante en streaming comme par exemple Metallica le 14 novembre. On peut d’ores et déjà acheter son billet mais aussi son T-Shirt Metallica moyennant 15 dollar.

Pour Dazzle, suite au concert de Marina Kaye, des discussions sont engagées avec des labels français. « L’idée ce serait de faire des lives sur des formats plus récurrents mais gratuits, puis un concert événementiel avec billetterie chaque mois. Il y a un vrai format à inventer en complément du live. Avec plus de proximité avec l’artiste, en proposant par exemple un accès backstage en amont pour les abonnés. Si nous arrivons à bâtir ce modèle, il peut perdurer au-delà du confinement.  » 

Le résultat est assez différent de ce que l’on peut voir habituellement. Le visuel est intéressant et l’atmosphère prenante. Même si évidemment, la performance ne ressemble en rien à un concert tel qu’il se vivait auparavant. Quelles émotions peut procurer un spectacle auquel on ne peut pas assister physiquement? Et quel est le ressenti de l’artiste qui se produit sans public en face? L’avenir dira si ce nouveau concept peut devenir une ressource complémentaire pour les artistes et autres professionnels du spectacle. En tous cas, cette première avec Marina Kaye est convaincante.

C’est qui le « Patreon »?

L’artiste a besoin du public, mais avec tous les gens qui gravitent autour, ils doivent surtout pouvoir vivre convenablement. Quand l’industrie du disque déjà endommagée s’effondre, quand il n’y a plus de rémunérations liées au concert, quand la musique est largement diffusée mais sans rétribution digne de ce nom, comment continuer à créer? Avec le soutien financier et régulier des fans. C’est le principe de la plateforme PATREON.

Lancé en 2013 aux States, « Patreon » vient de lever 90 millions de dollars pour être présent en France. Relativement méconnu chez nous, on doit cette initiative à Jack Conte, un musicien du duo Pomplamoose.  Las de toucher de maigres pécules via sa chaîne You Tube (100 000 abonnés), il lance ce nouveau modèle. Ses fans s’engagent à le financer avec plus de 5 000 $ par vidéo publiée en exclusivité sur le site dès les premières semaines. En contrepartie de ce financement, l’artiste s’engage à publier de nouvelles choses régulièrement et en exclusivité sur le site. La start-up prend une commission qui oscille entre 5 et 12 % en fonction des formules. Le reste est versé aux artistes. 

Un développement durable pour les artistes

« Patreon » tout comme « Tipee » qui existait en France proposent une sorte de circuit court entre les créateurs et leurs communautés. La formule d’abonnement est de 3 à 25 euros par mois. Pas énorme pour les donateurs, mais une assurance survie pour les artistes. Contrairement à des plateformes de crowdfunding comme « Ulule » qui financent un projet, les fans s’engagent pour du long terme. De quoi permettre de créer un peu plus sereinement, ce qui met aussi une certaine « pression » qu’il faut gérer côté artistes. L’inscription est gratuite pour les artistes, les abonnés peuvent souscrire et arrêter leur abonnement quand ils le souhaitent. Mais en principe, les fans sont plutôt fidèles. Pas encore grand public, mais adopté déjà par certains artistes intéressants comme Jacob Collier, le site a pour l’instant attiré des artistes dans des domaines un peu particuliers. 

Selon le fondateur de « Patreon », il a publié plus de cent vidéos sur YouTube en 2019. « Un million de vues ne m’ont été payées que 166 dollars, indique-t-il dans cet article. De longues nuits, un travail acharné ne rapporte rien ». Toujours selon ce même papier des Echos, depuis sa création ce système a permis à plus de six millions de fans d’apporter 2 milliards de dollars (1,7 milliard d’euros) aux 200.000 créateurs inscrits sur la plateforme.

Il permet aux artistes d’être un peu plus autonomes par rapport à certains diffuseurs et surtout, il casse le sacro-saint principe de la gratuité d’internet. Oui, il faut apprendre à payer si l’on veut voir des choses de qualité. Ecouter de la musique ne doit pas se résumer à des vidéos Youtube ou à des plateformes peu regardantes avec du streaming à bas coût.

La crise profonde et durable va accélérer les changements de modèles économiques pour la culture. Les français accepteront-ils de payer pour de la qualité, de l’originalité et de l’exclusivité pour la musique comme ils le font pour le sport et d’autres domaines ? Question de survie.

DAZZLE

PATREON

Benoît Roux