Princess Thailand vient de sortir son deuxième album le 24 avril. « And whe shine » est dans la lignée pop-noise, post-punk, no-wave (qu’es aquò?!) du premier. Mais le jusqu’au boutisme musical est désormais moins brut, plus travaillé, presque en dentelles. Sans renier évidemment ce qui a fait la force du quintet toulousain emmené par la chanteuse Aniela Bastide habitée par un feu vocal. Rencontre au sommet du volcan de ce magma musical incandescent.
On avait laissé ce jeune groupe (2017) en pré-tournée à l’étranger à l’automne, après un Zenith partagé début mars 2020 à Toulouse. Histoire de roder les morceaux de ce nouvel album enregistré au studio Barberine (dans le Lot) chez Arthur Ferrari.
Il n’est jamais facile de réussir un second disque quand le premier a été chaleureusement salué. « And we shine » est à la fois dans la lignée mais différent du précédent qui n’avait pas de nom. C’est Aniela qui le résume le mieux. « La matière noise est notre identité première. Il y a du jusqu’au boutisme dans ma voix criée, dans les instruments. Le premier disque était brut, enregistré comme du live.On voulait faire le deuxième disque dans l’autre sens : de ce noise, faire de la dentelle, avec plus de contrastes. »
La dentelle de chez Arthur
Le disque devait s’enregistrer à Paris mais le groupe cherchait un lieu de résidence pour écrire et composer les morceaux. Direction prise à la campagne, au studio Barberine près de Moncuq dans le Lot. « C’est un endroit incroyable, paumé, paradisiaque! Il y le studio qu’avait créé Nino Ferrer. Mais son fils Arthur Ferrari l’a étendu. Tu peux te plugger dans n’importe quel endroit. Ca respire la musique, les instruments sont partout. On s’y sent bien. On dort sur une mezzanine au-dessus du studio. » Si le lieu a obtenu les faveurs du groupe, que dire de son hôte?
Les styles musicaux de Princess Thailand ne sont pas ceux d’Arthur Ferrari. Mais c’est lui qui a insisté pour les enregistrer après les avoir entendus en résidence. « Il est revenu nous chercher en disant très clairement qu’il aimerait beaucoup nous enregistrer, s’impliquer sur l’album, en devenir l’éditeur. »
Princess Thailand a atterri dans le Lot un peu au hasard. Et comme souvent pour le groupe, il a bien fait les choses. « C’est une très belle rencontre. Il m’a fait changer ma manière de chanter sur certains titres, moins dans la violence et l’urgence. Je n’étais pas convaincu au départ, mais il avait raison. Il a utilisé aussi la chambre de réverb de son père. Arthur, c’est vraiment quelqu’un qui compte. On est devenus de vrais amis. »
Princess Thailand passe au large
Avec ce second album, le quintet toulousain élargi le spectre. Déjà, c’est quasi un sextet car il y a un sixième musicien qui fait des flûtes de toutes sortes. Il y a donc Aniela au chant, Patrick et JB aux guitares, Max à la basse et Jean à la batterie. On notera aussi des claviers qu’il n’y avait pas sur le premier. A l’écoute, ça sonne moins fiévreux, pas tant jusqu’au-boutiste et bruitiste que son prédécesseur. Ce qui n’est pas pour déplaire à notre prof de Lettres classiques. Oui, oui, on parle toujours d’Aniela!
« C’est toujours mélancolique lié aux paroles au son très noise. Mais c’est plus léché, abouti. C’est le ressenti d’un autre moment, un truc plus large. »
Plus introverti aussi. Il faut dire que la maternité est passé par là. « In this room » où la difficulté d’être parents. L’un de mes morceaux préférés, avec un climat plus doux, aérien, avec une intro à la flûte matinée de claviers. « Into her skin » est son pendant négatif. Un morceau plus posé, qui a donc tapé dans l’oreille de Bertrand Cantat avec ces paroles « à l’intérieur de ta peau je ne suis plus rien ».
La révolte est toujours criante et l’urgence créatrice. Mais à l’image du titre de l’album, il y a une sortie à tout ça : « And whe shine ».
A l’heure des silences urbains, et des détresses murées dans nos entre-chez-soi, échos d’un passé
révolu et désormais fictif, comment ne pas voir l’évidence de nos contradictions humaines,
contraintes, empêtrées et alourdies…
Et pourtant…nous rions, nous pleurons, nous sentons, nous goûtons… Et pourtant nous vivons.
Le magma est toujours en ébullition mais la lave est moins rageuse. Toutes les compos sont signées par les 5 membres du groupe.
Des influences multiples
La nouvelle production respire toujours la noise matinée de pop, à la fois new-wave et no-wave. « Vocalement, j’aime bien l’expérience de la limite. J’ai beaucoup écouté Björk, le mec d’Idles. On a tous été nourris à Joy Division ou The Cure pour la fulgurance. » .Aniela a découvert le chant sur le tard, en autodidacte, en ayant fait de la batterie. Son chant est beaucoup plus maîtrisé dans cet album même s’il reste du lâcher prise. « Quand je croise le regard des femmes lors des concerts, ça m’encourage à continuer »
Dans cet album, il y a aussi des moments electro-pop, des rythmiques hip-hop, entourés… de noise! A l’arrivée, le groupe est inclassable. Et c’est tant mieux. Pour mieux comprendre leurs univers musicaux, voici la playlist du groupe.
Après avoir été sélectionné pour les « Inouïs » de Bourges en 2018, le groupe s’est taillé un franc succès à l’étranger. Les Anglais adorent, les Italiens et les Allemands aussi. Preuve en est : les téléchargements sont plus nombreux de l’autre côté du Rhin.
Princess Thailand (le nom est énigmatique et trompeur !) brûle de retrouver des salles de concert et son public pour faire découvrir le disque. « On est fiers de cet album. On a tout donné. Il correspond à ce que l’on cherchait! » En attendant de reprendre la route, Princess Thailand prépare un clip qui sortira en mai, réalisé par le binôme toulousain ALostHead pendant le confinement. Un enfermement contraint pour mieux préparer les futures irruptions libertaires. En tous cas, c’était une belle rencontre.
Studio Barberine (Arthur Ferrari)
Benoît Roux
PRINCESS THAILAND Live au Zenith de Toulouse « I can see »
Clip PRINCESS THAILAND – A’NNAY réalisé par ALostHead