Depuis mardi 30 décembre, le divorce est consommé au sein de l’UVB (l’union des vignerons du Beaujolais). L’ODG (organisme de gestion) des crus du Beaujolais a en effet annoncé sa décision de quitter cette instance et de gérer désormais elle-même ses dossiers administratifs.
L’UVB était l’organe qui gérait depuis 60 ans les dossiers administratifs de toutes les appellations du vignoble du Beaujolais (beaujolais, beaujolais village et 9 crus). Mais les crus estimaient que cette alliance revenait à tirer toute la production vers le bas et que les problématiques qui les concernaient n’étaient pas assez prises en compte.
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Concrètement, ça va changer quelque chose pour le consommateur ?
Non. Le problème est purement administratif. En revanche, cette scission montre bien qu’il y a un malaise dans ce vignoble. Un malaise né de situations très contrastées en son sein. En fait, le vignoble du beaujolais est divisé en deux.
Le Beaujolais du sud : du volume mais une image ternie
Dans le sud du vignoble, il y a les beaujolais et beaujolais village. C’est l’entrée de gamme des vins de ce vignoble. C’est de là que vient l’essentiel du volume des beaujolais. Notamment, le beaujolais nouveau, connu dans le monde entier, et qui représente à lui seul 1/3 du beaujolais produit.
Ces 2 appellations sont en crise aujourd’hui. Car si le beaujolais nouveau a fait connaître le nom du beaujolais dans le monde entier, aujourd’hui il véhicule plutôt une image négative à cause d’excès dans les années 80 et 90, aussi bien en terme de qualité que de quantité. Du coup, depuis le début des années 2000, les beaujolais et beaujolais villages se vendent moins et certains vignerons sont en difficulté.
Le Beaujolais du nord : les crus
De l’autre côté, au nord du vignoble, il y a l’élite du beaujolais : les crus. Ce sont 9 villages sur lesquels les vins produits sont vendus non pas sous l’étiquette beaujolais mais sous le nom de la commune : Moulin-à-Vent, Fleurie, Morgon, Chiroubles, Brouilly, Côtes-de-Brouilly, Chénas, Régnier, Saint-Amour.
Comme en Bourgogne. Ils sont connus, reconnus. Ils sont plus qualitatifs que les beaujolais ou beaujolais village, et se vendent plus cher. Mais souvent ils ne sont pas du tout associés au beaujolais. Aujourd’hui, certains vignerons ont même identifiés des parcelles sur lesquelles ils vinifient des cuvées séparées, comme le font les bourguignons avec leurs climats et leurs 1ers crus.
Deux visions différentes
Donc voici deux vignobles très différents mais gérés pour les dossiers administratifs par un seul organisme : l’UVB. Et c’est pour marquer leur différence que les crus ont voulu prendre leur indépendance. Parce qu’ils estiment que leur situation et donc leurs problèmes ne sont pas les mêmes que ceux des beaujolais et beaujolais villages.
Pourquoi les médias en ont tellement parlé?
Parce que ça a visiblement été très brutal pour certains responsables de l’UVB. Ils disent ne pas avoir été au courant de ce qui allait se passer. Certains se sentent trahis, disent ne pas comprendre et parle de « caprice d’enfants gâtés ».
Et puis, il y a une rumeur qui court. Une rumeur qui laisse entendre que derrière tout cela, il y aurait le négoce bourguignon. Il est déjà bien implanté dans le Beaujolais qui tenterait de se rapprocher des vignerons beaujolais pour peser plus lourd dans les instances ou qui permettrait aux producteurs de crus du beaujolais de se rapprocher de la Bourgogne. Comme toutes les rumeurs, ça part un peu dans tous les sens. Les intéressés ont démenti.
Que va-t-il se passer, au final ?
Toutes les conséquences ne sont pas encore connues. Pas connu non plus le sentiment des vignerons eux-mêmes. Beaucoup font des crus et des appellations régionales, beaujolais et beaujolais village. Mais ils se sont peu exprimés (la période pas propice non plus).
La conséquence immédiate, c’est l’annulation du concours des beaujolais le 9 janvier. L’organisateur craint que ce moment d’habitude d’échanges privilégiés entre vignerons du beaujolais ne se transforme en autre chose moins sympathique.
Clochemerle en Beaujolais
Et finalement, on a l’impression d’être à Clochemerle. C’est le nom d’un roman écrit dans les années 30 par Gabriel Chevalier et qui raconte les querelles intestines dans un village après l’annonce de l’implantation d’une pissotière. Tous les habitants se déchirent, entre les pros et les antis. Or Clochemerle existe. Son vrai nom : « Vaux-en-Beaujolais » !