L’un s’est exprimé dans un entretien publié le matin même dans Mobilettre ; l’autre a tenu une longue conférence de presse à midi à son QG parisien. Voilà à peu près tout ce qui différencie Valérie Pécresse et Claude Bartolone, respectivement candidats LR et PS aux prochaines régionales, lorsque l’on aborde la problématique des transports.
Dans les grandes lignes, les deux candidats veulent aller plus loin, plus vite… et pour pas cher, même si, dans les détails, le président de l’Assemblée Nationale semble tout de même plus mesuré dans certaines de ses propositions. A vouloir tout promettre, Valérie Pécresse donne, quant à elle, parfois l’impression d’avoir oublié le principe de réalité. Car ce qui est souhaitable n’est pas forcément faisable. Exemple avec sa double promesse alléchante : renouveler 100% des trains/RER d’ici 2021 et acheter des bus électriques dès 2017.
Petit florilège – et décryptage – de leurs propositions (certaines sont propres à l’un, d’autres sont partagées)…
Les bonnes idées
- Le ticket T+ valable sur tous les réseaux
- L’abonnement qui débute le jour de son choix
- Les lignes automatiques du métro ouvertes 24h/24 le week-end
- Faire des gares des lieux de vie, avec crèche, commerces…
- Le Pass Navigo transformé en pass mobilité (existe déjà partiellement puisqu’on peut déjà y associer son abonnement vélib’)
- Augmenter les places de parking (vélo, voiture) près des gares
- Une tarification à la distance parcourue, via des unités transports disponibles sur une carte navigo
- Faire du STIF l’organisateur de toutes les mobilités (avec donc la route)
- Renforcer les lignes de bus express transversales
Les annonces garanties sans lendemain
- L’obligation d’avoir une pièce d’identité dans les transports pour lutter contre la fraude (il faudra une modification législative : la pièce d’identité n’est pas obligatoire en France)
- 100 % des rames neuves d’ici à 2021 dans le métro/RER/train (calendrier impossible à tenir compte tenu des coûts, de la longueur des procédures d’appel d’offre, de rédaction de cahier des charges, de l’absence d’usines d’assemblage suffisantes etc…)
- Élargir les autoroutes pour diminuer les bouchons (avec une telle densité urbaine, notamment près de Paris et autour de l’A86, c’est quasiment impossible, sauf à supprimer la bande d’arrêt d’urgence, ce qui posera d’autres problèmes)
- Créer un RER via des bus rapides sur les autoroutes (où vont-ils circuler aux heures de pointe ? la capacité d’un bus étant bien inférieure à celle d’un RER, on doute également de l’impact réel de désengorgement sur les trains existants)
- Laisser penser que le métro/RER 24h sur 24 7j/7 c’est possible (ça ne l’est pas, pour des raisons de maintenance essentiellement, avant même le coût)
- Des bus électriques déployés en masse dès 2017 (la technologie n’est pas encore totalement au point, la RATP va tester les premiers prototypes l’année prochaine, et surtout le coût à l’unité est aujourd’hui exorbitant, 3 fois le coût d’un bus classique)
De bonnes intentions mais…
- L‘automatisation de la conduite dans les tronçons centraux pour gagner du temps entre les rames, sur le B et D (le problème de l’intervalle entre deux rames provient essentiellement du temps de montée/descente des voyageurs, incompressible, et non pas de l’écart entre les RER ; il faut plusieurs années pour mettre au point le système puis l’installer, comme le montre les exemples du RER A et E)
- La création d’une police unique des transports (les différences de statuts, d’armement, de métier… sont telles entre la police ferroviaire, la SUGE et les agents RATP qu’une fusion semble bien improbable)
- Accélérer le déploiement de la 4G (la RATP a déjà signé avec les opérateurs, c’est prévu pour 2018 et visiblement vues les difficultés techniques, difficile de faire plus vite)
- Mettre du wifi dans les rames neuves (on attend toujours du côté de la SNCF des solutions techniquement viables, tout reste à inventer)
- Développer les bus en grande couronne (ce qui est rentable et censé en zone urbaine dense l’est beaucoup moins lorsque les bus roulent à vide faute de clients, le nombre de bus circulant étant de toute façon trop limité pour inciter les habitants à abandonner leur voiture)
- Donner plus d’argent à la SNCF et à la RATP pour moderniser/renouveler leur réseau (il est impossible d’aller plus vite qu’aujourd’hui, sauf à couper les lignes pendant les mois ; les équipes de SNCF Réseau sont à flux tendus ; les personnels qualifiés manquent également)
Raté, ça existe déjà
- La recharge de l’abonnement en ligne (déjà possible via un boîtier USB vendu 5 euros)
- l’application SmartRégion destinée à comparer les temps de parcours tous types de transport réunis (elle s’appelle Citymapper, fonctionne depuis 1 an à Paris et dans le Monde entier : on ne fera jamais mieux)
- Acheter les rames neuves en crédit bail (le STIF le fait depuis deux ans)
- Annoncer les prolongements des lignes 4, 11, 12 et 14 du métro (déjà actés depuis belle lurette)
- Annoncer le lancement du T9 et T10 (enquêtes publiques déjà en cours)
- Le Noctilien qui circule la nuit et dessert les gares (c’est sa mission première depuis sa création)
► Pour aller plus loin, notre entretien vidéo avec Valérie Pécresse
Bertrand Lambert