François Hollande et Xavier Bertrand côte à côte pour inaugurer ce matin à Neuville-Saint-Vaast (Pas de Calais) le Monument des fraternisations, l’image est plus que symbolique. Ce monument l’est aussi pour le caporal Louis Barthas tonnelier à Peyriac-Minervois, parti faire la guerre à 35 ans et revenu en écrivant ses 19 carnets de guerre remplis d’humanité et de fraternité. Georges, son petit-fils sera là avec toute sa famille.
Louis Bathas, un caporal pacifiste et occitan
Louis Barthas était caporal et tonnelier dans le Minervois. Il a côtoyé Jaurès, partageait ses idées sociales, politiques et une certaine idée du pacifisme. Barthas a passé beaucoup de temps dans l’Artois, quasiment toute l’année 1915. Finement, il décrit chaque jour ce qu’il voit, envoie les lettres à sa femme avec de cartes postales du lieu où il se trouve. Avec lucidité et courage, il n’hésite pas à dénoncer certains comportements des états-majors. Le 10 décembre 1915 à Neuville Saint-Vaast, il lance un appel :
« Qui sait ? Peut-être un jour sur ce coin de l’Artois on élèvera un monument pour commémorer cet élan de fraternité entre des hommes qui avaient l’horreur de la guerre et qu’on obligeait à s’entre-tuer malgré leur volonté. »
De retour du front, il écrit ses souvenirs de guerre sur 19 cahiers d’écolier. Grâce à l’historien Rémy Cazals, ses carnets publiés en 1978 chez Maspero, puis en livre de poche. Aujourd’hui, ce livre à l’écriture alerte et aux analyses fines est un véritable Best seller vendu à plus de 120 000 exemplaires et traduit dans plusieurs langues.
Une portée artistique et symbolique
Ce succès va aussi nourrir le théâtre et le cinéma. Si Jean-Pierre Jeunet s’en est inspiré pour Un long dimanche de Fiançailles, il a finalement choisi d’adapter le récit de Sébastien Japrisot plus cinématographique. D’autre part, ses carnets ont été lus par le cinéaste Christian Carion. En 2005, sortira Joyeux Noël, avec Guillaume Canet et Dany Boon. Ce film est largement inspiré du livre Batailles de Flandre et d’Artois de l’historien Yves Buffetot, qui décrit des soldats ennemis qui sortent de tranchées pour une trêve festive en allumant des bougies, en triquant, en chantant et en jouant au football. Pendant le tournage, Christian Carion crée l’association Noël 14 avec Bertrand Tavernier. Un terrain est acheté près du cimetière français de Neuville pour construire le monument que Louis Barthas appelait de ses vœux.
Epilogue symbolique
Un an après avoir inauguré l’Anneau de la mémoire à Notre-Dame de Lorette pour le lancement du centenaire de la Grande Guerre, François Hollande sera bien présent aux côté de Xavier Bertrand. L’inauguration n’a pas pu se faire le 10 décembre, jour anniversaire de l’appel de Louis Barthas, pour cause de COP 21. Tout un symbole, mais certainement moins prégnant que la présence de Georges Barthas. Le petit fils de Louis a fait le déplacement depuis l’Aude. A 85 ans, il a même donné une conférence hier soir à Arras pour présenter les carnets. Il s’est confié à La Voix du Nord qui le présente ainsi : « Avec son accent occitan chantant, Georges Barthas nous raconte sa fierté de voir que l’appel lancé cent ans plus tôt par son grand-père a été entendu. »
Lo Benaset