07 Déc

Proposition de loi Le Houérou : un débat en absurdie

Voilà une semaine que la proposition de loi d’Annie le Houérou (Députée PS des Côtes d’Armor) a été discutée à l’Assemblée Nationale. 7 articles et seulement 4 de votés. Pas de date précise pour la suite… Une proposition de loi signée par la moitié des députés PS mais… un gouvernement qui ne la soutient et même, s’y oppose. Ce n’est pas demain que nous allons passer d’une TOLERANCE à une PROMOTION des langues régionales de France. Alors que la demande et l’intérêt qu’elles suscitent est de plus en plus forte. Voyage en absurdie.

  • Une obstruction du gouvernement … qui aurait dû souvenir le texte

Malgré des consultations, malgré certaines promesses, le texte de loi d’Annie le Houérou a tout d’abord eu du mal…à être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale. Ceci nous a été confirmé par l’entourage de la députée des Côtes d’Armor. La Proposition de Loi était prête en juin; elle n’a été mise à la discussion que pour le 30 novembre.

Les 2 ministres concernées par le texte (Education et Culture) n’ont pas daigné se déplacer. C’est Estelle Grelier, simple secrétaire d’Etat aux collectivités locales qui représentait le gouvernement. Alors que le texte était passé en commission sans obstacle, le gouvernement a rendu 4 avis défavorables aux 4 articles votés ! A croire que le gouvernement et les députés PS ne sont pas du même parti !

Le gouvernement aurait pu reprendre ce texte et en faire un projet de loi. Il ne l’a pas fait et au vu des débats, on comprend pourquoi. Il pourrait aussi demander une procédure accélérée et c’est peu probable qu’il le fasse.

  • Une pluie d’amendements… d’un député LR… favorable aux langues régionales

Alors qu’encore une fois le texte était simple, l’opposition a déposé une bonne cinquantaine d’amendements (une centaine en tout avec ceux de la majorité), portés par l’un des députés du parti Les Républicains qui est sans doute l’un des plus favorables aux langues régionales ! Marc Le Fur a demandé un renvoi du texte devant la commission qu’il n’a pas obtenu. Il a dégainé ses amendements et multiplié les prises de paroles sur des sujets pas tous essentiels. Tant et si bien que la séance a été levée à 1H10 du matin. Ceci sans doute pour éviter que le texte arrive devant le sénat et que son rejet incombe aux sénateurs Les Républicains comme pour la ratification de la charte.

 

  • L’article 2 et des arguments IIIème république

Le débat certes très long (6H) n’a pas échappé aux bons vieux clichés. A plusieurs reprises, Estelle Grelier s’est abritée derrière l’article 2 et les décisions du Conseil d’Etat. Facile. L’unité Républicaine aussi, ça peut toujours servir. Comme si la République avait déjà été menacée par les langues régionales et ses défenseurs.

Nous avons eu droit également à un florilège de clichés et autres bêtises sur les langues régionales. Certains ne voient pas la nécessité de faire un texte, car tout va bien, elles existent, on les tolère…Mais ceci n’est rien par rapport à ceux qui les accusent directement ou indirectement de tous les maux, par exemple en faisant un lien avec illettrisme. Mention spéciale pour l’ensemble de son oeuvre à Jean-Luc Laurent président du Mouvement Républicain et Citoyen, l’auteur de la fameuse formule : « quand on parle de langues régionales, on vit chez les dingues! » Il a remis le couvert avec…

Quel projet politique portent les promoteurs des langues régionales ? Ils nous proposent non pas de les sauver, de les promouvoir, de les préserver, de les développer – ces objectifs, quoique discutables, sont légitimes, et, sans les partager, je les admets –, mais de les faire entrer à l’école et dans la sphère publique. Ils nous proposent de construire pour demain une France balkanisée et fragmentée, en commençant par ses marges géographiques et linguistiques, une France dans laquelle les étudiants, les écoliers, les fonctionnaires ne circuleront plus facilement au cours de leur vie, parce qu’ils se poseront la question de leur identité, de leur appartenance.

C’est du costaud. Idem pour Marie-Françoise Bechtel (PS) :

Je suis élue dans un département, l’Aisne, où il y a 16,7 % d’illettrés, contre 4 % en Île-de-France. Je pose simplement la question, mes chers collègues : dans quel monde vivez-vous si vous croyez que les gens demandent que leurs enfants apprennent le picard à l’école ?

Soutenue immédiatement par Annie Genevard (LR) : « C’est là le caractère un peu miraculeux de ce débat récurrent sur les langues régionales : on voit des alliances assez improbables. » Improbables politiquement mais prévisibles linguistiquement. Le plus surréaliste étant sans doute Jean Lassalle, ardent défenseur des langues, mais qui s’est trompé de tribune pour rappeler qu’il était candidat à la présidence de la République.

Les textes des interventions sont à retrouver à cette adresse.

http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2016-2017/20170066.asp

Analyse très intéressante de Philippe Martel (Fédération des Enseignants de Langue et Culture d’Oc)

 

  • Maintenant c’est mort !

Si la porte était encore un peu entrouverte jusqu’à jeudi matin, elle s’est sans doute bien refermée. Le chemin de croix pour réinscrire les langues régionales à l’ordre du jour afin de voter les 3 articles restant  a repris. Pour l’instant, Annie le Houérou s’est vu proposer une date fin janvier. Comme ça, on est sûr que la proposition de loi n’a aucune chance de faire la navette Assemblée-Sénat. Si elle était adoptée finalement en première lecture à l’Assemblée, la nouvelle majorité issue des élections présidentielles et législatives aurait la possibilité de poursuivre les discussions au sénat. Ce qui ne s’est quasiment pas fait depuis la Vème République. Et vu les 2 candidats (e) actuellement en tête des sondages… Ce serait encore plus absurde d’attendre quelque chose de Marine Le Pen et François Fillon.

Lo Benaset @Benoit1Roux