10 Oct

L’Occitanie en 10 moments forts

Ce n’est pas l’Histoire de l’Occitanie, ce n’est pas celle de l’occitan. Simplement 10 repères subjectifs sur le cheminement de ce nom « Occitanie ». De son premier emploi par L’Etat impérialiste pour désigner des territoires conquis au Sud, jusqu’à ce nom officialisé par le gouvernement, sans doute validé par le Conseil d’Etat, pour l’ex région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées. Un sacré chemin! Georges Passerat revient sur les primadiers (précurseurs) de l’Occitanie.

  • 842 : Les Serments de Strasbourg. On n’y parle pas encore d’Occitanie! Il s’agit d’un traité militaire entre les 3 fils de Charlemagne.Le texte est rédigé en gallo-roman mais certains y voient les premières formes écrites de l’occitan…. D’autres ne voient pas cette émergence.

Les premiers documents écrits tout en occitan apparaissent au Xème siècle. Au XIème, c’est la Cançon de Santa Fe, un poème sur la vie de Sainte Foy d’Agen… Selon certains c’est le plus ancien texte littéraire…catalan. Pour Robert Laffont et d’autres, c’est le plus ancien texte… Occitan ! Déjà une petite bataille.

Fresque de Jean-Paul Laurens sur la compagnie du Gay Savoir Photo : Lo Benaset

Fresque de Jean-Paul Laurens sur la compagnie du Gay Savoir
Photo : Lo Benaset

  • 1323-1324 : à l’initiative de sept troubadours, se forme le consistoire du « Gay savoir » pour maintenir le lyrisme de l’amour courtois et relever la langue d’oc. Premier concours de poésie, première académie d’Europe, la Compagnie du Gai Saber prendra le nom en 1515 de Compagnie des Jeux Floraux, placée sous le patronage de Clémence Isaure. En 1694, Louis XIV l’élève au grade d’académie royale. C’est aussi le moment où l’occitan disparaît de l’institution. C’est Mistral qui fera revenir la langue dans le concours.
  • « OCCITANIA » apparait au XIIIème. Ce terme créé en latin par l’administration royale désigne ces « pays » où l’on parle la langue d’oc. Auparavant on parlait d’Aquitaine » (Provence, Languedoc, Gascogne, Dauphiné…) puis « Provence » ou « Provincia ». Mais après l’annexion de tous les territoires occitans par la France, le terme Occitania sera réservé à la seule province du Languedoc.

L’historien occitan Georges Labouysse retrouve plusieurs mentions : mai 1308  (consistoire de Poitiers) d’où il ressort que le roi de France règne sur deux nations différentes : la lingua gallica et la lingua occitana. A partir de 1346, le roi Philippe VI convoque des assemblées de Languedoc à Toulouse. On parlera alors de la « Republica lingue Occitana » en avril 1357 et on relèvera en 1439 les expressions: « Status linguae Occitanae » ou « Statibus patrie Lingue Auxitane ». 1381: Le roi Charles VI considère que son royaume comprend deux parties : les pays de langue d’Oc ou Occitanie et les pays de langue d’oil ou Ouytanie ! En 1634, Richelieu convoque un « Conventus Occitaniae »: des « jetons de présence » porteront cette appellation, la date, et la croix occitane (emblème des Comtes de Toulouse).

  • 1788 Jean-Pierre Claris de Florian publie un drame pastoral « Estelle et Némorin ». Un texte en français dans lequel se trouvent des passages en occitan.

« Je te salue ô belle Occitanie Terre de tous les temps aimée des peuples qui t’ont connue ; toi qui les romains embellirent des chefs-d’œuvre de leurs arts… »

  • Début du XXème (1903) Antonin Perbosc publie Le Got Occitan (la coupe occitane). C’est le premier texte où l’on voit refleurir le terme Occitan et l’idée d’Occitanie. Il va contribuer à populariser ce terme d’Occitan et conceptualiser l’Occitanie. Elu maître ès Jeux Floraux de Toulouse en 1908, il participe à la fondation de l’Escòla Occitana à Avignonnet en 1919. Vient ensuite Lo Collègi d’Occitània en 1927. On voit fleurir l’enseignement, la première presse occitane avec Lo Gai Saber fondé par Prosper Estieu en 1919, la revue OC en 1923 par Ismaël Girard.

 

  • 1945 création de l’Institut d’Études Occitanes par René Soula (auteur occitan), Ismaël Girard (occitaniste), Jean Cassou (romancier), Max Rouquette (écrivain occitan), René Nelli (poète occitan), Pierre Bertaux (Commissaire de la République), et Tristan Tzara (écrivain). Ce nouvel organisme a pour but le maintien et le développement de la langue et de la culture occitanes dans leur ensemble. Félix Castan pour l’aspect culturel, Robert Lafont pour le politique contribueront eux aussi à faire avancer l’occitan et l’Occitanie. Lors de la réforme territoriale qui a donné lieu à un nouveau découpage des régions, l’IEO a rappelé que l’Occitanie c’est bien 4 régions et non seulement celle qui en a pris le nom.

Evidemment, on pourrait aussi parler de la loi Dexionne (1951) qui officialise l’enseignement des langues régionales, des premières calandretas en 1979, des premières classes bilingues. Mais il s’agit là de l’occitan comme langue et non de l’Occitanie comme concept.

  • 1995 : première manifestation pour la langue occitane. Le collectif « Anem Òc ! Per la lenga occitana ! » rassemble 10 000 personnes à Carcassonne en 2005, 20 000 en 2007 à Béziers, 25 000 à Carcassonne en 2009, 30 000 à Toulouse en 2012, beaucoup moins en 2015 à Montpellier. Des manifestations pan-occitanes ou tous les territoires sont présents, tous les dialectes et qui se passent toutes en région Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon.
  • 2014-2015 Avec la réforme territoriale et le redécoupage des régions, plusieurs sondages organisés par différents médias font émerger une volonté populaire pour le nom Occitanie. Une consultation organisée sur internet par La Dépêche du Midi, fin 2014, indique que les 17 881 votants penchaient à l’époque en faveur du nom « Occitanie-Pyrénées » (15 %). On retrouve aussi « Midi-Languedoc » et « Pyrénées-Languedoc » (13 % chacun), suivis par « Midi-Roussillon » (10 %) et « Midi-d’Oc » (8 %). Dans une enquête réalisée du 7 au 28 septembre 2015 par les quotidiens régionaux du groupe Baylet (La Dépêche, Midi-Libre, Centre Presse, L’Indépendant) 23 % des 202 357 personnes donnent leur préférence pour « Occitanie » comme nom de la future région. Même résultat pour d’autres médias comme France 3 ou France Bleue.
  • Du 9 mai au 10 juin 2016, la région LRMP organise une consultation pour choisir le nom de la région. Il y a 5 propositions. Plus de 200 000 personnes votent. Le nom Occitanie arrive en tête avec 44,90 % des suffrages, soit 91 598 votants. Le deuxième est loin derrière avec 17,81 % (Languedoc-Pyrénées). Le 24 juin 2016, le Conseil Régional réuni en assemblée plénière adopte la dénomination Occitanie. Gérard Onesta avait dit qu’il mettrait l’Occitanie sur la carte du monde. Au-delà du symbole, il y a eu les actes. 

 

  • Le 29 septembre 2016, par décret gouvernemental publié au Journal Officiel, le nom Occitanie est validé. Pour la première fois de l’Histoire, un territoire porte ce nom même s’il représente à peine 40% de l’Occitanie linguistique.

@Benoit1Roux

 

 

05 Oct

En France, l’égalité et la citoyenneté ne concernent pas les langues régionales !

Depuis hier, le projet de loi relatif à l’égalité et la citoyenneté est en discussion au Sénat. Lors de son passage à l’Assemblée Nationale, plusieurs députés dont Victorin Lurel et Paul Molac avaient réussi à introduire des articles et des amendements concernant les langues régionales. Dont les fameux quotas de 4% de musiques pour les radios. Sans surprise, il ne reste quasiment rien de ces bonnes intentions lors des discussions à la seconde chambre.

Photo : site Public sénat

Photo : site Public sénat

Les 4% n’ont pas passé la commission (article 45)

Il y a quelques jours, certaines radios et une certaine presse étaient vent debout contre des quotas de 4% réservés à la radio pour les chansons en langues régionales. Une déferlante qui frisait parfois la mauvaise caricature et dans tous les cas une mauvaise information. L’article 45 relatif au quota de langues régionales pour la diffusion des œuvres musicales a été supprimé par la commission spéciale du Sénat. La commission a estimé que : « Outre qu’il vienne sans vergogne ni consultation préalable modifier un équilibre difficilement atteint, la veille de son adoption, entre Sénat et Assemblée nationale sur la délicate question des quotas radiophoniques, le présent article pose une véritable difficulté d’application. » Et de poursuivre : « Par ailleurs, votre commission spéciale rappelle que, dès lors que les titres en langues régionales sont déjà inclus dans les quotas radiophoniques, rien n’empêche une station d’en diffuser une proportion élevée pour mettre en œuvre ses obligations de quotas. » La messe est dite. Beaucoup de bruit pour rien. On attendra le prochain CD de Patrick Fiori en langue corse.

http://www.senat.fr/rap/l15-827/l15-8274.html#toc225

La formation professionnelle non plus (article 35) !

Les dispositions introduites par les députés à ce sujet au sein de l’article 35 relatif à l’apprentissage de la langue française dans le cadre de la formation professionnelle ont été supprimées par la commission spéciale. A l’initiative de Paul Molac, les députés avaient adopté (contre l’avis du gouvernement là-aussi) un amendement « pour préciser que le fait d’organiser des actions de formation professionnelle en langue régionale ne peut être appréhendé comme une mesure de discrimination. En cohérence, un second amendement a été adopté pour inscrire les actions d’apprentissage et d’amélioration de la maîtrise des langues régionales dans le contenu de la formation professionnelle. » Amendement supprimé par la même commission. Elle considère que : « L’inscription des formations en langues régionales dans le contenu de la formation professionnelle se trouve en effet déjà satisfaite…(sic !) De même, la mention faite sur les discriminations pour les formations en langues régionales pose problème. Le risque soulevé serait de rendre éligible au financement de la formation professionnelle des formations exclusivement données en langues régionales, ce qui pour le coup constituerait une mesure discriminatoire en créant des filières de recrutement réservées aux seuls locuteurs de langues régionales. »

http://www.senat.fr/rap/l15-827/l15-8274.html#toc187

Des amendements ont été déposés et seront discutés en séance

Néanmoins, plusieurs amendements ont été déposés pour que les langues régionales de France figurent un tant soit peu dans ce projet de loi. Le 68 rect : « Tous les services publics, les collectivités territoriales et leurs groupements, les entreprises et leurs institutions sociales, les associations et les organisations syndicales et professionnelles concourent à l’élaboration et à la mise en œuvre de ces actions dans leurs domaines d’action respectif. Le fait d’organiser des actions de formation professionnelle en langues régionales de France ne peut être considéré comme une mesure de discrimination. » Idem pour le 283, le 534 et le 555 qui reprend en partie l’article 35 supprimé. Enfin un amendement a été déposé par le groupe écologiste. Il vise à introduire dans le code du travail un article prévoyant que « le fait pour une offre d’emploi de réclamer la connaissance d’une langue régionale ou étrangère ne saurait être interprété comme une mesure de discrimination ».

C’est bien maigre mais une élimination totale serait pour le coup discriminante. Le monde politique n’a sans doute pas les mêmes notions et définitions de « citoyenneté » et « d’égalité ».

@Benoit1Roux

 

Moi, Gaston Dominici, assassin par défaut (de mots) ?

Jeudi 29 octobre dans le cadre du Festival Occitània de Toulouse, le Centre Dramatique Occitan de Toulon est venu présenter au théâtre Jules Julien sa pièce « Moi, Gaston Dominici, assassin par défaut (de mots ?) » qui nous raconte cette célèbre affaire judiciaire sous une perspective linguistique puisque l’accusé, un paysan de 75 ans qui parlait surtout provençal, maîtrisait mal français :

Gaston Dominici interrogé par la police. Image de Jack Levé et Sirine Tijani

Gaston Dominici interrogé par la police. Image de Jack Levé Sirine Tijani

 » Dans la nuit du 4 août 1952 une famille anglaise est assassinée sur le bord d’une route des Alpes de Haute Provence où elle bivouaquait. Gaston Dominici propriétaire de la Grand Terre à quelques mètres du crime va être accusé par deux de ses fils d’en être l’auteur. Enfant de père inconnu, orphelin de mère immigrée, époux choisi par nécessité d’honneur et assassin par défaut (de mots ?), Gaston Dominici sera condamné à mort sans que sa culpabilité ait été prouvée (…)

La pièce dit le drame de ce paysan provençal façonné  par une langue et des codes étrangers au monde judiciaire à travers une confrontation dominée par l’incommunicabilité. Il ne s’agit pas ici de refaire le procès ni de prendre parti pour ou contre la culpabilité de l’accusé mais de porter un regard sur un homme et sur ce qui peut en faire un bouc émissaire : instrumentalisation de la parole, poids de l’incompréhension due aux décalages culturels et à ceux du langage qui orientent l’enquête sur un coupable idéal, celui dont on moquera le parler pour construire  plus aisément l’intime conviction. » www.cdoc.fr

Une équipe de l’Edicion occitana a pu assister à la pièce jouée ce jour-là devant une centaine de collégiens et lycéens toulousains.


Moi Gaston Dominici, Assassin par défaut (de mots?)

Reportage de Sirine Tijani, Jack Levé et Michel Lehoux. Montage de Charlotte Willocq

Prochaines dates de  « Moi, Gaston Dominici, assassin par défaut (de mots ?) »
– 14 Octobre à Degagnac (46) (Salle des fêtes)
– 18, 19, 20 Novembre 2016 à Marseille (13) (Théâtre des Chartreux)
– 9 Mars 2017 à Digne-les-bains (04)
– 30 mars 2017 (19h), 31 mars (20h) à Avignon (84) au Théâtre du Chêne Noir
– 1er avril 2017 à 20h à Orange (84) (Théâtre du Sablier)

Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine Tijani Sirine