Maurice Roux, grand photographe humaniste gascon n’est plus. Il a été inhumé mercredi à Simorre dans le Gers. Mort à 81 ans, accidentellement, sur son vélo, alors qu’il venait de visiter sa sœur. Toute une philosophie. Tout un regard. Hommage.
« Ecrire avec la lumière »
Dans la vie, Maurice Roux était inséminateur. Il voulait être dessinateur. « Mais ce n’est pas un métier ! », lui ont rétorqué ses parents arboriculteurs. Un amoureux de la ruralité, d’un certain art de vivre qu’il n’a cessé de photographier au sens étymologique du terme : « écrire avec la lumière ». Il a commencé dès 9 ans, à mettre en lumière cette ruralité non pas comme un décor, mais avec des gens en action, dans leur milieu, sur le terrain. « La photo c’est une émotion », disait-il. Il ne photographie pas pour lui mais pour témoigner, pour ces gens qu’il aime et qui sont sur la photo. Il a acheté un appareil professionnel 6X6, s’est fait prêter un Rollei. En 1977, une chute de plus de 11 mètres lui vaut plus de 7 mois d’hôpital, la colonne vertébrale cassée, le foie éclaté… On le disait perdu mais la nature l’a retrouvé. Alors il a beaucoup photographié entre 79 et 81. « J’ai fait une moisson de clichés, terribles. C’est top ! ». Il se disait artisan et non artiste. Jean Dieuzaide était son seul maître.
« Le français ne m’intéresse pas »
1950 c’est aussi le début pour lui du collectage, avec un magnétophone : « J’ai rencontré le Moyen-Age, des gens qui fauchent à la fau, qui étaient des génies de leur travail mais qui ne le savaient pas ». Et bien sûr la lenga d’òc qui va de pair. Une langue qu’il n’a jamais cessé de parler et de défendre, s’insurgeant une fois encore dans cette belle conférence avec Diane Sophie Girin contre la notion de « patois ». Georges Nosella lui rend hommage : « Compagnon de rencontre de Renat Jurié, de Pierre Corbefin et tant d’autres, il est à la base de l’arreviscolar de la cultura nosta à Samatan dans les années 70. On ne compte plus les musiciens qui ont fait dans ces temps-là leur séjour en Savès…Par lui sont passées les pratiques de la scottish et de la mazurka de cette région de Gascogne, dont les pas ont formé des milliers de danseuses et de danseurs trads à travers le monde pour qui ce mode local est devenu universel. Nul n’a si bien illustré ce propos de Miguel Torga: « L’universel c’est le local sans les murs. » Pas un lundi où il ne parle sa langue sur le marché de Samatan. Pas un jour sans photographie, pas un moment sens la lenga de sa tèrra maire. Il était fier que ses enfants perpétuent cette lignée linguistique.
« J’ai essayé de vivre libre et je le suis encore »
Maurice Roux parlait rarement de lui : « Mes photographies le font pour moi ; elles sont le reflet de mon âme. Je me fous à poil devant ceux qui savent lire mes images et ça me suffit ». Des photographies qu’il ne vendait jamais. Il les donnait toujours aux paysans qui, en échange, lui remettaient parfois une volaille. Un homme de grand cœur, perclus d’humanité et de valeurs, profondément libre. « En Gascogne, on mange bien, on boit bien, on rit bien aussi. » Maurice Roux raconte que « on prenait le temps de s’arrêter, causer un brin ». Il vivait parmi ceux qu’il photographiait, l’occitan chevillé au cœur, arpentant les campagnes avec son vélo, parcourant foires et marchés à pied, à son rythme, pour capter la nature et ceux qui l’occupent. Il n’hésitait pas à dormir à la belle étoile pour mieux observer et photographier. Ses photos, son oeuvre, sont le reflet de ce qu’il était : un personnage vrai et fort, sans concession, d’une grande sincérité et d’une profonde humanité.
Benoît Roux