Lo pintre Jacques Fauché nos ven de quitar.
Jacques Fauché vient de nous quitter à l’âge de 86 ans. Il était né en 1927 à Lézat sur Lèze (09). C’était une figure. Sous sa bonhommie légendaire pointait un peintre pointilleux et averti. Une enfance passée dans l’épicerie familiale, les sens en éveil devant ces couleurs, ces odeurs, ces objets. Des études secondaires à Toulouse et les Beaux Arts pendant la guerre. L’esprit frondeur, il manque d’être renvoyé. A la libération, c’est la grande découverte de l’Art contemporain, le choc du cubisme. Jacques Fauché participe alors à de nombreux mouvements qui refusent l’académisme. Il cherche de nouvelles voies et n’oublie pas d’affirmer son occitanité.
Décembre 1950 il crée avec d’autres peintres (Jacques de Berne, Andrée Chocard, Pierre Igon…) une école toulousaine où le provincialisme et l’académisme n’ont pas lieu d’être. Entre figuration et abstrait, son style interpelle, dérange parfois. Notamment des fresques qu’il a peintes dans les églises de la région qui sont parfois recouvertes. Teintées de cubisme aux couleurs saturées, elles sont souvent recouvertes par des tentures et voilages comme à Péguilhan et dans sa ville à Lézat.
Mais Fauché poursuit sa route obstinément. En 1960, le milliardaire rouge Jean-Baptiste Doumeng passionné d’Art lui commande une suite de treize huiles sur bois sur la croisade contre les albigeois. Une expo qui là-aussi a fait grand bruit. «C’est la première fois que les Occitans découvrent cette partie de l’histoire de France occultée jusque là», se souvient son ami, son « frère » André Lagarde. Le livret accompagnant l’exposition n’étant pas « politiquement correct », l’année suivante, une seconde exposition sera interdite par le préfet. Depuis lors, les tableaux ne sont plus jamais ressortis de la collection privée de Doumeng, jusqu’à leur exposition actuelle à la médiathèque de Muret (31), l’un des événements qui marquent dans cette ville le huitième centenaire de la bataille.
Fauché a réalisé aussi de nombreuses fresques dans des écoles, à Tarbes, Saint-Sulpice-sur-Lèze, Bérat, Revel, Toulouse… Il a collaboré à l’édition et à l’illustration de nombreux ouvrages occitans notamment ceux d’André Lagarde. Il a réalisé le monument aux déportés dans le cimetière de Noé. Jusque dans les années 90, il a enseigné à l’école des beaux-arts de Toulouse puis poursuivi ses recherches -notamment sur la couleur- dans le calme de son atelier de Bérat.
Qui a rencontré ce personnage rayonnant d’humanité, de bienveillance et de générosité s’en souvient encore. Qui a déjà vu ses œuvres peut en mesurer l’inventivité, le choc des lignes et l’harmonie des couleurs. L’Occitanie et le monde pictural ne pourront pas oublier Jacques Fauché. Adessiatz Jacme.
Benoît Roux